Rappel du premier message :



Quatre heures après l’annonce de la création de la Voûte, Katja avait reçu un sms de sa grand-mère. Komm zurück, die USA sind nicht sicher. Reviens, les Etats-Unis ne sont pas sûrs. Et, elle n’était pas fière de l’admettre, elle avait été très tentée de rassembler le reste de sa famille et de quitter ce pays de fous où on enfermait des gens sur base de leurs gènes.

Mais elle était restée. Elle avait aussi une autre famille. Et toute une communauté qui se retrouvait encore plus marginalisée qu’elle ne l’était déjà, sans défense face à des violences qui s’aggravaient de jour en jour. Elle ne voulait pas être une lâche et fuir pour sauver sa peau sans penser aux autres. Elle voulait être du bon côté de l’histoire. Alors, elle était restée.

Au début, Katja avait hésité. Elle voulait agir, oui, mais comment ? Comment changer la donne ? Via via, elle avait trouvé une association de bénévoles venant en aide aux victimes de discriminations en tous genres. C’était une goutte d’eau dans l’océan, mais c’était un début. Puis, le 30 janvier, New York avait explosé. Et depuis, le ton montait et se durcissait de partout, tant dans la rue que dans les médias. Alors, elle avait craqué et recontacté certains de ses frères et soeurs mutants, ceux qui avaient accepté son départ il y a des années. Elle voulait aider.

Mais pour l'heure, elle aidait à placer des chaises pour un atelier de l'association. Pas vraiment un coup d'éclat.

A la mention des médias, toute trace de gêne disparue alors qu'il se verrouillait en lui-même tandis qu'il subissait le retour de la puissante vague d'émotions qui avaient résulté de The Vault, et de tout ce qui s'en était ensuivi. Cayden se recroquevilla physiquement par instinct, resserrant ses ailes contre son dos. Les sourcils froncés et la bouche pincée, il essayait de faire le tri dans tout ce foutras pour comprendre en quoi ce mot, dans ce contexte, avait réveillé l'hydre endormie. "Une représentation..." Il pesa lentement ses mots. "... qui n'est pas forcément la réalité."

Trop tard, Katja réalisa qu'elle s'était mal exprimée. "Je sais bien. Je suis mutante et ma mère est journaliste, je sais bien que la réalité et ce qu'on voit peuvent être très différents. Mais le fait est que les médias existent et ont donné une certaine réputation, aux X-Men en général et à Wolverine en particulier. Et entre ça et la description que tu fais de lui, il doit avoir l'habitude d'intimider, que ce soit ou non justifié." Tout le monde était plus ou moins influencé par les a priori et les premières impressions, même les personnes qui tentaient d'éviter ce piège.

Il ne fut étrangement pas terrifié par le désaccord apparent. Cayden en fut revigoré d'une fierté apparentée à l'acceptation ; il commençait à trouver le rocher où s'agripper quand la tempête sévissait dans sa tête. "Et bien, oui, il est intimidant." convint-il facilement, plus accaparé par le problème plus prégnant des médias. Son expression s'assombrit d'impuissance. "Mais que pouvons-nous faire contre ces représentations ?" Il leva ses deux mains vers son visage pour observer la courbe aiguisée de ses griffes pourtant coupées. "Certains n'y verront que des armes."

La réponse ne tarda pas, puisque c'était un sujet cher à Katja : "On crée nos propres représentations. Idéalement dans les médias de masse, mais plus probablement via des moyens détournés, que ce soit sur les réseaux sociaux ou à travers des organisations comme ici, l'écriture de comics par des mutants pour des mutants, le développement de notre art..." Ce dernier point parlerait peut-être plus à Cayden. "Il y a plein de manières de reprendre en main notre narratif, mais elles ne marchent que si on arrive à se soutenir, à agir en communauté plutôt que de laisser chacun se débrouiller dans son coin."

S'il ne répondit pas, ce n'était pas par désaccord ou par impolitesse. Il laissait plutôt les mots de Katja s'imprégner en lui et faire écho à ses propres aspirations ; il avait déjà émis l'idée d'user de son art pour toucher autrui au sujet du sort des mutants. C'était surtout qu'il ne s'en sentait pas la légitimité et... Cayden fronça légèrement les sourcils. "Encore faut-il qu'on soit vus ou écoutés..." Et il ne pouvait s'empêcher de faire une corrélation avec le destin des peuples amérindiens.

« C’est le nœud du problème », acquiesça Katja. « Et c’est pour ça qu’il est important d’agir en communauté : un individu isolé n’a presque aucune chance de faire entendre sa voix, alors que les chances d’un groupe sont meilleures. » On pouvait reprocher beaucoup de choses au groupe dont elle avait fait partie jusqu’il y a quelques années, mais pas de ne pas se faire entendre. Bon, le tout était de trouver une méthode aussi efficace mais moins destructrice. Elle, pour le coup, n’en connaissait pas encore… Mais c’était aussi pour ça qu’elle avait rejoint cette association : pour découvrir de nouveaux types d’action et tester leur efficacité.