- A lire avant:
Leif provient du nano-monde Zombieland qui se déroule en Norvège après une Apocalypse zombie. Lui est un Islando-norvégien qui travaillait comme instituteur et guide touristique de randonnées équestres pendant les vacances. Il est claustrophobe.
C'est également un médium qui pense être en contact avec le Huldufόlk = "le peuple caché" (elfe, nain, troll, géant, huldre, nisse, etc). Dans ce texte n'apparaît que son elfe de maison, Lítill, qui fait le voyage dans sa poche. Petite précision : Leif ne voit pas vraiment ces êtres, ses croyances déforment ses perceptions. Il est aussi un néo-païen qui vénère Thor, Odin et Freyja.
Quand l'Apocalyspe zombie s'est déclenchée, Leif était en Islande mais il a rapidement mis les voiles vers Trondheim en Norvège pour essayer de retrouver sa famille. Ce texte se déroule donc en flashback du contexte actuel du nano-monde (en 2072), lorsqu'il a passé l'hiver 2070-2071 à Trondheim.
Il est accompagné d'un cheval islandais nommé Krákagrár. Cette race ancienne et rustique possède cinq allures : pas, trot, galope, ample et tölt. Le tölt notamment aide beaucoup Leif car c'est une allure rapide et endurante.
L'histoire ci-dessous tourne autour de Puffífl, un macareux moine que Leif a récupéré oisillon. Son nom est un mélange entre l'anglais puffin (macareux) et l'islandais fífl (idiot).
Bonne lecture !
Leif jette un regard blasé autour de lui. Tout semble
normal. Et c’est bien là le problème ! C’est hallucinant, ce calme ! Putain… Il y a des ZOMBIES qui popent un peu partout dans le monde ! Leif est certain d’une chose : il ne compte pas rester sur une île alors que les morts semblent décider à se relever, soit-elle son Islande bien-aimée.
Sa poche gigote soudainement. Le petit Lítill doit être effrayé par le monde extérieur. Que son elfe de maison ait volontairement quitté sa demeure est un signe des plus mauvais ! Leif n’en désespère que plus de l’apparent calme. Mais Lítill ne l’a pas arrêté pour ces considérations : à deux pas sur sa gauche, un minuscule macareux piaille en ouvrant grand le bec.
Leif hausse un autre sourcil intrigué. L’oisillon est seul et semble affamé. Il ne comprend pas non plus ce qu’il fait si près de la route et hors de son nid. Ou tout simplement là si tôt dans l’année. On n’est qu’en mai, merde. Les macareux moines nichent principalement en juin. Un autre signe de dégager, sans doute…
Le signe est toujours là le lendemain. Leif est venu en avance par crainte que Krákagrár soit intimidé par le bateau mais la chose a été pliée en deux-trois mouvements. Il a donc un peu de temps libre… et voilà, le signe. Encore là. L’oisillon n’a pas bougé de sa place et piaille toujours autant.
« Tu vas attirer des prédateurs. » lui dit distraitement Leif en se baissant à sa taille.
« Je te mangerai même si tu étais plus gros, tu sais. » Plus loin, un corbeau se pose sur une branche et croasse.
Une fois. Deux fois. Trois fois.
Leif frissonne involontairement, subjugué par l’intelligence de cet œil noir, et de ce double signe qui lui est adressé. Le corbeau n’a pas peur de lui, il aurait très bien pu planer jusqu’à l’oisillon et l’embarquer dans son bec sans qu’il ne puisse rien y faire. Mais non, il le regarde fixement, lui, Leif, pas la proie. Et croasse encore,
trois putain de fois.
L’Islandais déglutit en baissant le regard sur le pauvre oisillon qui s’égosille toujours, inconscient du danger, ou de la croisée des chemins sur laquelle il se trouve.
« Remercie Óðinn d’avoir envoyé son corbeau… » marmonne-t-il en ramassant délicatement l’animal qu’il installe dans un mouchoir en tissu avant d’aller acheter des petits poissons pour le nourrir.
Comme s’il n’a déjà pas suffisamment à faire avec une apocalypse zombie !
Et comme il l’a entrevu, l’oisillon est un cauchemar à pattes. Il ne fait que crier... TOUT LE TEMPS ! Sauf quand il avale un bout de poisson – prémâché en plus, merde… - et défèque cet horrible sac fécal après chaque repas. Dès que ses affaires sont conclues, la ritournelle recommence. Leif est tenté plus d’une fois de le balancer à la mer mais l’imbécile roucoule dès qu’il lui jette un regard noir.
« Je te boufferai quand tu seras à la bonne taille, tu ne perds rien pour attendre ! » lui balance-t-il, sentant sa résolution faiblir à chaque réitération.
Pourtant…
pourtant ! Il en aurait des arguments pour se débarrasser de cette bestiole encombrante, inutile et surtout
bruyante. Car Trondheim est bien plus avancée dans le cauchemar que Reykjavik. Pas un chat dans les rues, sauf ce qui est mort et avide de chair fraîche. Le quotidien de Leif se résume vite à courir, encore et encore, courir pour sauver sa vie ! Pas un signe de sa famille dans ce foutoir par-dessus le marché. Il ne peut que remercier Freyja, Þórr et Óðinn pour avoir mis le fidèle et courageux Krákagrár sur sa route. Son cheval lui sauve la vie plus d’une fois. Mais…
Kowaaaaa-kooo-waaaa !! L’oisillon ne sait que piailler !
« Je vais te croquer là, tout de suite, si tu ne la fermes pas. » chuchote-t-il vivement la première fois que le macareux craille alors qu’ils se cachent d’un groupe de morts-vivants. Mais il hurle toujours combien il a faim. Plus qu’agacé, Leif rabat le pan de la sacoche dans laquelle il traîne la bestiole pour espérer étouffer le bruit. Rien à faire, les zombards rappliquent vers eux.
« Merde ! » jure l’Islandais en quittant sa cachette d’un bond pour rejoindre la sécurité de la selle de Krákagrár dont le tölt les amène au loin. Mais…
Kowaaaaa-kooo-waaaa !!« La ferme, Puffífl ! » Et le voilà perdu, à la merci de son cœur trop tendre : l’oiseau vient d’obtenir un nom. Rien de bien glorieux, un nom à la hauteur de son imbécilité, mais un nom porteur d’identité… il ne pourra plus le manger maintenant. Foutu de chez foutu !
Puffífl semble bien l’avoir compris. Il prend des aises de seigneur dans la cabane isolée du grand-père que Leif a trouvé pour se protéger de l’hiver, et des zombards qui se concentrent dans le centre-ville. Il grossit et s’emplume en le suivant partout avec le bec grand ouvert.
« J’ai un creux de poulet… » dit-il à chaque fois qu’il trébuche sur cette ombre encombrante. Mais même Lítill fait vrombir sa poche de son rire. Alors en désespoir de cause, vu que personne ne le prend au sérieux, et qu’il est bien temps de lui faire quitter le nid, Leif balance l’oiseau d’une falaise.
…
…
« Oh… tu es revenu, merde. » dit-il simplement quand Puffífl caquette joyeusement en voletant vers lui. Et si on dirait que son visage s’étire d’un sourire, c’est simplement que les jours raccourcissent et que le crépuscule attarde ses ombres sur lui !
« Peut-être que je serai débarrassé de toi au printemps. » S’il arrive à survivre tout l’hiver à ses jérémiades… et surtout l’odeur infecte de ses crottes !
La première fois qu’il se fait asperger par l’oiseau qui squatte son épaule, Leif se fige un bon moment, indifférent aux caquètements joyeux du macareux et à l’agitation de sa poche. La minute suivante, il explose en de grands mouvements de bras en hurlant des malédictions à l’oiseau qui volette de partout en caguant de plus belle. Quand il réussit enfin à le mettre dehors, un bon quart de la cabane a été repeinte.
« Je vais le tuer… et le manger. Pour de bon, cette fois. » marmonne Leif qui a fini couché sur son lit, un bras sur le yeux, un autre pinçant son nez.
Et si la cabane est trop silencieuse les heures qui suivent, c’est une aubaine. Pas du tout angoissant.
« C’est une nuisance. » Même pas un murmure de vent ne lui répond.
« Il n’est pas même pas bon à être mangé. » Lítill l’ignore toujours, et il n’y a plus de macareux pour envahir le silence de ses facéties.
« Regarde le bordel qu’il a mis ! » insiste Leif en bondissant sur ses pieds pour nettoyer, soudainement incapable de soutenir l’odeur pestilentielle. Tant qu’il s’acharne avec son balai et ses lavettes, le sentiment de solitude s’égare aux confins de son esprit. C’est autre chose une fois qu’il a fini.
La nuit est tombée entre temps. Leif s’installe à la fenêtre mais même les étoiles se détournent de lui derrière un voile de nuages. La solitude l’écrase comme quatre pans de mur qui se rapprochent de plus en plus. Il bondit sur ses pieds, une main sur son cœur qui s’est emballé de terreur.
« Il doit apprendre à se retenir. » chuchote-t-il. Cette fois, sa poche s’agite, lui tirant un maigre sourire.
« Qu’il en soit ainsi ! » Déterminé, il va ouvrir la porte à la volée… sur rien. Un peu plus loin, Krákagrár lève la tête en agitant les oreilles puis se remet à brouter.
« Puffífl ? » Mais seul le silence lui répond, une nouvelle fois, et Leif n’ose pas hurler ; les zombards ne sont jamais trop loin.
« Moins de cinq heures et il m’abandonne, cet ingrat. » maugrée-t-il en retournant dans la cabane. Malgré l’air froid, il laisse la porte ouverte, qu’il zieute toutes les demi-minutes. Pas l’ombre noire et blanche d’un macareux, ou l’éclair du masque coloré de son bec. Leif soupire en enfilant son pull de laine islandaise, un maigre réconfort à sa solitude.
« Je vais dormir avec Krákagrár. » lance-t-il à la cantonade, mais il n’y a personne pour l’écouter. En tout cas, Lítill ne réagit pas. En soufflant, Leif récupère une couverture et rejoint son étalon dans l’étable, se lovant contre son ventre chaud au cœur chaleureux.
…
…
Kowaaaaa-kooo-waaaa !!Le hurlement dans ses oreilles le fait bondir et il se tape la tête contre le sol alors que Krákagrár saute sur ses jambes en piaffant de surprise. Mais ce n’est que ce bon vieil imbécile de Puffífl qui s’installe mine de rien sur son pull.
« Si tu cagues sur celui-ci, aucun pardon ne sera possible. » le prévient sévèrement Leif qui tend la main pour caresser les plumes humides de l’oiseau. Il est donc simplement parti pêcher. Quel film s’est-il mis dans la tête !
« Tu as bien bouleversé ma vie, hein. Pire que les zombards, imbécile d’oiseau. » Puffífl lui picore la joue pour seule réponse, et c’est sa faute s’il sourit, il lui étire la peau !