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Epreuve 5 - Elysion - Le poids

Anonymous
Loutre
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Epreuve 5 - Elysion - Le poidsDim 18 Avr 2021, 17:44
Beldura
Beldura

Beldura est une Fille du Feu pétrie par la peur, y compris de son propre pouvoir. Elle est longtemps restée anonyme jusqu'à devenir par pur hasard il y a une dizaine d'années, Reine de Minos.  


Elysion


Elysion en quelques mots si jamais ça vous intéresse !:

Comment un entrelacs de métaux et de pierres précieuses pouvait-il à ce point changer une vie ?

Beldura Glow se souvenait de son entrée dans la Grande Salle, dix ans auparavant. C’était la toute première fois qu’elle pénétrait dans le palais de Minos, elle, la petite fleuriste timide, effrayée de tout. Elle avait lentement descendu les majestueux escaliers, en tentant de voir, les yeux écarquillés sous son masque, les moindres détails de ce lieu grandiose, ignorant que bientôt, ce serait sa prison. Timide, discrètement dissimulée dans une robe aux tons jaunes et roses bien moins belle que la plupart des invités présents à cette fête, elle avait écouté le discours de bienvenue. Cependant, plus la salle se remplissait, moins elle était à l’aise, et elle avait vite fini par s’éclipser, allant respirer sur un balcon.
Elle y avait fait la connaissance d’un vieillard, dont elle ignorait qu’il serait encore auprès d’elle aujourd’hui, et d’un homme-lézard, qu’elle n'aurait jamais imaginé devenir celui qu’elle pleurerait. Elle ne savait pas, alors, que dans les étages, on assassinait une femme aux cheveux blonds, on tuait celle que tous les habitants du continent adoraient, on supprimait la Reine.
Il avait fallu à peine le temps d’une partie de cache-cache pour que soudain, tout bascule. Elle avait dû rentrer avec le reste de la foule, et on leur avait annoncé la mort de la Reine, mais aussi la nomination de sa successeuse car c’était ainsi qu'on faisait les choses sur Minos. Sur Minos, continent où rien, jamais n’était mauvais, on tirait au sort une personne sur la liste des minosiens, et il revenait à cette personne la charge de mener tout le continent.
Il fallait l’admettre, lorsque son nom était sorti de la bouche des personnes sur l'estrade, elle ne l'avait pas compris. Pas immédiatement. Elle avait réellement cru à un erreur, mais c’est quand soudain des bras l’ont aggrippée, poussée, soulevée, portée, hissée, et qu’une ovation s'était faite entendre qu’elle avait compris que ce n’était pas une erreur, et que, plus jamais, elle n’aurait le droit à l’erreur. Et elle n’avait que seize ans.

Comment un entrelacs de métaux et de pierres précieuses pouvait-il si facilement passer d’une tête à une autre ?

Le jour de son sacre avait été une incroyable fête. On avait afflué de partout, pour voir une jeune fille se faire couronner et soudain porter un continent sur ses épaules. Elle avait peur ce jour-là, comme tous les autres jours de sa vie. La présence de la foule, son amour, n’avait jamais suffi à la rassurer. Pourtant, elle avait déjà, près d’elle, ses deux inébranlables conseillers, et l’homme-lézard, devenu son garde du corps, son ombre.
Lorsque sur sa chevelure rousse on avait déposé la couronne d’or blanc rose et jaune mêlés où étaient serties les plus précieuses des pierres, elle avait eu l’étrange sensation qu’on l’emprisonnait. Malgré la robe sublime, malgré les cris de joie de la foule, malgré les acclamations, et les sourires, elle avait marché comme une condamnée, prononcé son discours comme on articulerait ses derniers mots.

Comment un entrelacs de métaux et de pierres précieuses pouvait-il peser si lourd ?

Des mois durant, elle n’était pas parvenue à se défaire de cette sensation: ce jour serait le dernier. Tout le palais s'était adapté pour elle, s’était adapté à elle. Le feu, par exemple, qui lui faisait si peur, avait été banni. On faisait attention à faire toujours un peu de bruit quand on se déplaçait, afin de ne pas la surprendre, de ne pas l’effrayer. On lui parlait avec gentillesse, on écoutait son avis. Mais elle ne se sentait pas à sa place, elle se sentait mal, elle voulait fuir, sans pour autant parvenir à se résigner à laisser ce fardeau à une autre qui en souffrirait autant qu’elle.
Il lui avait fallu trois années complètes pour qu’enfin, pour la première fois, elle ait la sensation d’être Reine. Il avait fallu que deux continents se déclarent la guerre, et qu’elle décide que non seulement son territoire resterait neutre mais qu’il deviendrait terre d’asile pour tous ceux qui refusaient de s’engager dans ce qui serait un charnier pour qu’elle prenne pleinement conscience de ce qu’elle était, de ce qu'elle représentait. Pour qu’elle l’accepte, et le porte.

Comment un entrelacs de métaux et de pierres précieuses pouvait-il donner tant de pouvoir ?

Puis, elle avait rencontré un homme, et cet homme avait tout bouleversé. Il avait commencé par la terroriser, l’effrayer, puis, sans se l'expliquer, elle était tombée amoureuse de celui qui semblait être le seul à pouvoir lui offrir une porte de sortie. Elle n’avait pas pris en compte le fait que pour accéder à elle, il avait tué des hommes, il avait blessé son garde du corps. Pendant un instant, Beldura Glow avait été égoïste, et s’était laissée, pour la première fois, tomber amoureuse.
Cependant, peu à peu, les choses avaient basculé. Celui qu’elle voyait comme sa porte de sortie s’était retrouvé piégé dans son monde. Il avait emménagé au Palais, faisant fuir son unique ami, l’homme-lézard qui l'accompagnait depuis sa nomination. Lorsque celui-ci était revenu d’un long voyage, c’était pour lui annoncer une terrible nouvelle.
Jusqu’à la fin, Beldura l’avait accompagné, aimé. Jusqu’à la toute fin, elle avait espéré que le sort s’inverserait, qu’il resterait à ses côtés. Mais il était mort, et son cœur s’était brisé alors que son unique ami se transformait en souvenir. Il n’y avait plus personne pour combattre à sa place ce qui l'effrayait tant, plus personne pour faire disparaître les problèmes avant qu’ils n’apparaissent, plus personne pour lui tenir la main sur le chemin sur lequel elle évoluait.
Cette épreuve l’avait changée à jamais, mais sous la couronne, rien ne se voyait, alors elle avait continué. Continué à vivre, à régner. Continuer à être scrutée, à être aimée par des inconnus, par une foule anonyme. A être aimée, aussi par son aimé, qui avait fini par demander sa main.
C’était un rayon de soleil dans sa vie. Cela lui avait permis, quelques mois durant, non pas d’oublier sa douleur, mais de l'apaiser. De se persuader d’avancer. Mais soudain, la lumière s’était éteinte. Une nouvelle menace avait jailli, plus noire que toutes les autres, plus inquiétante que n’importe quoi. L’Ombre était sortie de son sommeil, et il fallait l'empêcher de tout détruire, de tout posséder. Terrorisée, elle s’était vouée toute entière à une seule cause: protéger les elysionniens, faire que jamais les ténèbres n’enfouissent leur monde sous une nuit éternelle.
Sous le joug de la couronne, sous la tyrannie du rôle, elle en avait peut-être négligé d’être femme et avait oublié que des fiançailles n’étaient pas gage d’amour infini. Il n'avait fallu que quelques mois après sa demande pour qu’il ne s’en aille, effrayé soudain par le poids de la couronne qu'il lui faudrait lui aussi porter. La nuit l'avait engloutie, et elle n’avait pas été capable de lui en vouloir alors que c’était tout son être qui se réduisait en miettes. Elle s’était lentement laissée disparaître dans son absence, regrettant le poids écrasant que le bijou maudit faisait peser sur sa vie, pensant soudain, pour la première fois de manière sérieuse, à abandonner. A redevenir une citoyenne normale. Pourtant, elle en était incapable.
Quelle reine serait-elle si elle abandonnait les siens au pire moment, allant se cacher pour panser ses plaies ? Quelle humain serait-elle si, au moment où on comptait sur elle, au moment où le plus grand péril se présentait, elle préférait se retirer, redevenir anonyme ?

Comment un entrelacs de métaux et de pierres précieuses si convoité par certains pouvait-il apporter tant de malheur à ceux qui le possédaient ?

Peu à peu, derrière la couronne, derrière le trône, derrière le sceptre, Beldura Glow avait fini par disparaître dans le rôle qui lui avait volé sa vie. Elle n’était que Reine de Minos.

Comment un entrelacs de métaux et de pierres précieuses pouvait-il à ce point changer une vie ?