L'hospice est bien calme, seulement dérangé par les toussotements et les gémissements des malades. Le personnel s'affaire en silence, apportant de l'eau à l'un, des médicaments à l'autre et du réconfort quand aucun remède n'allège le mal.

Ruf est tout absorbée par sa tâche, assistant avec douceur l'enfant malade. La pauvre chose lutte contre la pneumonie de tout son petit corps. Tendrement, la nonne lui parle, lui dit qu'il est courageux et qu'il guérira très vite. Les démons peuvent harceler les êtres, tant que les guérisseurs veuillent sur la foi et le moral de leurs patients, peu de maux pourront les atteindre.

La porte du sanctuaire s'ouvre soudainement, révélant à la surprise général plusieurs blessés à la fois. Il n'y aura pas assez de médecins pour les prendre en charge tous en même temps. Anticipant ce fait, la bonne sœur dit "à plus tard" à son interlocuteur fiévreux avant de s'élancer à leur rencontre.

Infirmière est un métier difficile au contact des souffrances humaines. Eir, qui avait passé ses jeunes années à faire ce métier, en savait quelque chose. Pour une raison que seul Dieu devait connaître, elle n'avait jamais eu besoin de beaucoup de sommeil ce qui lui avait permis d'affronter les veilles de nuit. Elle s'est décidée aujourd'hui de faire un crochet à l'hospice, un retour aux sources. Non, sans s'être lavée et pris des vêtements propres, elle n'allait quand même pas faire un manquement à la règle d'hygiène.

Ruf laisse le soin aux médecins et aux infirmiers plus anciens qu'elle de décider des priorités. Elle se contente d'onc d'obéir et de mener les patients aux quelques lits disponibles. Mais il n'y aura pas de place pour tout le monde !

Une fois devant l'hospice, Eir se dit qu'elle a choisi son moment en voyant les camions fonctionnant à la vapeur ou à une substance verte suspecte. Ils déchargent encore des blessés à l'aide de brancards. La pilote, exceptionnellement vêtue d'une robe verte, toqua à la porte du camion puis se renseigna sur ce qui s'état passé auprès d'un conducteur. Il devait en savoir plus.

Le conducteur pose les yeux sur le jonc de femme en face de lui.
"Si vous v'nez pour un rhume, passez vot'e chemin, ma p'tite dame. C'est pas une chose à entendre pour un coeur fragile."
Il s'adresse ensuite à son collègue, demandant combien de lit il restait, qu'il bouge le reste de blessés dans un autre hospice.

Eir posa ses avant-croisés sur le rebord de la fenêtre de la portière. Accouche. , lui balança-t-elle sans se démonter. Son regard disait qu'il valait mieux cracher le morceau que tourner autour du pot.

L'homme regarde un peu plus attentivement la femme en robe verte devant lui. Sous la façade débonnaire et pressée se devine une intelligence bien dissimulée.
"T'es un vrai bonhomme, toi ! C'était pas beau à voir. Une explosion a détruit tout un bâtiment. On sait rien de ce qui l'a produit. J'parie que c'était un attentat. Vous aurez les infos dans les journaux."

Une explosion ? Un attentat ? Elle n'en savait rien, peu importait. Il y avait des blessés à aider. Je suppose qu'on aura besoin de bras.   Pas une once d'inquiétude pour sa robe verte. Merci mon gars. , le remercia-t-elle en le quittant pour aller jeter un oeil à l'état des blessés et voir comment aider.

Ruf distribue de l'eau bouillie et des compresses propres aussi vite que possible. Nulle place pour l'hésitation ici. L'urgence lui donne des ailes. Son devoir est de secourir les blessés. Ceux-ci regardent à peine le visage qui leur apporte de quoi apaiser leurs douleurs. Elle, non plus, ne s'attarde pas sur leurs traits, leurs tenues ou leurs origines, seule la souffrance sur leur visage compte pour elle. Elle ne remarque pas les gens bien portants qui entrent.

Elle prit soin de laver ses mains avant de se mêler discrètement aux infirmiers. La pilote avait peut-être abandonnée cette voie pour les avions courriers mais ses compétences demeuraient. L'urgence de la situation demandait des décisions efficaces et rapides pour apaiser les souffrances des patients et les mettre en voie de guérison. Certains n'étaient pas beaux à voir, encore couvert de sang et de poussière soulevée par l'effondrement du bâtiment.

La première heure fut intense. À mesure que les blessés étaient pris en charge, l'urgence diminua mais la surveillance demeure, l'état de certains patients restent critique. Ruf s'autorise à souffler un peu.
"Comment vous sentez-vous, monsieur, demande-t-elle à un patient. Voulez-vous encore de l'eau ?

Dans la confusion et l'urgence de prendre soin des blessés causés par une explosion, la contribution d'Eir ne fut pas remise en cause. Apporter des soins à autant de blessés étaient une tâche épuisante, si bien qu'elle s'arrêta un moment pour souffler. Pause éphémère qui lui permit de se rendre compte de l'ampleur de la tâche et de la souffrance humaine. Tant de dégâts causés par une explosion ! Le corps humain était une coquille tellement fragile ! En reprenant sa besogne, elle se fit subtiliser les instruments qu'elle convoitait par une autre infirmière. Ce qui la poussa à chercher une autre solution dans la salle.

Ruf sert de l'eau au patient avant de partir au chevet d'une autre personne. C'est là qu'elle remarque une haute silhouette qui lui fait d'abord un peu peur avant qu'elle ne se rende compte qu'il s'agit d'une femme - elle porte une robe pourtant - un peu hagard.
"Que cherchez-vous, madame ? Si je puis me permettre…" ajoute-t-elle un peu honteuse d'être si directe à cause de l'ambiance générale.
son ton n'est nullement méfiant, juste celui d'une personne qui souhaite aider.

De quoi aider ces pauvres diables pardi ! Combien de temps s'était-t-elle échinée à les réconforter, à stabiliser leurs états ? Eir avait pris une brève pause, puis quand elle avait repris sa tâche, elle avait été devancée par un.e autre. L'ancienne infirmière n'allait pas s'en énerver, la situation était urgente et même tendue avec l'arrivée de blessés à mesure qu'on les amenait. Apaiser leurs souffrances. Pas une minute à perdre ! Elle ne restât pas plantée bêtement et chercha les instruments convoités.

La femme n'a pour le coup pas répondu à la question de Ruf alors que celle-ci est tout à fait prête à aider et par exemple… révéler où se trouvent les instruments de secours. Pour l'instant, la nonne reste un peu hébétée devant cette femme qui titille une partie de son subconscient. Pourquoi a-t-elle l'impression de connaître son interlocutrice ?

Après quelques balayage de l'œil très dynamique de la salle et sans succès, Eir revint à la nonne et précisa ce qu'elle cherchait. Je cherche des instruments pour aider ces malheureux. ... Ruf ? , la reconnut-t-elle  avec surprise au milieu de sa phrase. L'ancienne infirmière, préoccupée par les patients, n'avait pas fait attention à la voix familière et reconnaissait enfin ces traits familiers.

"Est-ce que nous nous connaissons ?"
Ruf réalise alors qu'elle a connu fut un temps une femme avec une silhouette similaire, le genre imposant qui n'avait rien à voir avec les autres statures du même sexe, celui qui transporte les malheureux sous chaque bras réconfortant et solide.
"Mademoiselle Palyulina ?"

Bon, la nonne la reconnaissait en dépit du temps qui avait passé. Eir n'était pas mécontente de la revoir même si elle avait changé de profession pour accomplir ses rêves. La pilote avait l'intime conviction qu'un jour l'humanité conquerrai les étoiles. C'est bien moi, et je t'ai déjà dit de m'appeler Eir. , la corrigea-t-elle. Contente de te revoir, ça faisait un bail !

Ruf rougit de se faire reprendre sur sa façon polie d'appeler les gens. Elle est également contente de voir un visage familier de l'extérieur et aussi soulagée d'avoir laisser un bon souvenir à Mlle Palyulina Eir.
"Oui, j'ai la chance de me porter comme un charme, et vous ?"
Elle semble plutôt en forme, ne donnant pas l'impression d'être entrée à l'hospice pour sa propre santé.
"Êtes-vous toujours infirmière ?"

Malheureusement non. Elle avait poursuivi d'autres rêves. Chassé des moutons de la voûte céleste dans un digne destrier ! Je vais bien. Non, j'ai décidé de devenir une pilote  d'avion-courrier pour livrer les lettres des gens. As-tu déjà vus leurs sourires quand on les leur remet en personne ?

Ruf est surprise par ce changement inattendue de voie. Elle-même ne se voit pas décider du jour au lendemain d'abandonner le voile, surtout pas ! Elle ne voyait pas bien la différence entre infirmière et nonne non plus. Les deux professions exige dévouement aux autres.
La question qui suit lui donne le sentiment de rater quelque chose.
"Non, je n'ai jamais eu ce plaisir. Mais ils doivent valoir le coup, j'en suis sure," termine-t-elle avec un sourire chaleureux.

Oui, ce ne sont pas toujours d'heureuses nouvelles malheureusement. Voler, piloter un engin qui fend les nuages, qui rapproche des étoiles, c'est comme rêver. Cela lui avait plu ! Infiniment plus que d'être une infirmière même si elle gardait des convictions vis-à-vis des soins des patients. Raison pour laquelle Eir s'était quand même invitée pour aider. Enfin, les patients vont pas se soigner tout seul. On se parle plus tard Ruf ?

"Oui !"
Et Ruf se remet au travail avec sa prévenance habituelle, sans considération pour la fatigue accumulée. Elle ne sait combien de temps cela a duré mais elle peut enfin s'arrêter, souffler et prendre un verre d'eau l'esprit tranquille. Elle réalise qu'elle a même faim !
"Eir, veux-tu un verre d'eau fraîche ?"

La journée avait été épuisante avec ce subit afflux de blessées. Elle aurait sans doute plus tard des information sur ce qui s'était passé dans le journal. Un verre d'eau pour se rafraichir ? La pilote n'était pas contre. Oui ! Je mangerai bien un morceau et toi ? L'état des patients semblaient a peu près stabilisés pour la plupart. Ils auraient besoin de surveillance attentive et de soins régulier à l'avenir.

Ruf s'aperçoit alors combien elle est affamée tant la suggestion d'Eir agrandit l'appétit qui lui ronge le ventre.
"Nous pouvons manger dans les cuisines de l'hospice, il y a toujours du pain, des œufs durs et des fruits."