Rappel du premier message :



Seifur était tout juste sorti de Q2 qu'il avait eu droit à un entretien de sept heures avec le commandement. Il avait livré un rapport de situation aussi circonstancié que possible quant à l'état du monde, du moins de la partie qu'il avait pu observer. Il avait fait preuve d'une patience herculéenne, ayant quant à lui des questions qui lui brûlait la langue bien plus vivement qu'à ses supérieurs.

Enfin, on avait décidé qu'il avait parlé pendant suffisamment longtemps et ajourné les détails. Il avait alors demandé des nouvelles de sa famille. Tout ce que le camp put faire pour lui, ce fut de lui apporter le petit registre sur lequel était consigné le nom de tous les survivants présents dans et hors du camp, ainsi que ceux qui avaient été aperçus par telle ou telle personne, avec la date de la dernière fois qu'on les avait vu en vie.

Un seul nom.

Seifur sortit de la salle de réunion, les yeux lourdement cernés et un air d'espoir troublé sur le visage.

"Euh..." fournit très intelligemment Leif d'un air un peu coincé. Il n'a pas prévu, au moment de parler, de lâcher cette bombe ! Mais sa bouche a parlé toute seule. "Je pensais partir, quand mon macareux aurait enfin migré, pour voyager jusqu'à la mer de Chine et en revenir." Autant tout avouer, maintenant ! Même si Seifur risque d'être perdu par la partie sur le macareux.

Le soldat papillonna furieusement des cils.

"Que... Euh, okay, ça fait beaucoup d'informations étranges mises bout à bout dans une même phrase, t'en as conscience ?"

Puis il éclata de rire. Si fort que tout cela finit en quinte de toux, avec moult regards curieux pour témoins.

"Je suppose qu'un macareux doit être un genre de canards, du coup ? Désolé, je suis vraiment à la masse en biologie..."

"Ahaha... euh... ouais..." ricane Leif d'un ton nerveux en se frottant la nuque. Il n'a plus trop de contacts humains ces derniers jours, et seule Ina connaît sa dévotion aux rites de l'Asatrù. Seifur aussi, maintenant. Il doit se douter que l'Apocalypse n'y a rien changé. "Un canard ?" Leif grimace, bien content de retourner sur un sujet moins sensible. "Tu en as vu des macareux, quand tu venais en Islande. Il y en a partout. Petits oiseaux noirs au bec coloré... ça te dit rien ? Tu en as même mangé." Il y a une pause. "Mais Puffífl n'est pas à manger !"

"Ah ! Ceux-là ! Oui, maintenant que tu me le dis. J'avais totalement oublié leur nom. Et je ne me rappelle même pas en avoir mangé. T'en fais pas pour le tien : ces bestioles sont bien trop chous pour que j'en fasse mon quatre heure."

Il y avait une drôle de tension dans la voix de Seifur, comme s'il hésitait sur le choix des mots. Il se redressa et claqua dans ses mains.

"Bon, il va falloir qu'on profite de nos retrouvailles, alors ! Ces animaux poussent vite..."

"T'es vraiment à moitié Islandais, toi, si tu oublies l'oiseau qui est notre emblème national !" Leif avait autrefois l'habitude de charrier Seifur de ce genre, mais la blague lui semble tomber à plat désormais. Il laisse un silence gênant s'installer, se grattant la nuque, le corps agité. "Euh... euh... ouais..." Il ne sait plus trop où il en est, avec son cousin de retour. Son voyage était son horizon jusqu'à ce qu'il le voit subitement. "Après, euh.. c'est un couillon, ce Puffífl, hein..."

Seifur ricanna, ce qui lui donna un instant l'air d'un gamin plus que d'un adulte.

"Si ton animal de compagnie est un macareux ET un couillon, alors laisse moi te dire que tu es officiellement une princesse Disney.

Mais, dis moi : tu n'aurais pas besoin d'un coup de main pour quelque chose, des fois ? J'ai vraiment besoin de me dégourdir les jambes et le travail manuel me démange."

C'est au tour de Leif de ricaner, sans prendre ombrage de la comparaison. Il se tourne vers Seifur en retroussant les lèvres sur un rictus amusé. "Et j'ai piqué le cheval du prince charmant." A la question de son cousin, son sourire tombe pour une expression plus songeuse. "Tu peux toujours venir m'aider à vérifier les pièges. Ou j'ai aussi du sanglier dans ma cabane, à saler."

Lorsque Leif évoqua le cheval du prince charmant, Seifur hocha du chef, comme si c'était une évidence.

"Va pour relever les pièges, alors ! Une balade ne me fera pas de mal. Et puis, ça me donnera l'occasion de me familiariser avec les lieux. Pour ce qui est du sanglier... T'as pas peur qu'il soit infecté ?"

Leif hausse les épaules. "Seuls les cochons peuvent être infectés." Son sourcil se fronce et il se penche vers son coussin pour pincer le gras de son bras. "Qu'as-tu mangé dans tes périples si tu crains la viande ? Que des trucs en boîte ?" Une grimace déforme ses traits et il agite la main pour lui dire de le suivre. "J'ai encore des champignons de ma dernière virée en forêt. Viens donc, je vais te faire une poêlée avec du sanglier. De la vraie nourriture !"

HRP:

La mention d'une poêlée de champignons avec du sanglier lui mit immédiatement l'eau à la bouche.

"Eh bien j'ai fait pas mal de découvertes gastronomiques durant mon voyage, le rien-du-tout étant le plat que j'ai le moins apprécié. Pour ce qui est de la viande... J'ai croqué dans du chameau, du cheval (désolé), beaucoup - beaucoup ! - de moutons, et même de l'ours. J'aurais aimé dire que c'était après un combat singulier avec ce dernier, mais ça serait mentir."

Un reniflement s'échappe de son nez, à mi chemin entre l'amusement et le rejet. "Je serai bien pour te laisser saliver tout seul dans ton coin pour avoir mangé du cheval. Mais bon, Apocalypse, et tout le tintouin. Je t'accorde mon pardon." Il lui serre l'épaule. "Allez viens ! Je préfère partir tôt si Krákagrár doit porter deux hommes adultes."

La suite, au prochain numéro !