Nano. RolePlay

Rappel du premier message :



Le prêtre avait pris sa journée en prétextant une virée en forêt dédiée au gribalka. Il comptait de toute façon revenir à l'église avec suffisamment de champignons pour les distribuer aux plus démunis de sa paroisse. Ses années en campagne lui avait donné une sacrée expérience en chasse aux champignons !

Mais ce qu'il avait omis de dévoiler, c'était qu'il ne comptait pas les chercher en tant que Père Mikhaïl Azarov mais en tant... qu'un banal hibou harfang. C'était la première sortie sous sa forme animale qu'il se permettait depuis son retour à Moscou et il devait avouer que les sensations lui avaient manqué. Cette liberté ! Cette simplicité ! Cette exultation ! Que Dieu lui pardonne d'avoir ainsi laissé de côté sa prudence...

Micha avait donc laissé ses vêtements soigneusement pliés dans le panier à champignons, le tout habilement caché dans un buisson, et il s'était envolé dans son habit de neige et de nuage pour aller virevolter dans la douceur d'un ciel sans l'une ni l'autre.

L'oiseau avait atterri dans l'herbe à côté de l'humain. Il souriait, calme et doux. Tout dans son attitude et sa personne était une invitation à la confiance. L'oiseau sautilla devant lui alors qu'il se présentait, puis autour de lui quand il termina. Il voleta un peu en tous sens, l'observant vraisemblablement sous toutes les coutures. Ses petites serres frôlèrent même ses cheveux avant qu'il ne décide de se poser pour de bon sur le sol.

Micha laissa l'oiseau effectuer son petit manège d'observation, lui-même perdu dans ses pensées. Si l'oiseau était un zoothrope, pourquoi ne reprenait-il pas une forme humaine ? Ah... peut-être que ses vêtements se trouvaient-ils hors de portée. Ou alors... ?! Non. Une telle idée le rendait triste rien qu'à la pensée de la douleur qu'elle devrait générer. Il frissonnait rien qu'à l'idée d'être coincé dans la forme du harfang avec ses instincts. Le prêtre pencha la tête sur le côté, se permettant de laisser son propre oiseau imprégner ses mouvements. "Je cherchais des champignons, voulez-vous vous joindre à moi ?"

Un petit cri précéda l'ouverture de ses ailes. Bientôt les plumes noires touchèrent la joue de l'hum- Micha, il se posa sur son épaule. Les pattes serraient à peine pour que ses griffes ne percent le tissu et il se cala contre le cou de l'homme. Redevenu immobile, il émit un petit son satisfait.

"Bien. Allons-y." Micha souriait toujours mais l'inquiétude avait légèrement assombri ses yeux. Il venait de penser à une autre possibilité, plus plausible, si ce n'était pas une affaire de vêtements ; l'autre zoothrope avait peur qu'il le dénonce. Même s'il s'était dévoilé. Il avait déjà vu une telle réaction, mais n'arrivait jamais à retenir cette sombre réalité. "C'est un enfant de mon ancienne paroisse qui m'a appris à reconnaître les champignons. Elle se trouvait en campa..." Il se tut subitement, blanc. Il n'avait pas fait attention à son babillage et avait laissé échapper qu'il était prêtre. "... campagne." Il sourit d'un air hésitant.

Un cri rauque de corbeau contrarié résonna à l'oreille de Micha. Pas très fort, mais amplement suffisant pour gêner son ouïe. L'oiseau avait lâché prise. Son vol le mena sur une branche basse non loin de là. Resté à portée de voix, il répéta son cri.

Le sourire du prêtre vacilla vers l'hésitation avant de se ressaisir de sincérité. Ce n'était pas la première fois que sa vocation obtenait une telle réaction. "Je regrette parfois d'avoir eu ma mutation. C'était des temps heureux. La taïga est vraiment un environnement magnifique si on prend le temps de l'observer. J'ai eu de la chance qu'avoir des guides intéressés. Et si parfois, le harfang, et d'autres animaux, nous remplaçaient... et bien, il fallait bien s'entraîner, non ?" Je ne suis pas un ennemi. C'était ce qu'il essayait de dire à travers son doux babillage alors qu'il déambulait près des arbres.

L'oiseau écoutait, attentif malgré sa méfiance. Il sautillait de branche en branche, restant dans le sillage de l'homme, jamais très loin mais toujours hors d'atteinte. Les yeux argentés l'observaient sans qu'il n'ose se rapprocher plus.

"Ah ! Je n'ai pas perdu la main !" s'enthousiasma Micha en se baissant pour cueillir des champignons. "Même si c'était plus facile avec le flair de mon ami." Il leva les yeux vers l'oiseau qui le suivait, un sourire au visage. "Les oiseaux ont une très bonne ouïe et une vue excellente, mais l'odorat manque clairement." Il se redressa sans cesser de sourire. "Laissez-moi me présenter correctement. Je suis le Père Mikhaïl Azarov, mais vous pouvez m'appeler Micha." C'était une invitation à reprendre là où ils en étaient avant que l'aveu de sa prêtrise ne creuse un fossé de méfiance.

Ses doigts griffus resserrés sur une fine écorce, le volatile s'arrêta le temps de la cueillette. Loin d'avoir la souplesse du hibou, il pencha la tête pour observer les faits et gestes du prêtre. A ses mots son bec émit un son interrogatif et flûté, mais il ne bougea pas. Après un instant de silence, sa gorge émit un roucoulement étrange, lequel se mua en une syllabe unique qui aurait pu tout aussi bien sortir d'une bouche humaine.

Mrrriiiii. Mrri. Mriiii. Miiii ! Mi. Mi. Miiii !

A présent l'oiseau sautillait sur sa branche.

Mi. Mi. Mimi !

Le prêtre ne comprit pas tout de suite ce qu'il passait mais quand la réalisation le percuta, un doux sourire apparut sur ses traits. "Oui, Mimi si vous voulez. Cha ne doit pas être facile à dire. Ni chat, d'ailleurs, n'est-ce pas ?" Voilà qu'il devenait taquin ! Ah, on ne niait jamais longtemps sa nature profonde. Il y avait là un passé à être taquiné par Kolia. Ayant terminé de ramasser les champignons sous l'arbre, Micha ramena le panier sur son bras et se dirigea vers d'autres arbres. "Compagnie ?" proposa-t-il à l'oiseau.

Passé l'enthousiasme enfantin de son exploit, l'oiseau déplia tranquillement les ailes, une position de détente.

Mimi.

Malgré tout, il ne semblait pas satisfait.

Kraaa. Kraa. Cra. Hhh hh hhh. Cra.

Il secoua la tête, avant de conclure son propre babillage.

Micraa.

C'était malgré tout assez ressemblant, et prononcer ces deux syllabes fit pétiller ses yeux, avant que ses sautillements ne le fassent décoller. Il se posa sur un autre arbre, dans la direction indiquée par le prêtre.

Micra ? :

"Et bien, vous êtes décidemment doué." le félicita Micha en souriant avec gentillesse. Ses propres oreilles ayant laissé place aux oreilles internes, plus performantes, du harfang, il ne craignait pas d'être découvert à parler à un oiseau. "Si vous ne souhaitez pas vous retransformer, que diriez-vous de me servir d'yeux aériens pour repérer les champignons ?" proposa le prêtre.

Oui.

La réponse, d'une clarté indiscutable, précéda un bruissement de plumes alors que l'oiseau s'envolait. Il s'éloigna mais ne prit pas vraiment d'altitude. Il tournoya entre les arbres, le prêtre put l'apercevoir par intermittence. Puis il revint. Il se plaça devant lui en vol stationnaire, restant à une distance raisonnable. Il fit claquer sa langue contre son bec.

La.

Ses ailes le faisaient avancer à faible allure, permettant à l'humain de s'engager à sa suite.

Il suivit l'oiseau sans cesser de sourire. "Votre maîtrise du langage sous cette forme est vraiment impressionnante." lui dit-il. Il tapota ses cheveux où il manquait la rondeur de ses oreilles. "Je guette les bruits, vous n'avez pas à vous en faire." Même si lui-même était aussi un oiseau et possédait donc cette merveilleuse ouïe. Arrivé au pied de l'arbre, il se pencha observer les champignons mais il s'avéra que ceux-ci n'étaient pas comestibles. "Ah... Si nous voulons manger, il va falloir chercher ailleurs, mon ami."

Aussitôt dit, aussitôt fait, le noiraud repartit à vive allure entre les branches. Quand il revint, il ne se montra pas aussi enthousiaste que la première fois, et se posa à proximité, lorgnant le prêtre de son œil argenté. Tête penchée, il ne semblait pas satisfait de ce qu'il voyait.

Micha suivit l'oiseau et se trouva déconcentré par son manège. Que cherchait-il à lui faire comprendre ? Craignait-il un autre refus des champignons trouvés ? Le prêtre se promit de les ramasser même s'ils étaient toxiques, il ne voulait pas blesser son comparse. "Vous n'avez pas trouvé de champignons ? Ce n'est pas grave, la forêt est grande et la journée à peine entamée." Il leva vers lui un sourire rayonnant.

Le sourire du prêtre suffit pour que l'oiseau s'élance vivement. Il s'approcha en un battement d'ailes et se posa sur le rebord du panier, au risque de déséquilibrer ce dernier. Il en inspecta le contenu rapidement avant de redécoller, trop proche de l'humain pour s'attarder. Mais il semblait avoir la confirmation qu'il souhaitait, et repartit dans une autre direction.

Micha sourit des frasques de l'oiseau. Il ne comprenait pas grand chose au manège de l'autre zoothrope, hormis qu'il semblait essayer de l'apprivoiser. Le prêtre ne comptait pas briser tous ces efforts en allant trop vite vers lui, au risque de l'effrayer. Il le suivit donc en sifflotant gaiement.

La quête de l'oiseau noir reprit, accompagnée par les pas nonchalants du prêtre. Le volatile se faufilait à nouveau entre les troncs, inspectant coins et recoins au pied des arbres. Il allait vite, permettant à l'humain qui le suivait à son rythme de ne pas faire trop de détours. Ils passèrent tous deux à côté de champignons auxquels l'oiseau n'avait porté aucun intérêt.
Finalement, il voleta sur place avant de s'arrêter sur une branche. Il croassa pour signaler sa trouvaille, mais ne pouvait visiblement tenir en place.

Micha cheminait tranquillement dans le sillage de l'oiseau, regardant vaguement les champignons manqués ; certains étaient comestibles mais aucun ne correspondait à la description recherchée. Il ne s'arrêta donc pas, préférant laisser l'oiseau effectuer sa recherche avec un bon contentement, tel qui lui était dû pour tant d'efforts. Une fois près de l'arbre où il s'agitait, le prêtre se baissa examiner sa trouvaille. "C'est exactement ça !" s'exclama-t-il avec joie, levant un regard doux sur le zoothrope. "Merci."

Le cri de l'oiseau résonna encore, marqué d'une satisfaction non dissimulée. Sautillant sur ses pattes, il regarda l'homme s'approprier ce qu'il avait déniché pour lui, avant de s'envoler, impatient. Il fit le tour de l'arbre, observant son interlocuteur, avant de s'éloigner à nouveau.

Le panier était maintenant rempli de champignons à ras bords. "Une bonne soupe sera préparée pour les miséreux. Merci encore, mon ami." Il sourit au zoothrope puis leva les yeux vers le ciel, sentant l'envie revenir. Ses sens ne percevaient aucun son humain, la forêt était dense, et il avait déjà observé des harfangs en chasse dans le coin. Micha déposa donc son panier dans un buisson derrière lequel il disparut pour se déshabiller et se transformer. Une minute plus tard, le harfang immaculé s'envolait rejoindre le drongo noir.

La chasse aux champignons avait été fructueuse et l'oiseau noir gonflait ses plumes de fierté. Son œil curieux suivit l'humain lorsque celui-ci se dissimula à sa vue, et poussa un cri de surprise lorsque le rapace blanc surgit du buisson. Mais le prédateur ne l'intimidait plus, et il vint le toucher du bout de son aile, signe reconnaissable de leur amitié naissante.

"kroow-gogo." roucoule le harfang pour accueillir le plus petit oiseau. Impatient de sentir l'air frais sur ses plumes, il agite ses ailes en faisant attention à ne pas envoyer valdinguer le drongo. Un dernier roucoulement d'appel et il a silencieusement décollé pour rejoindre les nuages dans lequel son plumage se fond si bien.

Moins discret que son partenaire dans le ciel diurne, l'oiseau noir s'élança à sa suite, imitant son cri presque par défi. Il étendit les ailes pour suivre son allure, restant sous son ombre comme s'il jouait avec la mort. Exubérant et téméraire, il finit prendre de l'altitude, tentant d'adapter sa vitesse pour se poser sur le dos du hibou.