Rappel du premier message :




Le VAB s'avançait le long de la voie de chemin de fer, direction Trondheim. Manque d'entretien et intempéries obligent, le temps avait défoncé les routes au delà de toute rédemption. Avec leur espace dégagé et leur surface recouverte de ballast, les lignes ferroviaires offraient la seule alternative confortable pour les véhicules roulants.

En deux ans, le paysage norvégien avait bien changé. Les villes et, plus encore, les espaces extra-urbains. Or, s'ils voulaient escalader les collines escarpées jusqu'à la station de diffusion radiologique au nord de Vannstad, avec tout le matériel et les hommes de l'unité Reco-1, il faudrait trouver un itinéraire optimisé.

Et puis, c'était une opportunité en or pour mettre à jour leurs connaissances quant à leur propre pays. Pour l'heure, un drone était en tête du convoi, un demi-kilomètre plus loin, mais lorsqu'ils allaient prendre de la hauteur, les vents ne permettraient plus son utilisation.

"C'est pourquoi on vous a proposée de faire partie de cette expédition."

Seifur jeta un œil à son dossier en papier recyclé.

"Hum... Dois-je vous appeler Dina ou Ina ? Mme Johansen, peut-être ?"

Plutôt que de la regarder, il tendit son oreille vers elle, à cause du bruit ambiant.

Seifur attendit une minute. La fumée se dissipa et un calme relatif s'installa. On entendait des cris provenant de l'intérieur, mais plus étouffés. Aucun tir en provenance de la porte explosée. Des silhouettes apparurent d'entre les arbres et il leur fit signe. quatre hommes le rejoignirent et trois se positionnèrent près d'Ina, où la vue était bonne.

Seifur rejoignit la palissade, la longeant jusqu'à la porte, et lança la grenade.

Un éclair plus tard, ils entraient.

Le groupe entra dans une pièce empestant la putréfaction. Des appareils de transfusion avaient visiblement récemment servis à injecter du sang. Dix individus se tenaient là. Leur peau était de couleurs diverses, allant du bleu au rouge en passant pas le jaune et le gris. Le seul armé d'une arme à feu tira. Ina attrapa sa chienne pour se mettre à l'abri.

Tout alla très vite : les soldats furent un très bref instant déconcentrés par la vision des corps endormis ou agonisants suspendus par des harnais à côté de sièges. L'un d'eux s'anima soudain et lança un poignard qui se ficha dans le gilet du pilot de drones, un autre tira et eut le temps de toucher quelqu'un tandis qu'un troisième, dissimulé dans la crasse du mur, chargea Seifur et le plaqua à travers une porte ouverte avant de se redresser pour la verrouiller derrière lui.

Ina avait déjà senti des balles dans son corps et elle revivait cette sensation. Sa chienne n'avait rien heureusement. Elle lui lécha le visage en quête de réconfort. Pendant ce temps, les militaires poursuivaient leur combat.

Les trois soldats situés près d'Ina la rejoignirent en courant pour la trainer à l'abris des tirs. L'un d'eux sortit une trousse de soin et se mit au travail.

Dans le fortin, l'instant de chaos était passé et les soldats reprenaient le dessus, mais deux des victimes suspendues avaient été tuées dans l'échange.

A côté, dans ce qui semblait une cuisine, Seifur était tombé sur son arme qui produit un bruit inquiétant. Il se retourna pour faire face à un homme muni d'une épée.

Tandis qu'Ina été soignée par un des soldats, celle nommée Erika, Seifur affrontait un... homme à la peau un peu jaune un peu grise et yeux fous. La tête protégée par un casque, le visage caché par un masque cornu en bois et le corps déjà criblée de balles. Il fonça sur le korporal, épée en avant.

Seifur eut à peine le temps de se protéger avec son arme pour dévier la lame, mais l'homme le rua et tous deux furent aux prises. Les mouvements de Seifur étaient plus précis, mais son adversaire avait une force bien supérieure à ce que sa corpulence suggérait.

Luttant avec acharnement, Seifur parvint à s'emparer de son couteau et poignarda son agresseur à de multiples reprises, sans le moindre effet. L'autre commençait à peser sur lui pour l'étouffer de son avant-bras.

Heureusement qu'il y a le chien ! Eyra, guerrière à quatre pattes s'élança vers son nouvel ami aux prises avec le cadavre à la lame. Elle se jeta sur lui avec ses dix kilos, faisant valser son casque de viking.

Alors que des points noirs mouchetaient sa vue, Seifur aperçu un petit tube qui sortait du masque pour courir vers sa nuque. Lorsqu'Eyra ébranla l'ennemi, faisant voler casque et masque, il eut juste le temps d'entrapercevoir un petit appareil sanglé dans son dos, ainsi que sa marque : Hematicare.

D'instinct, Seifur se plaqua contre l'homme qui tâtonnait vers son épée et ficha son crâne sous sa mâchoire pour éviter les morsures. D'un coup rapide, il arracha l'appareil.

Allongée sur le sol, Ina pouvait observer la scène à travers la grille d'aération par laquelle était passée Eyra pour intervenir. Elle priait intérieurement pour que sa chienne s'en sorte sans vraiment s'inquiéter pour son propre sort. Elle vit l'adversaire se tordre de douleur après que Seifur lui ait fait quelque chose.

"Nooon !!!"

Hystérique, l'infecté - car sans était un ! - tournait sur lui-même, cherchant à tâtons l'appareil qui pendait, inutile. Seifur le repoussa pour se dégager.

"Pas comme ça ! Non ! Maskim ! Cours, Maskim ! Ne les laisse pas te..."

Mais, alors qu'il se précipitait contre la porte, titubant, Seifur l'avait embroché avec son épée, au niveau de la nuque. Il haletait, détournant le regard, pesant de tout son poids contre le corps, les jointures blanchies.

L'étrange demi-zombie se débattit avant de succomber. Sa tête se détacha du corps et les yeux déments perdirent le dernier éclat de clairvoyance qu'il possédait. La tête n'arrêta pas de bouger, rappelant davantage les zombies ordinaires. Si Ina ne grimaçait pas tandis qu'Erika lui retirait les balles de son épaule, elle écraserait le cerveau du zombifié pour l'arracher à cette non-vie bien trop longue.

Lorsque la tête retomba, Seifur fit un bond sur le côté, comme pour éviter de la braise, et le reste du corps s'effondra. Il regarda ses mains, ses bras, ensanglantés, et fut parcouru d'un violent frisson.

Enfin, il tendit l'oreille et entendit l'unité Reco-1 qui sécurisait les lieux. Les 'RAS' répétés lui arrachèrent un long soupir, même s'il n'en dégaina pas moins son arme de poing pour se joindre à eux, rallumant son oreillette.

"Aucune perte ?"

Aucune perte, juste des blessés, un exploit pour une petite escouade.

Il fallut du temps pour sécuriser la zone et neutraliser les derniers infectés en phase de zombification. Leurs masques bricolés qui cachaient l'état de pourrissement de leur visage leur fut ôté. Ceux encore assez en forme pour être interrogés révélèrent le fin de leur histoire...

Les vampires. C'est comme cela qu'on les appelait, dans le coin. Ils gouvernaient cette portion de terre comme des seigneurs de guerre. Au début, ils ne prélevaient que de petites quantités de sang tous les mois - comme impôt - puis le congelaient. Mais à mesure que le mal progressait, ils durent faire des dialyses et des transfusions plus souvent. Leur état mental s'était clairement dégradé, les conduisant toujours plus sûrement à la cruauté et à l'indifférence pour la vie.

Une histoire horrible de ce genre était sans doute arrivée ailleurs mais s'il fallait reconnaître qu'elle était tordue. Voilà pourquoi Ina souhaitait de tout cœur se donner la mort si le virus la gagnait, ainsi elle ne perpétuerait pas le mal elle-même. Mourir plutôt que d'être zombifié !
Maintenant que cet imprévu était sous contrôle et que ses blessures ne demandaient qu'un peu de repos, il fallait s'occuper d'envoyer un message à la radio. C'était leur mission à l'origine.

Heureusement, quelques villageois étaient encore sauvables. En rationnant les plus vigoureux, les victimes presque exsangues pourraient reprendre des forces et peut-être les rejoindre au camp, si tel était leur désir. Ou vivre à la station. Seifur pourrait leur apprendre à l'entretenir. Cela prendrait de nombreux aller-retour, mais c'était faisable.

Il se dirigea vers Ina et regarda ses blessures.

"On dirait qu'on est bon pour notre première Q1 à l'extérieur de la station."

Une quarantaine ? Chic. Au moins sont-ils vivants. Et cela leur laissera tout le temps d'envoyer leur signal et d'attendre une réponse. Ina serra Eyra dans ses bras et sourit à Seifur.
"On dirait bien."