Ruf est tout sourire au milieu de ses protégés, les orphelins placés près de Dieu. Par ce bel après-midi, elle les a emmené chez un boulanger qui leur a montré comment il pétrissait la pâte et accueillait les clients. Les enfants se sont tenus tranquilles quand il leur a promis des récompenses comestibles. Cette belle expérience - et l'estomac plein - les a ravis.

Ils doivent rentrer à l'orphelinat et sont encore très excités ; Ruf doit bien faire attention à ne pas en égarer un en chemin. Elle a donné comme mission aux enfants plus âgés de surveiller chacun un enfant plus petit, ainsi elle a toute l'aide dont elle a besoin. Ces derniers parlent encore de la femme noble venue à dos de cheval blanc avec plein de cadeaux pour eux. Ils en ont de la chance de découvrir toutes ces choses que d'autres enfants ne connaissent pas. Et même certains fils et filles de famille noble n'apprécient pas ces instants à leur juste valeur.

Loin de cette vie simple et naïve qu'il n'a peu jamais connu, Klyde se demandait si ses doutes sur un possible démon dans le quartier étaient fondés. Le garçon était sur un banc, dans l'ombre d'un tuyau de plomberie de bonne taille, et observait les vas et viens d'une maisonnée modeste. Un "c'est m'sieur Klyde !" d'une petite voix féminine le sortit d'un échange avec l'Ange et il s'attendait presque à voir Anoushka lui courir après. Hors non. Mais il avait déjà vu cette enfant quelque part. Et les autres plus loin aussi. {L'orphelinat de Sœur Ruf.} Ah ? Exact, il reconnaissait la nonne parmi eux.

"Bonjour monsieur. dirent les enfants en cœur.
- Bonjour Klyde, comment allez-vous depuis la dernière fois ? J'espère que les enfants n'ont pas interrompu un beau rêve."
La nonne se souvient clairement de cet étrange jeune homme lunaire. Il a été très gentil mais angoissé par ses récentes découvertes du monde hors du prieuré. Il a besoin d'attaches et c'est sans doute pour cette raison que le Seigneur a mis Ruf sur son chemin.

"Bonjour" répondit-il laconiquement avant de se réveiller totalement et de leur offrir un beau sourire. "Je vais très bien, je vous remercie. Je ne rêvais pas, j'étais juste... pensif." Cela suffirait logiquement comme explication. "Vous vous promenez ?"

"Prière" était le mot magique parfait pour attirer toute l'attention du brun. "Volontiers ! Je peux même chanter pour les enfants si vous voulez." Klyde avait certainement gagné en aisance depuis les quelques soirées où il chantait pour des inconnus mais des chants d'Église, ceux-là, il les gardait pour lui ou des personnes spéciales (et Pasha les aimait bien). "Je vous aiderai aussi pour les corvées" ajouta-t-il, un peu gêné de s'imposer à eux comme ça. {Même s'il s'agit d'une invitation...} le charia la voix avec tendresse.

"C'est très gentil à vous mais ne vous sentez pas obligé. En revanche, nous serions ravis de vous entendre chanter. Les enfants, voulez-vous chanter pour monsieur Klyde également ?
- Ouiii !" disent certains.
Les autres n'ont pas d'attrait particulier pour le chant, quelques uns se contentent d'hausser les épaules comme si ça ne les dérangeaient pas.

"Se sentir obligé ?" répéta le caneton sans comprendre. On lui donnait à manger, c'était normal d'aider en retour s'il le pouvait. Le brun se leva pour rejoindre le groupe d'enfants, laissant une petite fille lui attraper la main comme le faisait Anoushka, jusqu'à l'orphelinat.

Les petits laissent méticuleusement leur manteau à leur bouton respectif ; chacun est décoré par un nom. Ruf fait de même mais sur un porte-manteau classique. Elle invite Klyde à l'imiter ; après tout n'est-il pas un adulte ?
"Qui a soif ? Qui veut aller se soulager ?"
La nonne accompagne les enfants dans le besoin aux cabinets, laissant Darya la novice distribuer de l'eau. Elle salue Klyde avec gentillesse.

Klyde refuse poliment et comme à sa dernière venue, garda son habit (le risque qu'un des enfants l'approche trop près et trouve une arme était minime mais pas nul). "Bonjour Darya" la salua le caneton, se souvenant qu'elle préférait qu'il l'appelle par son prénom. "Puis-je vous aider en quoique ce soit ?"

Darya ne savait pas vraiment si elle pouvait confier des corvées à un invité même si celui-ci tenait énormément à se sentir utile. Elle ne pouvait pas lui demander de la balayer la cour avec les enfants.
"Savez-vous éplucher les pommes de terre ?"

Il eut un sourire nostalgique. "Oui, j'ai appris." La douce femme lui indiqua les ustensiles et le sac de pommes de terre, puis le Guide ne tarda pas à se mettre à la tâche. Se laver les mains avec un gant pouvait peut-être paraître étrange mais Klyde n'y faisait plus trop attention, force de l'habitude, et entreprit d'éplucher sa première patate. Elle était loin l'époque où il se coupait tout le temps les doigts, Pasha cherchant son couteau dans la bassine quand il lui échappait. Il restait silencieux, à moitié perdu dans ses pensées et l'Ange au calme.

Darya ne manque pas alors de poser la question :
"Pourquoi portez-vous un gant à une seule main ?"

Le silence lui permettait de revoir ses plans sur le ou les démons dans la maison à côté de l'orphelinat ; le fait qu'il ait encore si peu d'informations alors que des enfants innocents étaient tout proches l'angoissait quelque peu. "Uhm ?" revint-il à lui... avec une idée derrière la tête :  s'il sympathisant avec Darya, elle pourrait peut-être se confier plus facilement à lui sur ses doutes d'une présence démoniaque dans le quartier. Sveta ne semblait pas opposée en tout cas. "Oh, le gant. C'est... pour cacher une vieille blessure qui souvre encore parfois. Un coup de couteau accidentel quand j'etais petit" lui sourit-il.

"Oh, vous ne devriez pas éplucher les pommes de terre alors ! Vous pourriez vous blesser." s'inquiète Darya.
Des enfants reviennent dans la cuisine, s'affairant pour les corvées habituelles. Leurs regards compatissants se posent sur le gant révélateur du jeune homme si gentil.

"Oh mais cétait il y a longtemps ! Je devais avoir 6 ou 7 ans... j'ai appris à mieux cuisiner maintenant. Je sais même faire de la soupe !" fut-il tout fier même si l'exploit restait modeste. "Je n'ai pas mal" rajouta-t-il plus pour les enfants que Darya. "Juste que ce n'est pas très joli à regarder alors je préfère y cacher."

Darya allait répondre quelque chose mais Ruf apparaît à ce moment-là, accompagnée des enfants les plus âgés de la bande, venus aider aux corvées.
"Dis, tu vas rechanter après ? Connais-tu Gloria* ?" demande un des enfants, une fille rousse comme un renard avec de grands yeux bleus comme le ciel.

* pour le coup, il s'agit d'une version en russe, ne pas vous prendre la tête

La diversion était la bienvenue, il était toujours gêné de parler de ses anciennes blessures. "Bien sûr ! Vous voulez que je vous l'apprenne ?" sourit-il à la petite fille... jusqu'à tilter sur la teinte de ses cheveux et ses yeux lumineux. "Whoo... tu es toute mignonne toi. Comment t'appelles-tu ?"

"Ksyusha, c'est Ruf qui me l'a donné. J'ai hâte de réentendre Gloria, c'est si beau."
Les têtes blondes s'affairent dans la cuisine avec les deux religieuses en cheffes d'orchestre.

Le repas se passa aussi bien qu'à sa dernière visite, sinon mieux. Klyde était un garçon jeune homme discret qui n'avait pas de mal à s'intégrer avec les autres enfants, malgré les regards curieux qu'il attirait immanquablement (pensant toujours que le soucis venait de ses yeux atypiques et non de la cicatrice à son nez). Puis vint la fin du déjeuner et le tiraillement visible des petits entre aider les sœurs ou entendre la chanson tant attendue.

Il n'est de toute façon pas question d'empêcher ceux qui travaillent de profiter du chant. Ruf désigne quelques enfants pour aider les adultes et propose aux plus grands de tout préparer pour la prière et le chant du jeune homme.
Le travail est rapide à plusieurs et très vite, tout le petit monde est réunis pour chanter. Les enfants ont davantage hâte d'entendre Klyde que de donner de la voix.

"Gloire à Dieu au plus haut des Cieux
Gloire à Dieu au plus haut des Cieux
Paix sur Terre aux Hommes qu'Il aime
Aux Hommes qu'Il aime..."

La voix du Guide était claire et précise, même si le lieu manquait d'acoustique. Les enfants autour de lui ne pipaient mots, sûrement étonnés, alors que lui se perdait dans son monde lyrique. Après quelques couplets, d'autres voix plus timides se joignirent à la sienne, cherchant plus à l'imiter que vraiment chanter comme ils le feraient d'ordinaire.

Ruf est sidérée par le talent du jeune homme. Elle sent son cœur vibrer en harmonie avec les intonations du jeune homme. Elle est sure que derrière cette voix angélique se cache l'innocence retranchée dans une coquille de noix perdue dans le monde des Hommes. Elle guide les enfants qui ont le plus de mal à se calquer sur ce rythme.

Quand Klyde chante, son esprit est ailleurs, loin de l'ange ou de son devoir (et Pasha a manqué de lui trancher la gorge plus d'une fois avec ses attaques surprises à cause de ça). Il arrive mieux qu'autrefois à garder un pied dans son environnement, juste assez pour éviter un assaut de nul part mais pas au point de voir l'effet qu'il a sur son auditoire. La chanson terminé, il est un peu gêné par le silence qui s'en suit. "C'est... c'était correct ma Sœur ?"

"C'était plus que correct, c'était parfait, dit Ruf avec un sourire avenant et aussi sincère qu'il est possible. Je suis sure que certains ici aimeraient avoir au moins la moitié de votre talent."