Presente toi banane flambee
Prénom : J'ai cherché quelque chose de spirituel parmi les objets encombrant mon bureau, j'avais le choix entre "Crayon", "Caillou" et "Boussole"... vous devinez la suite
Age : Vénérable. Beaucoup trop vénérable pour me faire traiter de banane flambée par un formulaire...
Activités : Là présentement je remplis un formulaire qui me traite de banane flambée
Centres d'intérêts : RP (duh), dessiner, fabriquer des choses...
Où j'ai trouvé le forum : Partenaire puis bouche à oreille
Un petit mot pour Nano. ? : Vous êtes beaux, sobres et pleins de couleurs, je vous aime déjà !
Activité à Prévoir : Un message par jour je pense, sauf absence
Bonus : Fantôme en tentative de retour. Parce que je vous aime. Valà.
Iekaterina Alexandrovna Sokolova
○ Prénom et Nom : Iekaterina Alexandrovna Sokolova
○ Age : 39 ans
○ Race : Zootrope
○ Forme animale : Panthère de l'Amour. Les couleurs d'un tigre en été, celles d'un tigre saupoudré de neige sale en hiver, les taches d'une panthère, et un gabarit presque réduit d'un mètre soixante de long, moitié moins sans la queue. Dans son malheur elle aurait pu tomber plus mal... mais elle s'en serait volontiers passé.
○ Métier : Iekaterina a été bien éduquée. Elle ne sait ni ne veut faire grand-chose hormis tenir et embellir un foyer. Pourtant, il faut bien gagner son pain, et l'embellissement d'un repaire de terroristes maléfiques n'est apparemment pas un bon moyen de se coucher le ventre plein. Officiellement, elle est donc professeur d'histoire et de littérature pour les pauvres hères qui seraient intéressés, et s'occupe des enfants de la Ligue. Officieusement, elle est surtout là pour espionner et mettre à profit une mémoire et un sens de l'observation développés par l'intendance, les mondanités et les commérages.
Cherche coiffeur (mort ou vif)
- Grand ou petit ? Ou entre les deux ? Pas très grande, 1m60 environ. Mais elle se tient très droite - parce qu'elle a été bien éduquée - et elle met un point d'honneur à se coiffer dignement malgré sa situation délicate, alors elle peut sembler un peu plus grande.
- T’as des signes particuliers ? Hormis le fait qu'elle est un monstre ? Non, aucun. Peut-être un grain de beauté sous le gros orteil gauche, mais avec qui aborder le sujet, très franchement ?
- Décris-nous un peu ton style vestimentaire : Quand elle a le choix, sobre, élégant et digne - moins on voit de peau, mieux c'est, à moins que la mode du moment ne soit aux bras nus à l'antique. Dernièrement elle n'a pas vraiment eu le choix de ses frusques et se contente donc de ce qu'on veut bien mettre à sa disposition. Il faudrait toutefois qu'un incendie la trouve nue pour la convaincre d'enfiler un pantalon - raison pour laquelle elle n'est jamais nue. Jamais. Une dame bien éduquée porte toujours quelque chose.
- Y a-t-il un objet que tu portes toujours sur toi ? Un portrait de son fils et un de son défunt époux, dans un médaillon suspendu à une chaîne très fine, invisible sous ses vêtements.
Interview avec le Tout-Puissant
- Tu pries tous les soirs ? Bien entendu ! Elle a été bien éduquée. Elle prie pour son fils, tous les soirs, tous les matins, dès qu'elle en a le temps, pour qu'il aille bien et soit épargné par cette malédiction qu'elle porte. Elle prie pour l'honnêteté de l'homme qui l'a en charge. Elle prie pour qu'un jour tous les enfants du Mal soient détruits. Même elle.
- T’aimes les animaux ? Tant qu'ils ne se font pas passer pour des humains, elle leur voue une souveraine indifférence.
- Ton pire souvenir, c’est… ? Ce moment où elle a réalisé simultanément qu'elle était un monstre, que l'homme face à elle voyait ce monstre, et que son fils devait absolument être préservé de sa présence.
- A quoi ressemble ton chez toi ? Avant il était vaste, élégant, lumineux, décoré avec goût, art et sobriété. Des bouquets de fleurs fraîches et onéreuses exhalaient de doux parfums, et un air de musique emplissait l'air lorsqu'elle s'asseyait au piano. Mais à présent, comment transformer "sa" petite pièce aux murs de plâtre nu et aux allures de cellule en un semblant de logement décent ?
- Une journée normale, pour toi, ça ressemble à quoi ? Se réveiller, prier, s'habiller, ne pas se maquiller ni se parfumer parce qu'une dame comme il faut n'a pas besoin d'artifices à sa beauté naturelle - et que de toute façon elle n'en a pas -, aller chercher quelque chose à manger en laissant traîner yeux et oreilles, faire cours aux enfants et aux malheureux hères qui en ont souvent bien besoin - sans cesser de vouloir leur mort, enfin elle s'efforce de s'en convaincre en tout cas -, prier... le reste du temps est consacré à des tentatives d'amélioration des conditions de vie de l'orphelinat. Prier, aussi.
- Ok, si tu pouvais devenir Tsar demain, qu’est-ce que tu ferais ? Oh. Il lui faudrait mettre des pantalons. Tsarine lui siérait mieux, assurément. Dans tous les cas, elle mettrait son fils à l'abri de tout ce qui pourrait lui nuire - tout. Si un Tsar ne le peut pas, quel mortel le peut ? Et à quoi bon porter le titre hérité des empereurs romains d'autrefois ?
Histoire (courte)
Iekaterina est née dans une famille aisée et respectable, où il était question de tendresse et d'affection davantage que d'amour. La brune fillette a reçu, aux côtés de ses deux sœurs, la meilleure éducation qui puisse seoir à une jeune fille de la bonne société moscovite, soit essentiellement la tenue et l'embellissement de la maison, la gestion du budget de la famille, les relations à entretenir avec les domestiques, les soins de base à apporter aux enfants et aux malades - toujours avec compassion -, l'histoire, la géographie, la littérature, le français, et même quelques mots de latin et de grec - qu'elle s'est empressée d'oublier tant la lecture des lettres classiques seyait peu à une demoiselle de son rang.
La jeune fille, beau et bon parti, a été mariée à seize ans à un homme qu'elle ne connaissait pas et n'aimait pas, mais on ne lui demandait pas son opinion et il ne lui est pas vraiment venu à l'idée de la donner. Roman était plus âgé qu'elle de onze ans, militaire et rarement présent, mais il n'était pas méchant, pas violent, buvait peu et toujours avec assez de modération pour ne pas se livrer aux débordements coutumiers des ivrognes, la laissait gérer le foyer à sa guise, lui écrivait régulièrement, et ils finirent par s'apprécier suffisamment pour qu'elle puisse l'appeler "mon ami" en toute sincérité. Ils partageaient le même point de vue sur un certain nombre de points cruciaux, comme l'éducation à donner aux enfants, le degré de prestige auquel famille et logis devaient se maintenir, haine profonde envers ces abominations animales qui prenaient parfois forme humaine. Ensemble ils ont eu huit enfants dont trois ont dépassé le cap fatidique des cinq ans, et un seul celui des quinze ans.
Puis Roman est mort, et elle s'est retrouvée veuve, tutrice de son fils et son beau-frère tuteur d'elle-même. Rien de bien surprenant dans une société et un milieu où la femme n'était qu'une mineure légale ; c'était ainsi et c'était très bien. Elle connaissait Fyodor depuis presque aussi longtemps qu'elle avait connu Roman, sans que ce soit un ami elle l'appréciait suffisamment pour lui accorder une certaine confiance. Il était impliqué dans la Milice, à un niveau assez élevé pour être influent auprès des bonnes personnes. Elle s'entretenait avec cet homme des modalités de la tutelle et des libertés qu'il lui laisserait dans la gestion des biens qui reviendraient un jour à son fils, lorsqu'il s'interrompit et fixa sa main. Sans comprendre, elle baissa les yeux à son tour. Elle n'avait plus de main, c'était une patte qui dépassait de la manche de sa robe.
Impossible de décrire exactement ce qui la traversa au cours des secondes suivantes. Terreur, horreur, panique, dégoût, tout à la fois, et puis plus rien parce qu'elle s'était évanouie.
En se réveillant, avec l'impression d'avoir du coton dans la tête, une boule de chiffon dans la bouche, et inhabituellement mal aux jambes, Iekaterina ne savait plus très bien ni où elle était ni ce qu'il avait bien pu se passer pour en arriver là. Elle était étendue sur le divan du petit salon, et Fyodor était là, toujours là, à son chevet, une expression indéchiffrable mais indéniablement complexe sur le visage. Après quelques secondes à le fixer sans comprendre, la veuve baissa les yeux sur ses mains et un hoquet terrifié lui échappa. Non, non, nononononon, c'était impossible, parfaitement impossible, elle avait rêvé n'est-ce pas, elle n'avait rien fait pour mériter un sort pareil, elle...
Fyodor l'interrompit. Les conditions de la tutelle étaient les suivantes. Aux yeux du monde, elle était malade de mélancolie et avait pris la route dès le lendemain pour l'Atlantique et ses bains thérapeutiques. Les biens, la maison, les terres, il en donnerait la moitié à la Milice, officiellement au titre de la volonté de son défunt frère, et administrerait l'autre moitié en attendant la majorité de son neveu. Il cacherait sa véritable nature à l'adolescent et au reste de sa famille, à l'expresse condition qu'elle se tienne à la disposition de la Milice. Il n'arriverait rien au garçon ni à personne si elle coopérait.
Comment refuser une telle offre alors qu'elle aurait dû être abattue sur-le-champ et sa famille traitée comme un ramassis de pestiférés, alors que Fyodor avait tous les droits légaux sur tout ce dont hériterait un jour son fils et jusqu'à son fils lui-même ? Elle accepta, tremblante, mortifiée, coupablement reconnaissante, ne songeant même pas aux expériences qui l'attendaient certainement - et qu'elle aurait cautionnées de tout son être si seulement elle y avait pensé.
Le lendemain, ce n'est évidemment pas vers l'Atlantique que le coche la conduisit, sobrement vêtue, voilée, tremblante et seulement armée de quelques bijoux glissés dans son corsage, mais vers un quartier qu'elle ne connaissait pas. Le voyage fut long, Fyodor lui indiqua brièvement ce qui avait été décidé dans la nuit - par qui, elle n'en avait aucune idée, était-ce de sa propre initiative ou une décision collégiale ? Comment aurait-elle pu savoir comment ce genre de choses se décidait, pourquoi cela l'aurait-il intéressée de toute façon ? Peu lui importait, à elle. Il allait la lâcher au milieu de nulle part, près d'un quartier où se terraient quelques recruteurs connus qu'on laissait faire pour mieux remonter leur filière, et elle allait se faire recueillir par les abominations. Les infiltrer. Il connaissait sa haine des monstres, voulait bien croire à la sincérité de son horreur face à la révélation si brutale de la veille. Il la recontacterait en temps utile pour qu'elle lui transmette toutes les informations dont elle disposerait, et qu'il lui transmette ses nouvelles directives. Evidemment, il attendait des informations utiles - noms des meneurs, armements et moyens à disposition, identité des sympathisants humains et des zootropes qui se fondaient dans la foule, emplacement des lieux de rassemblement et des quartiers généraux surtout. Elle pouvait tout leur dire de son histoire, absolument tout, son nom, sa vie, tout, mais qu'elle mentionne son rôle à lui et elle était perdue. Ils connaissaient son nom bien sûr, ils savaient qu'il était de la Milice. Qu'elle le fasse plutôt passer pour sa pire crainte. S'ils ne la tuaient pas, ils lui feraient pire encore, et même si elle caresserait sans doute parfois l'idée de mourir pour échapper à sa condition, elle ferait infiniment plus avancer la cause en restant en vie. Qu'elle pense à son fils et à l'espoir pour lui de vivre dans un monde enfin débarrassé des monstres et de la crainte des attentats. Quant à elle, en aidant l'humanité à lutter contre le Mal, elle se rachèterait peut-être aux yeux du Seigneur.
Elle comprenait. Bien entendu. Elle ferait tout son possible.
Malgré l'allure de taudis du logement où les recruteurs l'accueillirent - quant à savoir comment ils l'avaient repérée, ces démons... était-ce un autre de leurs pouvoirs ? -, Iekaterina suivit les conseils de son beau-frère et livra une version succincte mais fidèle des faits. Elle transforma seulement le dernier jour de sa vie d'humaine en fuite éperdue de crainte que quelqu'un ne découvre la vérité, au lieu d'un pacte avec la Milice, et présenta le coche et la doublure partis en France sauver sa réputation comme sa propre initiative. Elle n'avait pour vivre que les vêtements qu'elle portait et quelques bijoux pour pourvoir à ses besoins, son désarroi pudique et sa dignité désespérée n'aurait que difficilement pu la faire passer pour quelqu'un d'autre que Iekaterina Alexandrovna Sokolova - ou au moins qu'une aristocrate dans la même situation, et ce n'était pas tous les jours qu'une riche veuve disparaissait de la circulation. La vie mondaine lui avait appris à elle aussi, pas seulement à Fyodor, que le meilleur mensonge était une vérité subtilement altérée.
Sara Baral
○ Prénom et Nom : Sara Baral
○ Age : 23 ans
○ Race : Humaine. Tu sais, les bipèdes à cheveux, là.
○ Planète :
○ Métier : Mercenaire. Ouais, je sais, c'est cliché et tout, mais quoi, faut bien bouffer, et coucher à droite à gauche ça va cinq minutes mais c'est pas un plan de carrière.
Cherche coiffeur (mort ou vif)
- Grand ou petit ? Ou entre les deux ? 1m69, dans la moyenne donc.
- T’as des signes particuliers ? A part un physique bizarre pour une native d'une planète gelée, il y a bien quelques petites choses... voyons voir... une tache de naissance au-dessus du nombril, large comme un ongle, bien centrée. Je l'aime bien. J'ai aussi une espèce de constellation en grains de beauté de la hanche droite à l'épaule droite, mais j'ai du mal à la voir alors je me fie aux avis de ces messieurs-dames. Il manque une "étoile" à la constellation, des fois j'ai envie de me la faire tatouer, et puis des fois je me dis que c'est très bien comme ça : ça me fait une histoire à raconter et des bisous dans le cou... juste là, là.
- Décris-nous un peu ton style vestimentaire : Hors des heures de boulot, des couleurs claires qui me vont bien au teint, du blanc souvent, dans des coupes près du corps - tant qu'à être jolie, autant en profiter, hein ? Et des ensembles coordonnés, des boucles d'oreilles aux chaussures. On s'habille bien, ou on s'habille pas. Quand je travaille, c'est armure et casque, comme les copains. Ce qu'on fait de mieux en rapport qualité/prix, du bon milieu de gamme. Pas les moyens de mettre plus.
- Y a-t-il un objet que tu portes toujours sur toi ? Une bague offerte par un riche soupirant - il est mort hélas. J'étais tout près d'arriver à le convaincre de m'épouser, la preuve y a encore des gens pour offrir des bagues aux filles en leur disant que c'est en attendant le mariage... Non en vrai il était juste là pour la bagatelle, et il était pas très doué en prime, mais il faisait des jolis cadeaux qui coûtaient un rein, puis un jour il s'est pris un pot de fleurs sur la tête. J'avais les boules, tu peux pas savoir. Cte mort de merde en plus, on croirait un film pourri de l'Antiquité. J'ai vendu le reste parce que ça se transporte moins bien que les crédits, mais j'ai gardé la bague, elle est jolie. Je l'enlève juste pour me laver, sinon elle est toujours au majeur de la main droite. Et depuis je déteste les géraniums.
A l'autre main j'ai toujours un BX-4000. C'est quoi un BX-4000 ? Héhé. On dirait une bague aussi, mais ça tire des toutes petites balles. Ca serait assez inutile en fait, juste du bruit et une piquouze, si j'avais pas trempé les balles dans un truc paralysant. Pas très fair-play, mais légal.
Bon, puis un BX-6000 aussi, le flingue standard qu'on trouve un peu partout. Je l'ai sur moi dès qu'on a le droit de l'avoir. Il a été un peu traficoté, certaines pièces sont pas exactement légales ou obtenues légalement, alors j'ai pas très envie qu'on me le contrôle et je fais gaffe. Dans le pire des cas, j'ai toujours le BX-4000 et de bonnes jambes...
Ah sinon j'ai toujours au moins un couteau, aussi. On dirait pas, mais les armures sont tellement conçues pour repousser les balles qu'elles en deviennent vulnérables aux lames.
Interview avec un poulpe
- Où te planques-tu ? (vaisseau, station orbitale, planète, etc.) Déjà je me planque pas, ensuite on va où est le boulot avec les copains. Ca va de Celur à Pauméspace-entre-Proxima-et-Oméga. En vaisseau, donc, souvent.
- Tu joues au poker (si si) avec un poulpe violet, un Xzblorg, un tapis qui parle et un droïde à tête de canard. Qui est-ce que tu surveilles ? La porte. A tous les coups c'est des mauvais perdants. J'veux pouvoir filer. Le BX-4000 il est bien sympa, mais quand y a une boîte de conserve et une carpette au milieu j'suis pas sûre que ça soit très efficace. Oh, et je laisse pas ma thune sur la table, j'embarque le tapis. Pas celui qui parle hein.
- Dans les cantinas, qu'est-ce qu'on dit de toi ? Oh, beaucoup de choses, mais ça tourne souvent autour de mon postérieur, de la façon dont il est fichu et de ce que j'en fais. Je prends les compliments et je fais des coups de pute à ceux qui ont la mauvaise idée de m'appeler comme ça - au moins ils sont pas déçus. Et non, je suis pas la Marie-couche-toi-là de l'équipage. On est très pro avec l'équipage. Non mais sans déconner, t'as déjà vu un équipage où tout le monde couche ensemble et où ça se passe bien ?! C'est un coup à s'entre-tuer pendant le voyage !
On dit aussi que je suis la fille d'un dirigeant qui a eu récemment la mauvaise idée de s'opposer à la Confédération du Commerce et qu'il m'a reniée quand c'est arrivé parce que je bossais chez eux. J'aime pas trop cette histoire. Elle est tristounette, et tellement cliché franchement. Puis quoi, j'ai une gueule de comptable, sérieux ?!
Pour l'instant personne dit que je suis digne et respectable. Ca viendra. Enfin ça reviendra. Et on m'appellera Madame.
- Les lois, la politique, la Confédération du Commerce, l'écologie... t'en penses quoi de tout ça ? J'en pense qu'un jour c'est moi qui tirerai les ficelles. Je serai Conseiller. Et quand je serai Conseiller, je balancerai le Chancelier dans le vide spatial. Ca lui fera les pieds. Ensuite je prendrai sa place et je régnerai sur le monde.
...
Non mais tu m'as crue en plus ?! T'es pas bien toi ! Tu crois vraiment que j'ai envie de me faire dessouder par des politicards ? C'est encore pire que de crever à cause d'une boîte de conserve qui parle, merde ! J'vais me trouver un mec avec des sous et pas casse-pieds, je serai riche et tranquille, on m'aimera et on me fera pas suer, le reste, je m'en cogne ! Bon du coup si on trouve un coin pas trop pollué, c'est mieux. Mais le reste, franchement...
- Une journée normale, pour toi, ça ressemble à quoi ? Je me lève en essayant de bousculer personne, je me douche, je me pomponne (parce que merde, c'est pas parce qu'on gagne sa croûte avec un casque sur la tête qu'on doit le faire les cheveux emmêlés ou avec un bouton sur le pif), puis je vais travailler et en général c'est lourd. Bah ouais. Faut pas croire hein, les mercenaires ça fait pas mal de missions d'escorte ou de surveillance, et comme notre boulot c'est avant tout de dissuader les copains d'attaquer le patron, ben on dissuade très fort. Dissuader, ça veut dire montrer qu'on a la plus grosse pour pas avoir à se battre. Du coup c'est rare qu'on se retrouve embarqués dans des batailles épiques au son du trombone... enfin heureusement des fois ça cogne et on s'emmerde beaucoup moins, même si j'ai pas non plus envie de me prendre un tir en plein sur l'éventuel bouton sur le pif.
Quand c'est réglé, ou à la fin de mon service (oui, y a aussi des règles, des temps de service et tout ça, c'est moins casse-burnes que dans l'armée paraît mais il en faut quand même sinon je te raconte pas le bazar), je vais au bar ou dans la salle de repos ou n'importe quel endroit avec du monde, je passe le temps, je mange, je retrouve mes draps
'fin ça c'est la théorie, parce que dans les faits la normalité c'est assez abstrait comme concept dans ce genre de taf où on bouge beaucoup et où on a des fois des horaires bizarres.
- Si tu trouves la planète Alpha, qu'est-ce que tu fais ? Je sais pas, mais je préviens surtout pas le commanditaire de l'expédition. Ouais, c'est le genre de type ça, ils t'envoient faire le sale boulot et après ils te crèvent pour être les seuls à en profiter. J'les connais. Politicards.
Ptet je m'y installerais, tiens. Avec mon mec imaginaire. Et on ferait plein de bébés imaginaires aussi.
Histoire (courte)
Ah, l'histoire de ma vie. Ca t'intéresse ? Accroche-toi à ton siège, tu vas kiffer.
Alors j'suis née y a vingt-trois ans et quelques sur Phos'il, où exactement tu t'en cognes et moi aussi. Père politicard, mère militaire, le pied. J'sais pas trop comment ils m'ont faite mais faut croire qu'ils se sont débrouillés. Pôpa était riche, môman moins mais ça allait, ils pouvaient pas se piffer, ils se sont pas battus pour moi... enfin pas trop. L'idée générale c'était "je m'en suis occupé neuf mois, maintenant elle est là, c'est ton tour", môman s'est barrée et puis voilà, il allait pas me jeter aux ordures hein. Me demande pas comment ils m'ont eu s'ils pouvaient pas se blairer, j'en sais rien j'ai dit. Elle avait ptet assez bu pour le trouver potable, ou alors il l'a fait chanter, ou il lui a filé un chèque avec plein de zéros, qu'est-ce que j'en sais moi ! En plus il était déjà marié avec deux gosses presque adultes, je les ai à peine connus les frangins. Belle-Môman aussi je l'ai pas vraiment connue remarque, vu qu'elle a divorcé à la minute où j'ai mis les pieds à la maison. Mais ça il me l'a jamais reproché, j'crois qu'il cherchait un prétexte pour qu'elle se casse en fait. Ptet que c'était moi le prétexte maintenant que j'y pense. TOUT EST LIE @_@
Pôpa s'est donc occupé de moi un peu comme on s'occupe d'une verrue, en faisant bien attention à surtout pas y toucher des fois que ça éclate et que ça fasse encore plus de problèmes. Dès que j'ai eu l'âge, ouste, en pension sur Celur, on paie les études pour faire bien et basta. Hein quoi c'était quoi l'âge ? Onze ans. Ouais, y avait pas de navettes pour rentrer tous les soirs sur Phos'il tu comprends. Formation générale, puis comme je m'en sortais bien avec les chiffres on m'a dit que je pouvais bosser à la CC. Enfin non, on m'a dit que je bosserais à la CC. L'idée que par hasard je puisse avoir envie d'autre chose visiblement elle a effleuré personne, ni les profs ni le paternel. C'est très bien de passer sa vie dans un bureau pollué hein d'un côté. Avec le nom de Pôpa j'aurais pu boursicoter tranquillou, me faire des sous, et aller me faire dorer la pilule ailleurs avant que mes poumons soient complètement bousillés. Mais les chiffres c'est mignon, c'est utile, mais bordel que c'est chiant ! Je suis pas là pour me faire chier moi, je veux que ça bouge ! Pis surtout je veux rien lui devoir à mon père. Mon éducation c'est déjà trop. A l'époque je faisais tout ce que je pouvais pour lui faire honte. D'abord en faisant des conneries, puis ensuite des grosses conneries. Genre en trois ans j'suis passée du vol de petites cuillères à la cantine, aux fugues sur les toits, aux coucheries dont je me cachais à peine. Quoi ? Ouais quatorze ans c'est précoce il paraît. Il paraît aussi que les parents sont censés s'occuper de leurs mômes au lieu de se barrer tirer sur des gens ou de les envoyer en pension à l'autre bout de l'univers, alors hein, c'est pas moi qui ai commencé. Mes conneries à moi en plus elles impliquaient
Ben écoute, j'ai fait des conneries comme je disais, mais j'crois que la plus grosse ça a été le jour où j'me suis inscrite qu'à des trucs à la con pour mes études supérieures. Des études de litté qui me faisaient chier, de l'astrologie – ouais -logie, pas -nomie – qui m'aurait bien fait rigoler, en plus j'aurais sûrement de l'avenir avec les conneries que j'peux débiter au kilomètre, une académie de danse... Je dansais bien, faut dire, d'ailleurs je danse toujours bien... si t'es sage j'te montrerai, hm ? Maiiis faut croire que la générosité paternelle ça marchait que dans la perspective où j'aurais un boulot qui paie bien à la fin. Quand il a pigé que si aucune boite prestigieuse avait voulu de moi c'est que j'en j'avais mis aucune sur ma liste de vœux, il a gueulé tout ce qu'il savait à quel point j'étais une petite salope ingrate, j'ai gueulé aussi à quel point c'était qu'un vieux connard matuvu, et j'me suis taillée avec les bijoux de famille. Façon de parler hein, j'ai eu le temps de retirer un peu d'argent avant qu'il me bloque mon compte... mais après j'avais mon sac de sport que j'emmenais à la danse, un paquet de biscuits entamé, un T-shirt de rechange qui puait déjà la sueur, un pantalon de rechange qui puait aussi, mes papiers et un tél dans la poche de mon pantalon, et ma calculette que j'avais foutue là parce que j'avais la flemme d'ouvrir l'autre sac à la fin du cours. C'est tout. Si je devais recommencer, j'crois que j'embarquerais la petite horloge du salon. Elle coûtait cher, elle était en palladium je crois, ou un autre truc en -ium qui coûte un rein. Bon, et mes bijoux aussi, mais ils étaient loin eux, dans ma chambre avec le reste de mes fringues, l'horloge je suis passée devant en sortant.
J'suis allée me faire héberger chez un pote le temps de trouver quoi faire de ma vie, dix-sept ans et plus un rond, eeet j'ai découvert que les galipettes c'était bien commode pour pas lui payer de loyer. Ouais c'était pas désintéressé son histoire, tu croyais quoi toi. Tout le monde est intéressé, à part peut-être les saints et les idiots du village, et y a pas grande différence. Alors j'me suis dit, ma foi, en attendant de trouver comment gagner ma croûte, au moins j'suis logée-nourrie. Parce que pour avoir des sous, que dalle, hein. Les copains ils étaient tous pleins aux as, mais pas un pour faire un geste. Trop peur de Pôpa sûrement. Connards.
Les cours de maths ça va un temps, les galipettes aussi même si selon avec qui c'est ça rapporte plus, il a bien fallu trouver autre chose. En plus malgré tout j'avais l'habitude de bien vivre, alors ça va cinq minutes le grappillage de centimes pour faire un crédit. Un jour j'ai croisé un gars qui "recrutait" pour un voyage longue durée. Bonne paie, qu'il disait. J'me suis pointée la bouche en cœur, vu que je savais ni pour quoi exactement ils recrutaient, ni rien d'autre. Ils ont bien rigolé quand ils ont vu que j'avais ni arme ni armure. Rien à foutre j'ai dit, embarquez-moi et j'apprendrai, au pire ça vous coûtera rien de plus si je crève vu que vous aurez pas eu le temps de me payer. Rien à faire, c'était non. Trop dangereux pour une minette de bonne famille qui sait même pas qu'y a une sécurité sur une arme, qu'ils disaient. Tu parles, trop dangereux pour eux ouais, ils avaient pas envie de se ramasser avec une gamine en fugue. Doivent avoir l'habitude d'en voir, des gosses paumés qui veulent embarquer pour changer de vie. Alors quand ils en voient une trop bien sapée ils ont pas envie de se prendre les avocats de Pôpa sur la gueule, tu comprends. On m'a dégagée, et j'ai fait un sitting. A la fin de la journée, un mec qui devait en avoir marre de me voir plantée là et qui avait sûrement peur que je revienne demain m'a filé le nom du vaisseau d'un pote à lui qui arrivait deux jours après pour faire une escorte inutile, si ça m'intéressait tant que ça fallait aller le voir de sa part. J'me suis un peu renseignée sur le nom du vaisseau du coup, histoire de pas mettre les pieds dans n'importe quelle boîte de conserve peuplée de pirates ou d'esclavagistes. J'étais jeune mais pas complètement con, quand même, merci ! Hein quoi comment ça j'avais pas vérifié à la première demande ? ...ouais bah c'parce que je savais pas dans quoi je mettais les pieds. Là. Insiste et ta danse tu peux t'asseoir dessus.
Bref, donc j'y suis allée, j'ai donné ma recommandation, le gars a ronchonné mais il a bien voulu m'embarquer. En me faisant signer une décharge comme quoi je m'engageais de mon plein gré dans l'aventure et que s'il m'arrivait quelque chose Pôpa avait rien à lui dire. J'ai même eu le droit de mettre un PS. "Si un jour tu lis ça, va chier", j'ai écrit. Histoire de prouver que j'avais pas été forcée d'écrire le truc.
Et c'est sur ce "va chier" qu'a commencé ma fabuleuse vie de bonne à tout faire. Ouais ça rime avec "mercenaire" t'as vu, c'est fait exprès. Paraît que c'est le meilleur moyen de voir les ficelles du métier, faire le café. Et bah en fait, comme j'me faisais chier – aucun droïde est tombé en panne donc j'ai échappé aux corvées de chiottes, j'ai eu de la chance – j'ai posé plein de questions à tout le monde, et j'ai appris des tas de trucs. Du coup ouais, faire le café c'est bien. Y avait une salle d'entraînement aussi, j'arrivais à peine à soulever leurs gros flingues de mecs par contre au corps à corps je gérais. Douze ans de danse ça donne une putain de souplesse et de sens du rythme, j'esquivais comme pas deux. Et crois-moi qu'après toutes les entorses et toutes les déchirures que tu t'es chopées, tu connais tellement ton corps que tu sais exactement où l'autre va chialer sa race si tu tapes correctement. "Y a plus qu'à" savoir comment taper correctement, donc.
Et le temps a passé, les missions sont vite devenues plus dangereuses, mais j'ai eu interdiction de poser un orteil en mission avant de savoir en placer dix d'affilée dans les cibles virtuelles. J'me suis tellement fait chier pendant deux ans à pas pouvoir mettre le nez dehors, si tu savais. J'ai passé genre toute ma vie dans cette salle d'entraînement en réalité virtuelle. Pis j'pouvais même pas faire les yeux doux au commandant pour aller taper des gens, l'article 3 du règlement intérieur c'était "pas de coucheries dans l'équipage sinon le commandant ouvre le sas", juste après "le commandant a toujours raison" et "si quelqu'un d'autre a raison, se reporter à l'article 1". Tseuh. M'enfin comme j'avais pas très envie de vérifier si le règlement était sérieux ou pas, j'ai pas insisté. J'me suis rattrapée à terre. C'est comme ça que j'ai connu le gars qui m'a acheté la fameuse bague, là.
J'aime bien cette vie. Ca bouge. On voit du monde, du beau monde même. Des fois j'ai envie de me poser et de mener la grande vie à nouveau, sauf que la paie est pas mirobolante pour l'instant et tout ce que j'avais de côté est parti pour acheter ma dernière armure. J'ai pas assez d'expérience pour gagner beaucoup, et je reste vraiment meilleure au corps à corps qu'au tir, ce qui est assez ballot quand on bosse dans un univers où tout le monde a un flingue, ou deux, ou trois. Utile pour certaines situations, mais pas glop le reste du temps. Du coup des fois je cherche le prince charmant. Un gentil gars pas chiant qui m'aimera pour ce que je suis et pas pour du potentiel, du peut-être ou des mensonges. Mais ça vu que je mens tout le temps... hein quoi, pourquoi tu me regardes comme ça ? Mes histoires sont si pourries, que tu regrettes à ce point d'être resté seul avec moi pour écouter tout ça ? Non ? Bon ça va alors. 'tention hein. Sinon t'auras pas ta danse.
Ian Nygård
○ Prénom et Nom : Ian Nygård
○ Age : 58 ans
○ Nationalité : Norvégien
○ Métier avant l'apocalypse : Pêcheur
○ Lieu de vie : L'Astrid, son petit bateau de pêche dans le port. Il s'est bricolé un abri décemment défendu dans un container sur la terre ferme, pour quand le temps est à la tempête et qu'il est absolument obligé de lâcher sa coque de noix. Décemment défendu, c'est-à-dire cerné de barbelés tendus pour retenir, faire tomber et/ou déchiqueter les saloperies, et juché sur un autre container pour empêcher les plus teigneux de rentrer. Le problème c'est que pour lui aussi ça devient compliqué de rentrer. Il faut grimper sur la grosse caisse pour attraper la corde et grimper en s'appuyant sur la porte du container de dessous, mais il a plus vingt ans alors peut-être qu'un jour il faudra choisir entre un dernier voyage au large et rejoindre le camp.
○ Occupation : Pêcher. Ca le gêne pas de manger du poisson à tous les repas. Le surplus, il le fait sécher et en échange une partie aux gens du camp contre des produits de première nécessité. Ou des conserves de haricots, parfois. Quand il en a beaucoup et que les autres crèvent la dalle, ça lui arrive même d'en donner. Un peu. En gardant sa hache bien en évidence pour bien expliquer que non, il est pas gâteux et que non, ça veut pas dire qu'il donne accès illimité à la réserve.
Cherche coiffeur (mort ou vif)
- Grand ou petit ? Ou entre les deux ? Grand. La mer use, plie, brûle, le deuil tasse, mais la dernière fois qu'il a vu un toubib, ça devait être en 67, il faisait un mètre quatre-vingt-trois.
- T’as des signes particuliers ? Il fait facilement dix ans de plus. La mer use et le deuil tasse. Il a toujours été barbu mais ne fait plus aucun effort pour entretenir les broussailles qui lui mangent la figure. Toujours mieux d'être bouffé par des poils que par des saloperies de morts qui marchent. Puis ça protège le cou.
- Décris-nous un peu ton style vestimentaire : Boaaah. C'est pas une gonzesse, et surtout depuis 70 le style ! Bon, on connaît pas le vocabulaire technique alors il va pas s'emmerder à tout expliquer : quand il pêche c'est des trucs étanches et des pulls dessous, quand il pêche pas c'est juste des pulls, des jeans et des bonnes grosses bottes. L'épaisseur, tu vois.
- Y a-t-il un objet que tu portes toujours sur toi ? Un couteau qui le suit depuis une quarantaine d'années et qui coupe toujours, une hache qu'il a récupérée au début du foutoir, et du fil de pêche parce que ça sert pas qu'à pêcher. Une pipe aussi, le vieux truc en bois que même son père trouvait ringard. Elle était à son grand-père et elle marche toujours, alors la mode...
Interview avec un zombie intello
- Tu parles norvégien, c'bon ? Et anglais ? Norvégien oui, le norvégien du pêcheur, et l'anglais du survivant à l'apocalypse zombie. Les gens du camp baragouinent péniblement anglais et personne ou presque parle assez de norvégien pour comprendre une phrase normale, alors il se débrouille avec quelques mots d'anglais : poisson, alcool, bois, conserve, habits, tabac, aller, venir, partir, dedans, dehors, jour, nuit, peu, beaucoup, saloperies. Pour les chiffres il a des doigts, et au pire il y a toujours un arbre, un bout de tôle ou quelque chose où écrire un chiffre qui dépasse ses doigts. Bon en vrai il essaie de faire des phrases, mais il manque de vocabulaire.
- Si tu te faisais mordre, tu le dirais aux autres ? Moooerh. Il prendra son bateau, les trois gouttes d'essence qu'il garde dans un coin, et il ira se perdre en mer.
- Tu as 9 zombies face à toi et tu es tout seul. A droite, un ravin, à gauche, une vieille grange en ruine. Tu as une batte de baseball. Tu fais quoi ? Le ravin. Ca a pas le pied sûr les saloperies, ça finira en bas, et lui il pourra toujours se rattraper à un truc et remonter.
- Tu dois choisir : tu sauves la mamie, l'enfant ou l'humanoïde super sexy qui te fait de l'œil ? Ca dépend s'il les connaît. Sinon, l'enfant. Il a passé l'âge de s'intéresser à la sexytude.
- Une journée normale, pour toi, ça ressemble à quoi ? Se lever avant le soleil, manger un truc, pêcher, préparer la pêche du jour, manger un truc, se coucher. Les saloperies savent pas nager alors tant qu'il est sur l'Astrid c'est presque comme avant.
- C'est la fin du monde ou tu crois qu'un jour, tout redeviendra comme avant les zombies ? Non. Non, écoute, pour lui c'est foutu, et il lui reste quoi hein ? Alors ce qui peut arriver après lui il s'en fout, mais alors.
Histoire (courte)
Qu'est-ce qu'il faut dire ? Il est né en 2014, quand c'était encore l'Histoire et pas la Post-Histoire. La technologie c'était bien, mais on s'en servait surtout pour pêcher, parce qu'on était pas riches à la maison. Pas pauvre non plus, mais pas à rouler sur les couronnes. Quand il était gamin il ronchonnait de pas avoir son iPhone comme les copains, mais ils étaient quatre, et quatre iPhones c'était pas possible, donc personne a eu de téléphone jusqu'à ce que le petit dernier ait douze ans, c'était pas des iPhones d'ailleurs, et avec le recul c'était très bien comme ça. Lui avait seize ans, deuxième de la fratrie, et il était quand même bien content d'en avoir un pour arrêter de passer pour un clodo devant les filles. Déjà que pêcheur c'était pas glamour comme futur métier hein, si en plus il avait pas de téléphone... mais lui, quand ça a merdé, il a pu continuer à bouffer, pas comme tous ces p'tits cons du camp là. Bien la peine de faire des études si ça fait pas bouffer hein !
Enfin. Il a fait sa vie. Il a repris l'affaire de son père parce que son frère aîné était un fainéant et que lui il se donnait de la peine, sa sœur avait une petite chance de finir gérante de la boutique où elle était vendeuse donc elle a pas voulu lâcher, et son dernier frère était parti faire sa vie ailleurs donc il allait pas revenir pour les poissons. Pas grave, lui ça lui plaisait. Il s'est marié sur le tard avec une vague connaissance d'un collègue, un peu plus jeune que lui mais qui voulait pas d'un ingénieur et qui aimait la mer. Ils ont eu une fille, et presque en même temps il a fallu envoyer le vieux bateau de son père à la casse, alors le nouveau il l'a appelé comme la petite, Astrid. Elle était toute blonde, toute bouclée, un trésor.
Et puis les horreurs sont arrivées à Vannstad. Il a perdu sa femme et sa fille dans la panique. Il a passé un moment dans un entrepôt avec des collègues, à sortir tous les jours pour les chercher, à fendre des têtes comme un bûcheron parce que ça essayait de le niaquer. Et puis un jour il l'a retrouvée. Sa femme. Il l'a reconnue à son haut et au reste de cheveux.
La petite il l'a jamais revue.
Alors il a pensé se faire sauter le caisson. Il avait merdé. Il aurait dû les sauver. Pas les perdre. Les retrouver avant. Hrm. Mais ça serait trop facile. Pas la peine de parler de philo hein, de vivre pour les morts et toutes ces conneries. Non. C'est trop facile, de fuir, de pas assumer. Ca les ramènera pas de toute façon. Alors il a laissé les copains aller au camp militaire, enfin ceux qui voulaient, et lui il est resté. Il s'est bricolé une autre planque, il a gardé sa hache. Il veille toujours sur l'Astrid. Comme il aurait dû veiller sur Astrid.
C'est toujours trop tard.
Tu Lifen
○ Prénom et Nom : Tu Lifen. Tu c'est le nom de famille, Lifen le prénom. Li est le prénom commun à toute sa génération, Fen le sien propre. On utilise toujours ces deux prénoms ensemble, donc par convention on les écrit en un seul mot quand ils sont transcrits dans une langue étrangère.
○ Age : 29 ans
○ Race : Zootrope
○ Forme animale : Guépard. L'espèce est quasiment inconnue en Chine, ses plus proches représentants sauvages vivant en Inde.
○ Métier : Traductrice et interprète à l'ambassade de Chine à Moscou
Cherche coiffeur (mort ou vif)
- Grand ou petit ? Ou entre les deux ? Grande, indiscutablement. Et particulièrement mince, on ne prendrait pas de grand risque à la dire maigre – sinon celui de recevoir un regard acéré.
- T’as des signes particuliers ? Elle mesure 1m79, ce qui est grand, surtout pour une femme, et lui vaut d'être repérée de loin. Quand ses immenses cheveux ne sont pas lâchés - impudeur universelle ! - ils sont coiffés en chignon et ornés de discrètes épingles qui peuvent servir d'arme à l'occasion, ou savamment tressés en une coiffure somme toute pas si différente de celle des femmes russes aisées. On pourrait aussi parler de son attitude supérieure et hautaine en toute occasion, ou de ses yeux si bridés qu'on en voit à peine l'iris, dont l'étroitesse teinte parfois son mépris de menace. Elle n'a pas les pieds bandés, son père a déchu à temps, en revanche son russe porte encore la trace chantante de son shangaïen natal.
- Décris-nous un peu ton style vestimentaire : i en intérieur ou en été elle porte généralement des tenues chinoises ou d'inspiration chinoise, l'hiver elle préfère de loin les manteaux russes, plus adaptés au climat local - dont elle n'est pas une grande admiratrice. Les couleurs sont généralement très sobres, et elle a une affection particulière pour le blanc, pourtant couleur de deuil en Chine, associé ou non au brun ou au noir. Elle dispose également d'une robe plus semblable à ce que portent les femmes russes, et même d'une tenue de soirée un peu démodée et un peu usée car déjà portée, mais soigneusement recousue et typiquement russe, pour le cas hautement improbable où elle aurait à fréquenter du beau monde.
- Y a-t-il un objet que tu portes toujours sur toi ? Au moins trois lames, sans compter le stylet dans ses cheveux lorsqu'elle porte un chignon.
Interview avec le Tout-Puissant
- Tu pries tous les soirs ? Non. Et quand elle prie ce n'est que rarement le Dieu des chrétiens. Le Vatican et les bigots intolérants de cette Russie obtuse n'aimeraient pas l'apprendre. Il y a tant de choses qu'ils n'aimeraient pas apprendre, par exemple le fait que pour elle comme pour la plupart des Chinois de cette fin de XIXème siècle aucune religion n'exclut les autres. Que diraient-ils si après l'avoir vue allumer un cierge à l'église et prié très sincèrement, ils la voyaient déposer une offrande au petit temple hindouiste sur le chemin de sa maison où trône un autel consacré à ses ancêtres ?
- T’aimes les animaux ? Les lapins. Ces petites choses sont fascinantes. Avez-vous déjà saisi un lapin, senti sa panique sous la fourrure épaisse, avant de le poser contre votre cœur ? Le sien se calme aussitôt. Pouvez-vous encore envisager de le manger après une telle démonstration ?
- Ton pire souvenir, c’est… ? Probablement le jour où elle a échappé à un mariage pour s'en voir "proposer" un autre.
- A quoi ressemble ton chez toi ? Un endroit lumineux et sobre, de taille modeste, pourvu de quelques meubles indispensables : lit, table, chaises, coffre, et un petit guéridon contre le mur où elle a installé l'autel dédié à ses ancêtres. Tout est très propre et rien ne dépasse d'un cheveu.
- Une journée normale, pour toi, ça ressemble à quoi ? Se lever avant le soleil, s'habiller, se coiffer, manger un fruit, aller traduire des documents à l'ambassade et/ou accompagner un fonctionnaire pour servir d'intermédiaire entre lui et un Russe, parfois manger quelque chose quand elle en a l'occasion en milieu de journée, rentrer chez elle au soir, manger, se coucher. Elle ne passe pas beaucoup de temps dans la rue, parmi ce peuple rustre et globalement infréquentable qui voit les siens d'un si mauvais œil, mais ses obligations ou un simple besoin de sociabilité la poussent parfois à manger dehors, généralement avec des collègues.
- Ok, si tu pouvais devenir Tsar demain, qu’est-ce que tu ferais ? Abdiquer aussitôt et laisser les prétendants au trône s'entretuer.
Histoire (courte)
C'est le matin. Lifen travaille déjà malgré le froid qui traverse les murs fins de l'ambassade de Chine. Ses longs doigts osseux manient le pinceau avec dextérité, traçant les caractères sans hésitation malgré son regard fixé sur une autre feuille. La calligraphie n'est pas parfaite, un beau caractère ne se trace pas ainsi, mais il ne s'agit que d'un dossier interne qui nécessite d'être lisible, écrit en mandarin et prêt pour dix heures tapantes. Elle peut se permettre l'efficacité. De temps en temps elle jette un bref coup d’œil à la porte devant elle, sans bouger son dos droit ni sa tête à peine penchée.
Le dossier est ennuyeux, la traduction aisée, son esprit divague. Elle pense à un autre dossier, celui d'une affaire qui s'éternise depuis plusieurs mois concernant la mort d'un ressortissant chinois et dont elle a reçu la conclusion un peu plus tôt. A force d'insistance polie et de menaces voilées de la part de l'ambassadeur – la nécessité d'informer la famille des circonstances du décès, les conséquences possibles sur les relations déjà tendues entre les deux pays, sur le commerce de l'opium et des fourrures exotiques qui pourrait réduire ses parts russes au profit des Britanniques, et un millier d'autres raisons qu'elle ne s'est pas donné la peine de retenir – la Milice a fini par se fendre d'une note lapidaire portant mention du mot magique de "zootrope" qui suffit à excuser tous les crimes et à accuser implicitement tout ce qui pourrait avoir un lien avec la victime. Lifen, en sa qualité de traductrice et interprète, a également l'honneur douteux d'avoir son bureau face à l'entrée de l'édifice pour accueillir efficacement les russophones. Elle a donc pu toiser en silence les trois miliciens venus faire leur petite démonstration de force, pendant plusieurs minutes. Peut-être avait-elle été un peu trop altière en leur demandant de "quitter le petit bout de Chine que sa Majesté le Tsar de toutes les Russies avait daigné leur concéder dans son illustre capitale", mais il y avait des limites à ne pas franchir et qualifier l'Ambassade de l'Empire du Milieu en Russie de "bicoque pourrie" était l'une d'elles.
Dans les faits pourtant, l'édifice qui leur est dévolu siège dans un quartier pour le moins douteux et tient davantage du taudis que du palais, signe évident du peu de considération que "sa Majesté le Tsar de toutes les Russies" fait de ses voisins orientaux. Tout cela parce que la Chine est certes aux mains des Occidentaux depuis près d'un demi-siècle, mais surtout parce qu'elle est beaucoup trop tolérante au goût de ces fanatiques lobotomisés. Dans son pays les "zootropes" sont considérés comme des esprits, bienveillants ou malveillants, auxquels on prête souvent d'autres pouvoirs que la métamorphose animale. De nombreux récits font état de tels esprits usant de leurs pouvoirs ou de leur astuce pour aider secrètement les humains en récompense de leurs actions, et ces histoires avaient connu un regain de popularité avec l'officialisation de l'existence des "démons" honnis des chrétiens. Quand ces insensés comprendraient-ils que ni Bien ni Mal n'étaient jamais vraiment noirs ni absolument innocents ?
Lifen s'autorise un petit soupir méprisant et relit sa traduction. Il faudrait faire plus attention aux miliciens. Si l'un d'eux a le moindre soupçon à son égard, ils n'hésiteront pas à l'abattre, fût-ce en pleine ambassade fantoche. Plus probablement attendront-ils le soir et son retour chez elle, ou peut-être le matin suivant. Elle prendra garde. Elle ne tient pas à ce que son père, sa mère et ses deux sœurs restés à Shanghai doivent implorer l'ambassade et batailler des mois avec la bureaucratie moscovite pour finalement recevoir un petit papier où le seul réconfort serait le mot "zootrope" écrit en cyrillique. Son père a été disgracié de toute façon, il n'est plus fonctionnaire impérial depuis bien des années, et l'un de ses derniers collègues influents lui a déjà fait la faveur de recommander l'aînée de ses filles pour travailler à l'ambassade, il n'en tirerait rien. Déjà qu'il a fallu batailler pour qu'une jeune femme de dix-huit ans, et une jeune femme assez ostensiblement déchue pour ne pas avoir eu les pieds bandés qui plus est, occupe un quelconque emploi dans l'administration, et qu'elle n'a probablement dû cette chance qu'à la pitié qu'inspirait sa situation au vieux fonctionnaire qui la voyait déjà réduite à la mendicité et à la prostitution pour survivre sans époux – car jamais elle ne trouverait d'époux digne de ce nom avec des pieds si longs n'est-ce pas, et étant l'aînée elle aurait tôt ou tard la responsabilité de ses deux sœurs dans la même situation... ah, l'aveuglement aristocratique. Sa haute taille lui est plus préjudiciable que ses grands pieds, et en Russie elle semble beaucoup moins grande qu'en Chine. Quant à ses sœurs... son père s'est reconverti dans les affaires, et elles se passent au mieux. Liqiu est mariée, plutôt bien mariée même, et attend son troisième enfant, et si Lihua est encore un peu jeune pour les épousailles à l'occidentale, elle est d'ores et déjà fiancée à un jeune Anglais de très bonne famille, qui a bon espoir d'arriver à la convertir à sa religion avant les noces – apparemment c'est indispensable. Pourquoi pas. Tant que la petite fleur ne lui glisse pas pendant la nuit de noces que sa grande sœur qui travaille en Russie est une fée aux allures de tigre tacheté et que, une nuit quand elle avait trois ans, elle a utilisé ses pouvoirs pour faire fuir un loup... Lifen n'avait rien fait d'autre ce jour-là que se transformer et feuler de toutes ses forces à un chien errant qui approchait dangereusement de sa sœur. Ni Liqiu ni Lihua ni même ses parents ne savent en revanche combien de nuits elle a parcouru la campagne autour de leur ancienne maison, avant qu'ils s'installent à Shanghai, pour s'entraîner à courir et à chasser, pour dissuader les sangliers et les fléaux en tous genres d'approcher sa famille. Elle vivante, on ne touchera pas les Tu.
La traduction déposée sur le bureau de son supérieur, Lifen entame la suivante. Elle considère un instant la fissure près de la porte, une pointe de mélancolie visible au coin de ses lèvres fines. Elle était assise à ce bureau le jour où elle a reçu une lettre de ses parents lui parlant d'un prétendant débouté pour Lihua car trop âgé, auquel ils pensaient la marier. Ils la priaient donc instamment de revenir au pays. Elle aurait dû faire ses valises le soir même, comme l'exigeaient la tradition, la piété filiale et le bon sens. Elle avait argué de la seule chose au monde capable de dépasser ces impératifs : la grandeur de la famille. La vertueuse et hautaine Lifen avait vingt-cinq ans, était au service direct de l'ambassadeur de Chine en Russie depuis presque deux ans, et ses compétences en langues étaient très appréciées à Moscou. Elle parlait shanghaïen et comprenait une bonne partie des dialectes de sa région d'origine, mais aussi mandarin, russe, anglais, avait des notions d'hindi et de cantonais, fournissait un travail dont l'ambassadeur était très satisfait et était pour ainsi dire en voie de devenir sa personne de confiance sur place. Les études que son père lui avait payées portaient leurs fruits et ce serait du gâchis que de renier tous ses sacrifices consentis pendant des années pour l'éducation de l'aînée de la génération Li. Prévenu, l'ambassadeur avait été assez urbain pour approuver, les traducteurs aussi polyvalents et prêts à faire le voyage jusqu'à Moscou et au "petit bout de Chine que sa Majesté le Tsar de toutes les Russies avait daigné leur concéder dans son illustre capitale" se faisant étrangement très rares. En fait, il était si disposé à la garder à son service qu'il se proposait même de l'épouser lui-même. Refuser était un affront inconcevable, elle ne put qu'arguer de la nécessité absolue de l'accord parental, ce qui prit plusieurs mois le temps que la lettre fasse le voyage et que la réponse arrive. L'accord fut donné, sa mère indiqua dans un billet à part que trente ans d'écart avec son futur époux n'étaient pas si insoutenables, elle en avait bien vingt avec son père. Les préparatifs allèrent bon train, mais le zélé fonctionnaire disparut mystérieusement un mois avant les noces. Une perte tragique pour tout l'Empire du Milieu, assurément, sauf peut-être pour Lifen dont le visage imperturbable perdit comme par enchantement la ride soucieuse installée entre ses sourcils, et pour le nouvel ambassadeur, anciennement assistant du précédent et de toujours beaucoup moins pusillanime.
Une fois assuré de la fiabilité et de la loyauté sans faille de Lifen, et parce qu'il maîtrisait très mal le russe, il l'entraîna dans une politique beaucoup plus ambitieuse que son prédécesseur mais surtout beaucoup plus souterraine - au sens littéral. Quelques mois à peine après sa prise de fonctions en effet il entrait en contact, sans impliquer explicitement l'ambassade, avec ce groupe de dissidents révolutionnaires et "zootropes", et envoyait la jeune femme rencontrer un de leurs envoyés quelque part dans les couloirs sans fin qui couraient sous les rues de Moscou. Lifen se sentait alors, et se sent toujours, une étrange communion d'esprit avec un fusible qui sauterait à la première surtension, pas tant parce qu'elle était nerveuse que parce qu'elle était absolument certaine que l'ambitieux personnage n'hésiterait pas un instant à sacrifier la précieuse traductrice de son ambassade si des oreilles mal intentionnées avaient vent de cette rencontre. Peut-être même l'accuserait-il d'avoir fait disparaître le précédent ambassadeur, pour faire bonne mesure : tout pour sauver sa tête et les apparences de relations sino-russes qui n'ont jamais été brillantes. La hautaine et imperturbable Lifen ne s'en est pas moins rendue dans les souterrains humides de Moscou pour rencontrer cet émissaire et échanger quelques paroles qui viseraient surtout à prendre la température.
Le deuxième document à traduire terminé, Lifen tire à elle la machine à écrire cyrillique qu'elle a payée de sa poche et commence à rédiger un courrier à l'attention de la Milice. Les miliciens sont peut-être des soudards et des goujats, mais l'institution appelle une note de remerciement pour avoir bien voulu partager les informations si longtemps attendues. Il est probable que le pauvre bougre n'ait pas plus été zootrope qu'un autre néanmoins, et que l'argument ait été avancé pour éviter d'avoir des comptes à rendre à ce pays païen qui n'avait encore une ambassade que parce que sa Majesté le Tsar de toutes les Russies tenait à concurrencer les autres occidentaux sur sa glorieuse dépouille. L'ambassadeur est très attaché à la grandeur de la Chine, du moins à l'idée de sa grandeur, et le temps a appris à la jeune femme à mépriser cette Russie plus encore qu'elle méprise le reste du monde.
Par contraste avec le reste du pays, la prise de contact avec le dénommé Moriarty s'est plutôt bien passée. Ils se sont rencontrés peut-être un quart d'heure, une demi-heure ? Le temps s'écoule étrangement dans une pénombre à peine suffisante pour se diriger et apercevoir une silhouette au visage invisible. A son accent il n'est probablement pas plus russe qu'elle, ceci expliquant peut-être cela. Il était méfiant, bien entendu : l'ambassadeur ayant jugé préférable de se présenter comme quelqu'un ayant des intérêts commun avec la Ligue Révolutionnaire, sans impliquer l'ambassade ni la Chine, par prudence, il en savait plus sur eux qu'eux sur les mystérieux bienfaiteurs qui se proposaient de leur fournir vivres, armes et matériel de soin. Aucun commentaire sur le fait qu'elle était une femme, ni sur son accent, ni sur quoi que ce soit en fait, et elle a consenti à lui rendre la politesse. Lors des entrevues suivantes et des premières négociations, c'est également à lui qu'elle a eu affaire, en moyenne une fois tous les deux ou trois mois – parfois une quinzaine de jours seulement s'écoulait, parfois six mois. Une ou deux fois ils ont failli se faire prendre par une présence inconnue, les rendez-vous ont déménagé et se sont espacés en conséquence avant de reprendre, presque comme avant.
Le courrier fini, elle le plie soigneusement, range la machine à écrire à sa place et reprend son pinceau. Moriarty est un mystère. Elle connaît sa voix, sa silhouette, l'odeur de sa peau et l'étrange oiseau coureur géant qui est sa forme d'esprit, mais ni son nom ni son visage et rien de sa vie parmi les humains. La situation ne la dérange pas, pour tout dire elle lui plaît assez. Les choses sous la terre restent sous la terre, et le monde du dessus reste au-dessus. Deux univers, séparés par les pavés des rues et les arches des souterrains, un monde sens dessus dessous où le plafond de l'un sert de sol à l'autre. Sous terre elle est Perle, elle peut prendre sa forme d'esprit librement, c'est le monde où on parle de livraisons clandestines et de cibles à abattre, et pourtant il suffit d'un minuscule quelque chose pour que les conséquences sur le monde bien ordonné d'en haut soient dévastatrices. Seuls les esprits ont ce droit, ce privilège d'amener le bas en haut et de faire ressortir une nature cachée. Peut-être est-ce la seule chose que craint réellement le Vatican des chrétiens, cette capacité à bouleverser l'ordre du monde.
Dernière édition par Caillou le Sam 25 Avr 2020, 22:50, édité 10 fois