Histoire (courte)

Y’ a d’ça sept générations, mon ancêtre Nikolas Smetkhov était un des bolchevik qu’à fait tomber la tête du Tsar alors qu’il avait que quinze piges. En quarante, de mille neuf cent, il part à la guerre, munit de son fusil Mosin Nagant. Il marchera sur Stalinegrad pour reconquérir la capitale. Il a gardé son fusil et depuis ce temps là, on s’le passe de génération en génération. Cent vingt ans qu’on garde ce fusil en état d’marche… et maintenant il est dans mes mains, pour exploser le crâne des crevés.

Ancêtre Nikolas se serait jamais douté que sa petite fille se retrouve au milieu de cette merde. Avant ça, j’vivais dans ma maison familiale, pas loin d’Berezniki. Famille de bûcherons de père en fils. Fille unique et parents trop pauvres pour un deuxième gosse, j’devais reprendre l’entreprise, pas d’fils pour la lignée. J’me débrouillais bien, masse pour fendre, tronçonneuse et hache, ça m’connaissait bien.

La vie était cool. Puis les crevés sont apparus. Papa est mort quelques semaines après le début, en tentant d’rejoindre un camp militaire déjà infecté. Alors avec maman on a retrouvé un groupe de survivants, on était une trentaine. C’tait des gens biens, trop biens pour survivre. On est parti pour la capitale, en s’disant qu’on aurait plus de chance de trouver un semblant d’gouvernement… Tout s’trajet… ses mois entiers de marche pour arriver dans le plus gros cluster de zombies qu’j’ai jamais vu d’ma vie.

On a couru, maman tirait au Mosin, les gens criaient, les gens mouraient. Quand on est ressorti d’la capitale, on était plus qu’cinq. J’ai jamais vraiment pigé c’que je devais ressentir par rapport à toutes ses morts… c’est comme si j’ai une psycho, j’en avais plus rien à foutre, après la mort de papa, tout ce qui comptait, c’était moi et maman. Sauf que maman est morte.

On avait trouvé cette voiture, à la frontière, quand on remontait vers la Finlande… on avait à peine fait une centaine de kilomètres qu’on s’est fait prendre en embuscade. Un groupe de pillard… des bandits… peu importe leur nom. J’vous fais l’dessin. Panique. Accident. Le volant fusionnant avec le visage de ma daronne. Adrénaline dans tout le corps. La voiture a pris feu, ma nuque aussi. J’ai eu tout juste le temps d’récupérer l’fusil d’la famille, tous les autres membres du groupe sont morts.

Que dire ? Une histoire tragique comme on en connaît plein, maintenant. Alors j’avance. Le nord est froid et mort, alors je pars au sud. Loin des autres. J’suis une chanceuse, si vous voulez savoir. Mais j’ai un fusil et j’sais m’en servir. Alors appelez moi "survivante".