Se retrouvant face à une demande d'une patiente de quitter l'hôpital, Eir ne sait pas quoi faire. Les médecins sont censés décider de ces choses-là et les infirmières ne font qu'exécuter les soins. Son hésitation ne dure pas puisqu'elle est incapable de soutenir le regard décidé et pleins d'attente sur le visage ridé de la femme clouée sur un fauteuil roulant. Sachant que les médecins l'avaient déclarés incurable, elle lui fait la promesse de l'emmener au couvent.  De la rapprocher de Dieu.

Un peu plus tard, après avoir habillé la patiente de manière adaptée au temps frais, Eir pousse son fauteuil roulant jusqu'au couvent le plus proche. Qu'est-ce qui peut bien déterminer une patiente en fin de vie à vouloir se rapprocher d'un être qui échappe à sa compréhension ? Un mystère pour Eir. Les étoiles lointaines lui parlent davantage que la présence de Dieu.

L'entrée dans le couvent se passe en silence. Le jardin entretenue par les religieuses apparaît si paisible ! Le visage de la patiente s'éclaire comme en émoi devant cette sérénité des lieux. Ce visage lui fait penser qu'elle a fait le bon choix, c'est une plus belle récompense qu'un merci énoncé à voix haute. Eir se sent toutefois déplacée dans ce lieu. Comme une intruse.

Allons trouver une religieuse, Eir, j'ai à leur parler., requit la malade d'une voix apaisée.

Ruf qui se trouvait juste à côté observa les nouvelles venues un instant en se demandant si elle devait se dépêcher d'aller à leur rencontre pour remplir ses devoirs d'hospitalités comme une bonne sœur ou si quelqu'un d'autre était plus qualifié. Ne voyant, personne, la jeune femme entre vingt et trente ans s'avança, les mains serrées devant elle en position humble.
"B-- Bonjour, mesdames." articula-t-elle les joues rosies par la timidité.

Il semblerait qu'elle n'aurait pas à pousser bien longtemps, une religieuse bien jeune se présente déjà ! Avant qu'Eir n'ouvre la bouche, la patiente prend les devant. Bonjour ma chère, je m'appelle Antonina. J'aimerai parler à la mère supérieure du couvent si cela est possible. Est-ce qu'il vous agréerait de nous guider ? Vous avez là un jardin merveilleux, je peux sentir la présence du Très-Haut ici.

Le visage de Ruf était un livre ouvert, indiquant combien les paroles de la vieille femme lui plurent. Elle s'inclina et leur désigna le chemin. Quelques enfants passèrent devant eux en les saluant de façon polie. L'un d'entre eux tenait une figurine en forme d'oiseau.

Il n'y a rien à redire à la sagesse de l'aînée, qui sait s'y prendre pour flatter la religieuse ! La présence des enfants surprend Eir qui n'en imagine pas dans un tel lieu, ils lui semblent trop turbulents pour la paix qui règne en lieux ! Ceux qu'elle connait en tout cas. Je ne me suis pas présentée, je suis Eir, l'infirmière d'Antonia. Pourquoi est-ce qu'il y a des enfants, ici ? La vue de la figurine la fait cligner des yeux lui rappelant qu'elle n'aime pas les oiseaux.

"Eh bien, l'Eglise prend sous son aile tous les enfants qui n'ont pas la chance d'avoir une situation stable." répondit doucement Ruf en espérant ne pas se tromper.
En même temps, elle était certaine que c'était là tout l'intérêt de réunir les orphelins.
"Ne vous inquiétez pas, ils ne vous dérangeront pas si c'est ce que vous souhaitez."

Je suis juste surprise d'en voir dans un lieu aussi paisible. , avoue l'infirmière. Il y a tant qui sont abandonnés, à peine né à l'hôpital. La misère et la souffrance humaine est le pain quotidien de la jeune infirmière. Sans père ni mère pour les protéger, abandonné à la merci de la bonne volonté d'inconnus, il était difficile de les imaginer pleinement épanoui dans le futur. Mais il semblerait qu'elle se trompe à voir ces enfants aussi polis. La patiente souhaite d'ailleurs s'intéresser à l'enfant avec sa figurine d'oiseau. C'est un bel oiseau. Tu l'as fabriqué ?

"Très peu. La majorité ont perdu leurs parents plusieurs mois après leur naissance. Et Moscou est une grande ville."
Ruf ne dit pas que certains enfants n'étaient pas orphelins des deux parents mais d'un seul qui ne voulait pas prendre la responsabilité d'un enfant seul, ou que les deux parents avaient été reconnus comme indignes d'élever leur enfants, certains avaient même été arrêtés par la Milice pour démons. Mais la femme semble concentré sur l'enfant.
"Oui, avec sœur Ruf."

La patiente apprend que Soeur Ruf a bien aidé l'enfant à fabriquer cet oiseau. Soeur Ruf est une personne gentille. Que fait-elle d'autre quand elle est avec toi ? Eir ne partage pas l'enthousiasme d'Antonia à propos de l'oiseau. Pas à cause des démons. Plutôt à cause des fientes qu'ils laissent.

Ruf observe l'enfant se dandiner devant la question de la grande et fière dame.
"On apprend les Paroles du Seigneur, on fait les corvées et on joue ensemble."
Les corvées consistaient à mettre la table, aider à faire la vaisselle, passer le balai, des activités toujours plus facile que de les forcer à ne pas bouger sur une chaise.

Ce sont là des choses louables., fait élogieusement la patiente qui devance une possible réponse de Eir. Alors, l'infirmière pose une autre question. Quels sont vos jeux préférés ? Elle espère que l'enfant ne parlera pas du jeu de l'oie ou du jeu du loup - jeux délicats dans une société qui chasse les zoo tropes.

"Les devinettes ! On écrit des métiers sur un papier chacun, ensuite on le passe à un ami qui le met sur le front sans le regarder. Puis ensuite, on pose des questions jusqu'à retrouver le métier. Vous voulez faire ?"
Mais voilà que les autres enfants appelèrent leur petit interlocuteur. Le jeu serait pour plus tard. Espérons pour la personne alitée qui avait l'air si contente de marcher dans la maison de Dieu.