Regrettant une énième fois de ne pas pouvoir donner une vie meilleure à sa fille, la mère d'Erlann passait les yeux sur les revêtements de murs sombre, peu reluisant. Son boulot de serveuse dans un bar à oxygène et les quelques clients qu'elle recevait lui permettait difficilement de joindre les deux bouts. Il y a avait toujours des dépenses à faire. Toujours un problème à régler. Lexi poussa un profond soupir. Tant de sacrifice.

Arriverait-t-elle un jour au bout de ses peines ? À sortir de cet appartement des bas-fonds pour une vie plus stable ? O combien elle aimerait se payer une bonne bouffée d'air pur !

Elle avait une discussion importante avec sa chérie ce jour-là. Lui expliquer qu'un étranger viendrait habiter quelques temps dans leur appartement. L'argent était bien sûr la principale motivation. Attirant l'attention de sa fille en tapant sur la table de l'étroite cuisine, elle cria son petit nom. De toute façon, l'appartement n'était pas bien grand.

Lan, mon cœur ! J'ai quelque chose d'important à te dire.

L'instant suivant, une petite bouille tiré par la fatigue se présenta et monta sur un siège - avec difficulté. Il était peu adapté à une enfant de son âge. Entre ses mains, se trouvait un origami de papier.

Un étranger va venir vivre avec nous quelque temps  Lan, mon coeur. Tu lui feras bon accueil, d'accord ? Tu lui diras bonjour. Il arrive bientôt. Je te présenterai. 

"Journal de bord Up -  123 456 770 de l'ère Jabba, numéro deux cent vingt-quatre. Je découvre mon logement sur Abro-Skai pour la première fois. La cible a un enfant."
On pourrait croire qu'Up avec ses quatre frères et sœurs serait à l'aise avec les enfants… pas vraiment. Bon, le principe était de payer le loyer et bosser dans son coin sans faire vague. Personne ne voudrait qu'Up s'occupe de ses enfants. N'est-ce pas ? Le docteur valeth sonna à la porte du logement… pittoresque ?

"Lan" n'était pas ravie d'apprendre qu'un étranger allait venir vivre chez eux. Dans sa tête d'enfant, elle se demandait bien qui ce pouvait être. Le prince charmant ? Son papa ? Une des personnes que sa mère ramenait parfois à la maison ? Lan avait promis à Lexi de faire bonne figure. Mais être une gentille fille ? Pas question ! Lan, mon coeur ! Peux-tu lui ouvrir la porte ? , fit la voix de sa mère qui s'affairait pour le travail.  La petite fille, grincheuse, obéit de bien mauvaise grâce et s'en alla actionner la porte coulissante. Première impression en le découvrant : il était trop poilu pour être le prince ou son père !

Ces humains sont si petits.
"Bonjour madame Kuvinel, enchanté de vous rencontrer. Je suis le Docteur U'zoma Polaire mais vous pouvez m'appeler Up." dit le valeth à la naine.
Le docteur Polaire ne portait pas vraiment de blouse blanche mais plutôt des vêtements de ville avec plein de poches et d'appareils d'enregistrement épinglés dessus. Il était pattes nues et chercha des yeux un paillasson pour en essuyer la saleté.

Humpf ! La petite fille le regardait avec des yeux défiants. Un prince ne disait pas Madame. Elle ne disait toujours rien. Hé ! Dis bonjour, petite ! Essaie Bienvenue peut-être ? Salut ? Non, rien de tout ça. T'es trop poilu pour être le prince charmant !, lâcha enfin la jeune Lan. Sa mère arriva enfin, apprêtée pour son travail de serveuse. Bienvenue Docteur. Je suis Lexi, votre logeuse. Veuillez excuser ma fille. Elle n'aime pas les étrangers.

Oh, est-ce qu'Up n'avait pas fait les choses correctement devant la petite qui n'était en fait pas sa logeuse ? La mère vint le rassurer à ce propos.
"Elle n'aime surtout pas les poils j'ai l'impression. Je ferai de mon mieux pour ne pas vous déranger. Et pour les poils ne vous en fait pas, je les nettoie avant qu'ils ne tombent."
C'était bien comme ça, non ?

Si c'était que les poils ! Il ne ressemblait pas du tout à un papa pour la petite fille. En conséquence, elle ne l'avait pas bien accueilli. Lexi se décide à mettre les choses au clair une fois pour toutes avant d'aller au travail. Non, vous ne dérangez absolument pas. Lan, mon cœur, écoute-moi. Je sais que ce n'est pas ce que tu souhaites. J'aimerai pouvoir t'offrir une meilleure vie. Je vais bientôt partir au travail. Alors tu t'occuperas bien de notre invité ?   Lan hocha la tête, vaincue, et accepta de dire bonjour. Salut ! Salut quoi ? Prince pas-du-tout-charmant !

"Euh... mais je ne suis pas prince du tout, dit Up, gêné d'être genré comme de se voir attribué un titre de noblesse incohérent. Bonne journée, madame Kuvinel."
Le docteur Up attendit donc que l'adulte prenne congé pour vaquer à son installation.

S'il n'était pas du tout un prince, cela faisait en effet sens qu'il aie des poils. Fichue logique de gamine ! La petite fille planta un baiser sur les joues de sa maman et lui souhaita bon travail. Je vous prie de m'excuser Docteur. Je dois m'éclipser pour mon travail. Et ne fais pas de bêtise, mon coeur. , dit Lexi d'un ton un peu plus sévère après avoir retourné le baiser. Erlann se retrouva donc seule face à quelque chose de poilu ! Elle planta ses petits poings sur les hanches puis son index sous son oeil droit. Je t'ai à l'œil !

Oh, la petite m'a à l'œil. Je fais quoi ?
"Aimes-tu les plantes ?"

Plantes ? C'était quelque chose qu'elle n'avait vue qu'en hologramme ! Erlann pencha la tête un peu curieuse. Le surveiller ou le laisser l'entraîner ? Les plantes ?

"Des organismes multicellulaires dont les cellules contiennent un cytoplasme. Je te montre !"
Up retira son sac-glacière et en sortit un parfait exemple. Une tige verte, des boutons violets, des pétales roses et même des racines fonctionnelles.
"Crista Mentacia."

La gamine ne pigeait rien à ce qu'il racontait le Docteur, là. Elle voyait juste des jolies fleurs très colorées. Très jolies. Ça se mange ?

Ces gens ont pas peur de se faire dévorer par les plantes ? Pourquoi elles ne sont plus utiles ? Pourquoi c'est pas inutile ?, demanda la petite fille. Elle n'imaginait pas qu'on puisse vivre au milieu des plantes ! Ils ne devaient pas avoir peur de se faire dévorer ! Son univers était faits de néo-béton gris, d'hologramme publicitaire et de rues sales.

"Les plantes dévorent rarement les gens. Même pas 1% de la flore ne mange de mammifères comme toi et moi. Leur utilité n'est pas évidente pour tout le monde mais elles sont essentielles pour assurer l'équilibre du monde. Quand ce n'est pas le cas, les gens sont pauvres et malheureux parce qu'ils doivent se saigner aux quatre veines pour se nourrir décemment. Vite, changeons de sujet ! Cette plante a un secret, tu veux savoir ?"

Oh. C'était pour qu'elles étaient malheureuses ? Up faisait bien de changer de sujet ; la petite allait commencer à s'inquiéter des plantes ! Erlann pouvait résumer ce que venait de lui dire le Docteur Up : Plantes = Bonheur et ventre plein ! Oui ?

"Ces plantes-ci produisent de la lumière si on émet la bonne fréquence. Dans son habitat naturel, elle est mangé par des insectes et ces derniers n'aiment pas la lumière qu'elle produit mais pour nous, ce n'est pas désagréable. C'est même utile."
Pourquoi produire de l'électricité si les plantes pouvaient faire de même pour moins d'énergie ?

La petite fille peinait à comprendre tout ce que racontait le bon docteur. À peine pigeait-t-elle les concepts dont elle était bombardé. Quelle fréquence ? Son regard trahissait sa confusion. Finalement, les plantes n'étaient pas si amusantes ! Aussi, Erlann se concentra la phrase contenant le verbe "manger". Des insectes ? J'en ai mangé ! Maman en cuisine parfois !

Up sortit son magnétoscope, celui qu'il trimballait depuis l'enfance. L'appareil se lança et émit un son aigu comme un rire d'enfant. Les boutons violets s'illuminèrent d'une jolie couleur rose rappelant les néons de certaines rues.

Ouah ! De quoi faire oublier des insectes à une très jeune humaine ! La seule expérience similaire était les néons dans certaines rues en bas. C'est de là que viennent les lumières au-dessus du travail à Maman ?

"Non, du tout. Mais c'est lié, c'est la même manière. Les boutons contiennent un gaz et des cellules à la base électrisent ce gaz, ainsi la lumière apparait comme pour les néons. C'est scientifique." finit-il par conclure.

Ça ne fait pas boum ?, demanda la jeune Erlann qui confondait l'effet du gaz combiné à une étincelle de feu et l'effet de la plante. Et puis, "c'est scientifique" ressemblait fort à une excuse. Elle le regarda avec suspicieux. Tu as des jolies fleurs mais, n'empêche, je vais te surveiller.

"Me surveiller" ?
"Si tu veux. Je vais installer mes affaires. N'y touche pas. S'il te plaît. Je te surveille !"
Docteur Up sur le coup.

Les chats n'en font qu'à leurs têtes ! Ils font toujours des bêtises !, déclara Erlann qui considérait que le prince pas-du-tout-charmant rentrait dans cette catégorie. C'est moi qui te surveilles ! Pas l'inverse.  Donc, la jeune fille le regarda intensément. Probablement la meilleure manière qu'elle ait imaginée pour le surveiller.