Il est encore tôt le matin, mais Swann elle s’en fiche parce qu’elle a plus besoin de dormir. Bah oui, elle est un fantôme maintenant ! Et les fantômes ils dorment pas la nuit, on lui a expliqué pleins de fois. Donc Swann, elle est très réveillée même si le soleil il est pas encore très réveillé, lui.

Et comme souvent, Swann elle a envie de chanter des chansons. Encore plus, elle a envie de chanter des chansons de bateau avec Papy Sim. Papy Sim il connait pleeeeins de chansons trop géniales ! Et il chante très fort, plus fort que Swann, tellement que dès fois elle entend même plus ce qu’elle chante ! Après elle peut plus chanter parce que ça la fait trop rigoler.

Le problème c’est que Swann elle cherche Papy Sim depuis loooongtemps et elle le trouve pas ! Alors qu’elle sait qu’il dort pas (bah oui, c’est un fantôme lui aussi), donc où il est passé ? Alors Swann elle essore (explore) partout dans l’hôtel en appelant Papy Sim et en criant “Bouh !” chaque fois qu’elle traverse un mur. C’est comme un giga cache-cache ! Et Swann elle est plutôt forte au cache-cache ! Alors elle va le trouver Papy Sim ! Non ?

Susan se réveille en sursaut. Le soleil se lève à peine et avec un cri pareil, ça ne peut être que...

— Swann ! Tu m'as fait peur !

Elle se frotte les yeux et se redresse dans son lit. Puis elle attrape un gilet qu'elle enfile derechef (il fait encore frais, pour les vivants) et déplace discrètement son amulette de l'autre côté de son lit afin que la jeune fantôme puisse approcher sans être gênée.

Swann elle a pas fait très attention où elle allait donc elle est étonnée aussi quand on lui répond. Mais elle se remet vite et fait un grand sourire. Bonjour, jolie Susan ! Ca va bien ta journée ? Tu as vu Papy Sim ? Je le trouve pas du tout et j'ai envie de chanter des chansons. Voilà, elle a tout dit. Ouf.

Susan fait des efforts pour éloigner les brumes du sommeil. Swann a la chic pour vous tirer du lit avec un sourire si grand et tant d'innocence que c'est dur de lui en vouloir longtemps.

— Je l'ai pas vu, non, répond-elle simplement.

C'est-à-dire qu'elle dormait, quoi.

— T'as essayé près de la fontaine, déjà ?

Elle est au courant que depuis quelques jours, plein de gens le cherche. Certains sont même inquiets. Mais pas elle ; on est à Lockwood, après tout.

Swann hoche la tête plusieurs fois, fort. Oui oui oui. J’ai regardé la fontaine, et même dedans la fontaine, mais il est pas là. Alors j’ai regardé partout et il est pas là non plus. Toute triste soudain de ne pas trouver son ami fantôme, elle se laisse descendre jusqu’au lit. Tu crois il veut pas me voir Papy Sim ? elle demande avec des yeux larmoyants.

Aïe. Si elle avait été un peu plus réveillée, elle aurait peut-être pu anticiper cette réaction. Mais elle est pas très réveillée.

— Je suis sûre que ça n'a rien à voir. Il doit être occupé quelque part, ou alors il fait une blague ! Il adore chanter avec toi, y a forcément une raison, insiste-t-elle.

Voir Swann pleurer, c'est comme supprimer le sens du mot « joie ». On peut pas laisser faire ça à un petit cœur aussi pur, aussi intangible soit-il.

— Tu sais quoi, j'enfile un truc et on va chercher ensemble, tu veux ?

Swann elle est un peu rassurée par les mots de Susan. C'est vrai qu'il a l'air content quand il chante Papy Sim, même que ça le fait rire très fort. Mais il reste disparu alors elle fait juste un sourire timide. Et puis après elle fait un grand sourire et fixe Susan avec des yeux brillants de reconnaissance. C'est vrai, tu m'aides ? On peut faire l'essoration toutes les deux ?

— On fait ça ! confirme-t-elle en sautant hors des couvertures.

Elle enfile vite un pantalon et des chaussettes, passe brièvement dans la salle de bain pour troquer sa chemise de nuit contre un chemisier et la revoilà tout prête. Enfin presque.

— Ça t'embête pas qu'on passe vite-fait aux cuisines, que je prenne un truc à grignoter ? demande-t-elle en passant un pull.

Swann secoue la tête avec énergie.

Non non. J'aime bien la cuisine. Et j'aime bien les jolis gens qui font la cuisine.

Elle sourit en disant ça : y penser la remet pour de bon de bonne humeur.

On y va ! elle crie avant de traverser le plancher avec enthousiasme. L'instant d'après, elle remonte la tête au-dessus du plancher.

Oups. J'avais oublié que tu peux pas passer par là. Elle est toute contrite mais c'est amusant aussi alors elle rit un peu. Puis elle désigne la porte.

Par là !

Susan ne peut s'empêcher de pouffer en voyant Swann s'excuser si candidement. Elle attrape son sac contenant pot de sel et appareil photo (réflexe) et surgit dans le couloir avec un « BOUH » comme Swann un peu plus tôt.
Il n'y a personne. Trop tôt sans doute.

— Dommage, fait-elle en haussant les épaules. Fallait tenter.

D'un pas décidé, elle prend la direction de l'escalier.

Swann rigole en fait BOUH ! aussi puis elle suit Susan dans l'escalier en chantant mais avec la bouche fermée, sans dire les paroles, parce que c'est rigolo aussi. Swann elle sait faire plein de façons de chanter différentes ! C'est trop bien, non ? Ca dure un petit peu, jusqu'à quand elle a trop envie de parler à Susan. Alors elle dit : J'aime bien le petit-déjeuner. Tu manges quoi pour le petit-déjeuner toi ?

Écouter Swann chantonner, c'est un petit plaisir qui commence bien la journée. Il y a tellement de légèreté et d'insouciance qui émane d'elle dans ces moments-là qu'il est impossible d'avoir des pensées moroses. Swann, c'est un vrai remède contre la mélancolie.

— J'adore les œufs brouillés avec du bacon et des saucisses ! Je pense que ce matin, je vais me faire un petit sandwiche avec tout ça dedans pour tout de suite partir à la chasse. Et toi, t'aimais quoi ?

Swann ouvre des grands yeux parce que c'est incroyable comme envie de petit déjeuner ! Alors la réponse elle est super facile ! Tout pareil que toi ! Et aussi le chocolat chaud ! Avec un cœur sur le dessus, comme elle fait Eibhlin. Oh, et aussi du jus de pommes ! C'est super bon, t'en a déjà bu ? Et des tartines avec du chocolat, mais j'aime ça plus pour le goûter. Et...
La voilà partie pour un petit moment.

Susan l'interrompt à peine, tout juste pour acquiescer avec des « Oh oui ! », « Moi aussi ! », « Ah, j'adore ! ». C'est donc un joyeux duo qui débarque en cuisine alors que les commis d'Eibhlin s'affairent pour le premier service. La cuisinière n'est malheureusement pas en vue.

— Bonjour ! fait-elle d'un ton joyeux. C'est possible d'avoir un petit sandwiche avec des œufs brouillés, du bacon et une saucisse, s'il te plaît ?

Le commis le plus proche acquiesce avec un sourire et disparait un instant.

Swann a laissé Susan et se balade dans la cuisine avec curiosité, comme si c'était la première fois qu'elle venait. C'est pas vrai, elle vient souvent, mais elle aime bien découvrir des nouvelles choses chaque fois. Et puis embêter les cuisiniers ! Sans pouvoir s'empêcher, elle pouffe en allant souffler dans l'oreille d'un garçon pour lui faire des chatouilles. Il fait un petit cri et met la main à son oreille, comme voulait Swann. Très contente d'elle, elle se tourne vers Susan pour voir si elle a vu sa blague.

Susan oublie presque, parfois, que les gens ne voient pas les choses comme elle. Mais il est clair qu'aucun des commis ne perçoit la présence de Swann. Et elle n'a rien loupé de la manœuvre. Elle pouffe dans sa main en espérant rester la plus discrète possible. Cependant, ses yeux ne trompent pas et elle pouffe encore plus quand elle croise le regard triomphale de la souffleuse.

Swann peut plus s'empêcher de rigoler même si elle essaie de cacher avec sa main. Elle flotte jusqu'à Susan avec excitations alors que derrière, le garçon hausse finalement les épaules et retourne à son travail.

T'as vu ? T'as vu ?! demande Swann en rigolant toujours.

Susan acquiesce en rigolant. Elle essaie de contenir son  hilarité, mais ses épaules tressautent violemment. Elle est encore en train de glousser lorsqu'on lui ramène son sandwiche. Le commis soulève un sourcil et se retourne, comme pour chercher la raison de son amusement. Elle bafouille un truc incompréhensible à propos des courants d'air de l'hôtel, le remercie et se détourne pour prendre congé, avec un petit regard de conspiratrice pour la jolie Swann.

Voir les gens rigoler ça a toujours le même effet sur Swann : elle rigole encore plus fort. Et même si fort qu'elle croit qu'elle a mal au ventre alors qu'elle sait bien qu'elle peut pas. C'est quand Susan récupère son sandwich qu'elle se souvient que la cuisine c'est que une étape et qu'elle se calme un peu. Elle flotte jusqu'à Susan et demande : On fait quoi maintenant ?

Susan réfléchit en savourant son sandwiche.

— Procédons par étape, propose-t-elle après avoir avalé une bouchée. On commence par les jardins et la fontaine, puis on passe par les vestiaires du personnel. Et on demande à tous ceux qu'on croise s'ils l'ont vu.

Swann elle ouvre des grands yeux ravis. Susan elle est super organisée et c’est trop bien !! D’accord ! elle répond puis les deux jeunes femmes se dirigent vers l’extérieur de l’hôtel. Pour une fois Swann reste sagement à côté de Susan, elle veut pas perdre son amie en traversant un mur au mauvais endroit.

Le temps est couvert, mais le vent est tombé et il ne pleut pas. Susan a presque terminé son petit déjeuner en arrivant devant la fontaine.

— Seamuuuuus ?! appelle-t-elle d'une voix espiègle.

Elle se tient très près de la margelle, comme pour laisser au fantôme le loisir de l'arroser si l'envie lui prend.

Papy Siiiiiim ! Papyyyyyy !

Swann elle crie aussi et puis elle plonge dans la fontaine pour voir s'il est dedans. Mais non. Elle ressort comme une flèche pour aller fouiller dans les buissons et en sort toute excitée.

Susan ! Susaaan ! Viens vite !

Intriguée, elle rejoint Susan au pas de course. Elle s'attend presque à trouver le vieux pirate, même si elle aurait été plus que surprise de le voir là.

— Tu l'as trouvé ? demande-t-elle tout de même en arrivant près d'elle.

Viens voir ! Vieeens ! Elle est si excitée Swann que elle continue à crier même si Susan vient déjà vers elle. Regarde, là ! Et elle pointe une touffes d'herbes folles dans laquelle s'est confortablement installée une maman canard entourée de tous ses petits canetons... Si chou