Rappel du premier message :

L'orphelinat est un coin paisible, un petit bout d'Eden pour des enfants qui ont parfois connu l'Enfer. La bonne sœur Ruf en sait quelque chose et s'emploie chaque jour à pourvoir au bien-être de ces petits êtres encore jeunes et innocents. Rodya avait été abandonné tout juste nouveau-né et n'avait connu qu'ici mais Vanya et Tasha avaient souvent des réactions violentes que les autres ne comprenaient pas. La religieuse leur tendait un lapin du clapier mais Vanya refusait de tenir la petite boule de poils blancs.

"Nan ! J'veux pas ! On dirait un rat !
- Mais ce n'est pas un rat, c'est un lapin, un gentil lapin, comme toi, tentait Ruf.
- Il est moche !"

À ce moment-ci, un bruit attire la novice Darya et les autres enfants. Ils se précipitent au portail pour observer à travers les fentes et poussent des exclamations d'admiration. Vanya les rejoint, délaissant le petit lagomorphe. Ruf repose l'animal dans son clapier pour rejoindre le nouveau centre d'attention.

La cavalière aime sa monture, cela se voit, plus encore que Ruf n'aime ses lapins. Il ne faut pas oublier la carotte pour la jument, la nonne songe à charger Vanya de l'offrande. Tous les petits orphelins sont attablés devant leur bonne soupe préparée avec les légumes du potager dont ils s'occupent eux-mêmes. Ils n'attendent plus que la donatrice avant de prononcer la prière.

Cette dernière arrive, non sans une friandise pour sa compagne équine, et se lave les mains avant de rejoindre la place qui lui était attribuée. Les mains jointes, elle récita avec les autres de l'attablée la litanie habituelle pour le Saint Père et attaquèrent de concert leur repas. Celui-ci était d'une simplicité extrême, comparé à ce qu'elle était habituée, mais restait délicieux. "C'est très bon, merci à vous pour votre accueil."

"C'est tout naturel et nous appliquons avec plaisir les préceptes justes de Dieu. Vos dons seront considérés avec toute la valeur qu'ils méritent."
Ruf se sent tout à fait à son aise quand il s'agit de procéder à des échanges aussi harmonieux entre bons chrétiens. Impossible de nier la sincérité de ses paroles tant son regard est limpide et son sourire rayonnant.

Ineska ne doutait pas du bonheur de cette vie simple en voyant Ruf mais la menace de son père de la faire rentrer au couvent si elle ne se trouvait un époux d'ici la fin de l'année gâchait ce tableau idyllique. "Je n'en doute nullement" revint-elle à son repas avec un sourire qui atteignait mal ses yeux bicolores.

Ruf sent quelque chose qui contrarie leur donatrice. Pendant que les enfants s'extasient de la jument, elle décide de chercher le contact oculaire.
"Quelque chose vous contrarie ? Vous pouvez m'en parler si vous voulez. Je prendrais votre confession avec joie si cela peut vous alléger," dit-elle avec la délicatesse d'un papillon.

Grillée. "Je ne voudrais pas ruiner une si bonne ambiance, faites comme si ce n'était rien" sourit la belle avec force de l'habitude. "Vous voudriez bien regarder les vêtements que j'ai apporté s'ils vous vont bien les enfants après ? J'aimerais que Perle se repose un peu avant de reprendre les balades." L'échange muet avec la nonne indiquait clairement un "plus tard" suppliant.

Si la nonne doit faire "comme si ce n'était rien" alors c'est qu'il y a bien quelque chose mais chaque chose en son temps. Elle pourra bien ménager une petit quart d'heure avec la dame en privé pour alléger son cœur.
Le repas continue de bien se passer, égayé par les rires des enfants.

La cuisine était de nouveau calme quand les petits monstres furent entrainés par Darya ouvrir leurs présents. Inessa aida à débarrasser la table et déposer le tout près de l'évier - mais n'allez pas lui demander de faire la vaisselle, elle avait ses limites - alors qu'elles se retrouvaient seules avec sœur Ruf. "J'aimerai... excusez-moi si la question parait indélicate mais... qu'est-ce qui vous a poussé à entrer dans les ordres ma sœur ?"

En voilà une question indiscrète ! Mais pas autant que la question de l'étrange chanteur aux yeux d'argent.
"La paix et la sérénité. J'ai trouvé dans les Ordres un lieu sûr avec des enfants et des femmes de bien comme compagnons. Ici, je suis à l'abri du mal et de toute menace de l'extérieur. Pourquoi cette question ?"

Un abri ? Ce n'était pas vraiment ce à quoi elle s'attendait. "Pour vous parlez franchement de femme à femme, je ne pense pas être faite pour une vie sereine. Mon père cherche à tout prix à me marier et cela fait des années que je me bats pour éviter d'être liée de force à un inconnu. Pourtant... je ne peux m'empêcher de voir le couvent comme... une cage... dans laquelle je finirais mes jours si je m'obstine à tenir tête à mon père." C'était la première personne hormis Yeva et Oksana avec qui elle en parlait.

Ruf voit le mariage sur le papier comme quelque chose de bien mais ses souvenirs d'enfance lui ont également montrer toute la face sombre et violente des relations homme-femme.
"Le couvent n'est pas forcément une prison, chaque religieuse choisit ses activités mais la question n'est pas là. Voulez-vous vous marier avec quelqu'un ?"

"Si je veux... me marier ?" C'était également la première fois qu'on lui posait la question dans ce sens, non pas un "tu devrais épouser M.Machinsky" ou "celui-là est un bon partit". "Je ne sais pas..." baissa-t-elle la tête. "Je n'y vois qu'une autre cage et le grand amour un conte pour enfants."

Ruf aurait beaucoup de choses à dire mais elle essaye de se concentrer sur l'essentiel : le désir profond de son interlocutrice.
"Vous semblez beaucoup vous inquiéter des cages. D'où cela vient-il ? Quel avenir cherchez-vous ?"

"Est-ce donc trop demandé de pouvoir vivre librement sans qu'un homme décide ce qui est le mieux pour moi ? Je ne veux pas être... une esclave ou une jolie plante au bras d'une personne qui ne me voit pas pour celle que je suis." Les mots étaient forts mais comme toujours avec elle. "Aucune femme que j'ai rencontrée vivaient pleinement avec une bague à leur doigt. Je voudrais tellement être... moi." Des mots également un brin inappropriés devant une religieuse qui vouait sa vie au divin.

Ruf ne prend pas la remarque pour elle, elle n'a jamais déclaré qu'un homme devait gouverner la vie d'Inessa, tout comme elle ne considère pas Dieu comme un homme mais plutôt le Sens de la vie, la bonté incarnée sous une forme complètement ineffable.
"Que voulez-vous faire ? Avez-vous une idée de ce qu'il vous faut pour trouver votre épanouissement ?"

"Ne vous en faîtes pas ma sœur, j'essaye déjà par tous les moyens à ma disposition pour être indépendante financièrement et garder une image de femme forte" sourit-elle. "Même si on est loin de dire que je me sens épanouie... j'ai déjà et reçu beaucoup, demander plus de notre Père serait pécher, vous ne croyez pas ?"

"Non... Non, je ne crois. Dieu ne souhaite que le bonheur pour Ses enfants. Pour ce qui est des vœux de religieuses, ils ne se bornent pas à prier. Trouvez-vous que je suis en cage ? Et ils ne peuvent être définitifs qu'au terme de plusieurs années. Quel métier cherchez-vous à exercer ? Je peux vous mettre en relations avec une ancienne infirmière ou une pilote d'avion," offre Ruf.
Entre femmes, il faut s'entraider.

C'était.... "Je connais une femme qui avait fait les deux. Non, je suis plus dans la finance et l'équitation. J'aimerai reprendre l'entreprise familiale mais mon père ne me laissera jamais la succession, il préfère un homme à sa tête ; si possible son gendre" grimaça-t-elle. "J'aimerai me former au droit également, pour compléter mon arsenal." Petit temps. "Un métier qui me permettrait de voir ma mère régulièrement."

"Si vous le permettez, je ferais mon possible pour trouver des expertes en droit désireuses de transmettre leur savoir. Comment se portes votre mère ?"
Cela n'a pas grand chose à voir avec la conversation mais cela fait du bien aux gens de parler de choses qui leur sont agréables.

La description de la situation de la mère la peine, heureusement Ruf pense avoir un baume pour elle. La nonne rougit même lorsqu'Inessa dit que sa mère adorerait voir les lapins.
"Oui, qu'elle vienne donc nous voir. Notre jardin est un havre de paix fait pour être apprécié et je serai ravie de la laisser s'occuper des lapins, de les prendre et de les caresser. Cela vaut aussi pour les enfants."

"Je reviendrai volontiers avec elle dans ce cas, je suis prête à faire tout ce qu'il faudra pour lui apporter un peu de quiétude." Le sourire de la blonde fut cette fois plus lumineux que ses cheveux. "D'ailleurs, il nous faudrait revenir au jardin si nous voulons avoir le temps de continuer les balades des enfants avec Perle. Est-ce mon idée d'ailleurs ou le jeune Vanya semblait particulièrement apprécier particulièrement la séance ?"

"Quel âge a-t-il ?" alors qu'elles revenaient détacher la jument. "Peut-être faudrait-il lui trouver une activité qui le dépense plus... ou un travail simple. Pour ma part, s'il veut continuer d'être au contact des chevaux, je puis le former dans la mesure de mon possible à mes passages... pour les lapins." On pouvait sentir qu'Ineska était que trop habitué au donant-donant des hautes sphères.

Ruf au contraire ne voit absolument pas qu'Inessa le fait sous le pression.
"Il a neuf ans et quelques mois. Ce serait très généreux de votre part de passer du temps avec lui. Que voulez-vous dire par "former" ?"