Dorofei avait conscience qu'il n'était pas beau à voir. En fait, il était à moitié conscient. Il était encore dans cette rue où il avait pu semer ses poursuivants, mais de ses sens il ne sentait que le sang frais sur sa peau. Puis il entendit qu'on progressait dans sa direction. Des pas lents, légers, mais Dorofei était quelqu'un de méfiant, même s'il devinait la présence d'une femme passant par hasard ou par habitude.

Il perdit connaissance lorsqu'elle accouru vers lui. Comme si le fait que quelqu'un s'approche de lui en hâte, ou le fuit - dans son état il n'aurait pas su faire la différence - avait précipité son départ. Même s'il n'entendait, ne voyait et ne pensait probablement plus, il balbutia quelques mots. Anya... s'ringue... veste. Il n'eut alors pas conscience que son corps affaibli entama sa transformation en koala.

Probablement dû au changement de température, il retrouva un pan de conscience. Le koala gesticula, remua les lèvres. Il rêvait, ou pensait. Nul ne savait si ce qu'il voyait était positif ou désagréable. Certainement qu'il ne s'en souviendrait pas lui-même, s'il venait à se réveiller un jour. En tout cas, il donnait signe de vie, cela était prometteur.

Le koala ouvrit les yeux. Il n'avait alors pas la force nécessaire pour, mais il aurait bien effectué un mouvement de recul en découvrant tout à coup cette entité inconnue penchée au dessus de lui et qui le manipulait. Au bout de quelques secondes, il la considéra comme bienveillante. Sa nature de koala ne l'empêchait pas d'être en stress. Il le fut encore plus lorsque son estomac émit un gargouillement.

Il attendit qu'elle termine les soins pour rouler sur le côté, se dresser sur ses quatre pattes et aller boire. Puis il s'assit sur ses fesses et patienta jusqu'à reprendre forme humaine. Il se leva, chercha après sa veste et interrogea son hôte. À quelle adresse sommes-nous ? Il ne semblait pas inquiété. Mince, je n'ai quand même pas l'habitude d'atterrir comme ça chez des inconnus.

Il réagit en ayant un léger mouvement de recul, mais son visage n'exprimait toujours rien de particulier. Avez-vous prévenu quelqu'un en me découvrant ? Vous a t-on vu me ramener chez vous ? Il se rattrapa pour ne pas la brusquer, même s'il eut conscience de déjà trop l'ouvrir : Pardonnez-mes questions, je connais assez mal ce quartier et ne sais pas de qui j'ai l'honneur d'avoir reçu des soins.

Il ne baissa même pas le regard vers ses blessures et quelques bandages. Dorofei, enchanté. Ne vous en faites pas pour ça. Faites-vous aussi partie de la résistance ou vous essayez passivement d'avoir une vie normale ? Dorofei s'approcha de la fenêtre tout en parlant, et observa la rue par l'entrebâillement des volets.

Ne le prenez pas mal, je respecte votre choix. Après tout, les résistants se battent, mais ils se cachent aussi une bonne partie du temps. Il s'éloigna des volets et passa devant elle, cherchant après la nourriture. Et ce combat a peu de chances de nous assurer une vie normale de notre vivant. Bref, si vous en étiez vous auriez pu me mener à une planque résistante de ce secteur que je connais mal.

En entendant cela, il fit une moue boudeuse. Puis, son ventre cria famine de nouveau. Alors il se sentit gêné, eu un peu chaud et posa prestement son postérieur sur le sofa derrière lui. Je suis gêné de vous causer du soucis. Vous avez un job ? En posant sa question, son regard redevenu sérieux se fixa sur le sandwich. Cela dit je ne compte pas traîner. Je n'aime pas être un poids pour les autres, surtout des inconnus.

Le fait que je sois la même "chose" que vous, cela génère t-il vraiment une relation privilégiée entre nous ? Navré, mais pour moi vous êtes tout de même une inconnue, pour l'heure, car vous êtes aussi ma sauveuse. Il avait entamé le sandwich et se sentait apaisé par la nourriture, mais il prenait bien soin d'avaler avant de parler. Et pourquoi ce job ne durerait pas ?

Les temps deviennent de plus en plus délicats pour la résistance et pour les zoomorphes. Je vous avouerai que je crois que plus nous sommes nombreux à nous battre et plus nous avons de chance de l'emporter, mais je ne veux imposer mes choix à personne. Il avala la dernière bouchée de son repas salvateur. Où étiez-vous avant de venir en Russie ?

Il la regarda un moment avant de se détourner lorsqu'elle larmoya. Moi aussi j'aimerai qu'il y ait une solution pacifique miracle, mais personne n'en a trouvé. Sans vouloir jouer puérilement à trouver le premier fautif, je ne vois pas d'autre moyen que celui de chercher à neutraliser ceux parmi nos ennemis qui ont le pouvoir de nous traquer.