Pour Ina, il y avait toujours un petit quelque chose de proposer une dédicace dans sa ville natale même si les fans n'étaient pas clairement au rendez-vous. Qu'importe, Ina Johansen était assise à une table devant une queue de cinq ou six personnes si on était généreux. Sa chienne Eyra roupillait à ses pieds, les fans étaient calmes et polis.

TOUT allait BIEN.

Un peu trop même. C'en était ennuyeux à force.
A présent que l'humanité avait vaincu ses tendances à détruire la nature, les trekkings intéressaient moins les foules. Ses bandes-dessinées sur la mythologie nordique semblaient avoir eu plus de succès que sa dernière BD en date, trop ancrée dans le réel.

Pourtant, Ina songeait à partir dans un registre fantastique mais pas tellement dirigé vers le rêve. L'envie de faire une BD avec des zombies la rongeait. Etrangement.

Il flânait entre les stands s'intéressant aux ouvrages placés en présentoir sur les tables. Depuis peu, il reconsidérait ses choix de vie. Démissionner de son emploi exigeant et bien payé n'était que la première étape. Rune voulait se ressourcer. Il s'arrêta, attiré par la première couverture d'une bande dessinée. Elle suggérait un trekking dans la nature. C'est magnifique., complimenta-t-il la dessinatrice. Comment vous est venue l'idée ?

Une question. Ina était bien disposée à y répondre, l'homme était le bout de la file d'attente.
"J'avais envie de changer après ma dernière BD. Je dessinais beaucoup de choses originales, j'avais envie de revenir au concret, à ce que nous avons déjà."

Etonnamment, les gens ne se rendaient compte de la valeur des choses qu'après les avoir perdu.
"Oui, bien sûr ! répond Ina, ravie d'avoir conquis un nouveau lecteur. A quel nom ?"

Rune, je vous prie.

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Il ne sait pas trop comment c'est arrivé mais le monde avait disparu pendant son trekk dans  la nature. Des zombies avaient remplacés les humains obsédés par leurs téléphones. Heureusement, Rune s'était documenté pour pouvoir se débrouiller en solitaire.

Qui aurait cru que tout ce que j'ai connu disparaitrait en si peu de temps ?, s'interrogea-t-il en surveillant attentivement la baraque qu'il voulait fouiller. Est-ce qu'il y a des zombies ? Des survivants mal intentionnés ?

L'arrivée de quelqu'un surprend Ina. Qui est-ce ? Un zombie ? Un humain ? Elle observe le nouveau venu éliminant la première option. Son visage exprime la surprise. Peut-elle lui faire confiance ? Elle tente le coup en souvenir de leur première rencontre…

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"Très bien, Rune. Voici votre dédicace. Voulez-vous un dessin personnalisé avec ?" demanda la jeune dessinatrice enthousiaste.

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La jeune femme couverte de poussière et armée regarde l'homme droit dans les yeux.

Oui, je vous en prie. Un homme qui marche. Est-ce que ce se serait possible ?

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Le premier contact avec un autre être humain. Toujours un moment de tension. Même quand on connaissait autrefois la personne, fut-ce de manière brève. Il n'était pas particulièrement équipé pour les affrontements à distance. Rune ne souhaitait pas se faire tirer dessus. Il pointa le bâtiment, marque son intention d'y entrer avec des gestes. Crier ?  C'était se peindre une cible sur le dos.

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"Oh bah, oui. Il faut qu'il prenne son temps." répondit Ina en s'exécutant.

Le trekker en charbon de crayon semble usé par son long parcours mais un sourire se dessine sur ses lèvres.

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Ina acquiesce à la demande silencieuse de l'homme. Une seconde après, elle perçoit un râle et pointe son arc en direction du son malvenu qui ne provenait pas de l'homme encore vivant. Pour ne pas porter à confusion, elle fait un signe sur le côté avec sa tête.

"Bouge de mon arc"

Il apprécia le dessin qui se fait sous ses yeux. L'homme prenait vie sous les rapides coup de charbon tracé sur la feuille. On dirait qu'il pourrait sortir de la page pour aller et venir dans ce salon.

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Un grognard. Il ne savait pas si son râle avait attirés d'autres amateurs de chair humaine. Rien qu'au son, il pouvait affirmer que la créature se trouvait à l'opposé de leurs positions. L'avait-t-il vu ? Rune préféra tirer sa hache, par précaution et se dirigea vers la bâtisse, s'éloignant au passage de l'angle de tir de l'archère.

L'archère lâche la flèche qui file dans la gorge du cadavre, provoquant la chute du crâne sur le pavé dans un bruit dégoûtant. Et l'archère a intérêt à avoir d'autres flèches parce que six nouveaux cadavres ambulants se ramènent.

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Ina sourit au commentaire enjoué de l'homme.

"Je m'étais inspiré de vous mais vous ne vous êtes pas reconnu. Quel nom allez-vous lui donner alors ?" dit-elle avec une touche de légère déception cachée sous l'amusement.

Ask. Pas le verbe anglais. Le personnage de la mythologie nordique !

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Un corps décapité tombe sur le pavé. Et en voilà six autres. Quelle malchance ! Avec les bruits qu'ils font, ils rameuteraient les autres meutes. Rune ne cherchera pas la bagarre avec six d'entre eux, s'il peut l'éviter. Il ajuste sa prise sur sa hache à une main, tente de forcer la porte d'entrée. Sans succès. Il passe aussitôt à la fenêtre qu'il brise d'un coup de hache. Il se dépêche d'ôter un maximum de verre pour éviter les blessures. Une technique bien rodée.

"Le premier homme, né du frêne ? Cela lui va bien. Il a un lourd destin sur les épaules pour un bienheureux randonneur."
En arrière-plan, Ina se maudit pour le sérieux de son discours.
"Je n'ai rien dit."

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Ina observe l'homme fracasser la fenêtre et jauge de leurs chances de survie. Elle agrippe son bras en secouant la tête. S'ils s'engouffrent là-dedans, les zombies pourraient décider de camper devant l'ouverture. Elle désigne l'horizon, entre les ruelles.

Ce que j'aime ce sont plutôt les dons des dieux au premier homme. Les cinq sens. La possibilité de découvrir la nature et ce qui l'entoure plutôt que la lourde tâche qui l'attend.

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Après avoir observé la pièce rapidement, puis évalué les zombies qui ne font que se rapprocher à leur lente allure, il reconnaît que sa camarade a raison. C'est prendre le risque d'être assiégé un bon bout de temps et d'arriver au bout de ses réserves. L'affrontement n'est pas la priorité. Il détale vers les ruelles.

"En effet, un arbre ne peut ni voir ni sentir le vent sur lui. Il est figé sur place avec la seule possibilité de croître."

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Ina fonça donc droit devant, Eyra sur ses talons. Ce fut là qu'elle reconnut une librairie où elle dédicaçait il y a de cela un an ou deux. Elle désigna l'endroit à son compagnon, assez confiante sur sa connaissance des étages supérieurs. L'endroit avait sans doute été changé mais c'était une meilleure base qu'un immeuble étranger.

"Voilà, l'idée de m'enraciner quelque part, de ne faire que croître me dérange. J'ai envie de bouger, de voyager dernièrement."

Oh ! On dirait une librairie. Elle lui dit quelque chose, mais Rune n'a pas trop le temps de se remémorer des souvenirs : il y a des zombies à leur trousses. Ils ont beau être lent et râler, gémir, ils ne sont pas à prendre à la légère. Visiblement, elle semble confiante que la configuration des lieux conviendra mieux à leur défense.

Ina défonce la porte du bâtiment avec l'élan emmagasinée, cette dernière n'était pas vraiment bien fermée à la base, juste assez pour ne pas laisser entrer le vent. Elle cède donc, la jeune femme et la petite chienne s'y engouffre, reste l'homme d'âge mûr.

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L'Ina du passé de son côté voit le visage de son interlocuteur disparaître avec la lumière. Une coupure de courant ?
"Je crois que l'armoire électrique est à l'étage. Fort heureusement, j'ai ce qu'il faut."

Elle alluma alors une lampe torche.

L'homme d'âge mur, Rune, s'engouffre à son tour en refermant derrière lui. Tout l'enjeu est de retarder le moment de l'affrontement afin de préparer les meilleures conditions pour s'en sortir sans égratignures. Il enlève un maximum de livres pour commencer à déplacer l'armoire quand soudain la lumière s'éteint.

Allez-y, je vais renforcer les accès pour gagner un peu de temps.

L'Ina du passé s'engouffre à l'étage tout aussi noir que le rez-de-chaussée. Les murs ont l'air effrayants sous la lumière mobile. On pourrait en faire un décors de film d'horreur.
Son cœur manque un battement en apercevant un tableau transfiguré par l'éclairage peu flatteur.

Le Rune du passé cherche dans sa poche son téléphone portable. Il veut s'éclairer pour mieux voir ce qu'il se passe. Les silhouettes dans les ténèbres sont loin d'être rassurantes : elle se meuvent de manière étrange.

***

Le quadragénaire s'ingénie à bloquer les issues comme promis. Il laisse des pièges destiné à les avertir en cas de franchissement des obstacles par les zombies. Aucun zombie au rez-de-chaussée. Il y aurait belle lurette que l'odeur et les cris les auraient avertis si cela avait été le cas.

Ina ouvre un grand placard où se trouvent des balais et des serpillères.
"Ah non, désolée. C'est le placard suivant."
Et la lumière fut.

La lumière revient sur la petite convention. Rune peut éteindre son téléphone portable, source de lumière désormais inutile.

Rune accueille avec soulagement le retour de la lumière. Ce sont des conditions plus favorables pour combattre des mort-vivants. Il peut constater que les barricades de fortune empêcheront un moment les créatures d'entrer à l'intérieur. Il décide de rejoindre son alliée de circonstance pour connaître la marche à suivre.

Est-ce qu'il y a d'autres issues ?

Ina fait appel à ses souvenirs pour répondre à cet homme à qui elle avait fait une dédicace mais ce sont d'autres souvenirs qui remontent...

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Le problème d'éclairage réglée, l'autrice raccompagna son lecteur au rez-de-chaussée.

"Votre trekkeur, Ask, serait-il capable de tout explorer, même si c'était dangereux et qu'il aurait mieux valu être un arbre ?"

Le statut d'être humain est loin d'être facile.

Cette librairie me rappelle quelque chose, tiens. Je crois que je me suis arrêté ici pour une convention., remarque le quadragénaire.

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L'aventure comporte son lot de risques. Dans quelques décennies, je serai moins capable de bouger. Autant le faire quand on est encore en forme. Cela fera des bons souvenirs pour supporter le grand âge.Merci de m'avoir raccompagné. Je vous souhaite une bonne journée.

"Bonne journée."

Que s'était-il passé ensuite ? Ina ne s'en souvient pas.

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"Ask ?" demande Ina tandis que les zombies grattaient à l'extérieur.

Déjà les bruits faiblissaient, heureusement qu'ils oublient viete.