Contexte de KHS:

-  Sensibilisée par la discussion dans le flood, je n'ai pas mis le texte en justifié pour des raisons d'accessibilité. Si comme moi, vous êtes habitués au justifié, j'espère que cela ne dérangera pas votre lecture  

- Lexique :
Shinkansen : système de train à grande vitesse en service au Japon.


La tête contre la vitre du Shinkansen, j’essaye de ne pas stresser. Ma première vraie compétition nationale, c’est aujourd’hui ! Je me suis entraînée dur pour en arriver là. J’ai réussi les qualifications. J’ai convaincu maman de m’y inscrire en douce, pour ne pas que papa l’apprenne. Rien ne se mettra en travers de mon rêve ! Nager, c’est ce que je préfère. Je m’agite dans mon siège, et Kazuhiko pose sa main sur la mienne.

Mon ami d’enfance. Je suis tellement soulagée qu’il ait accepté de m’accompagner ! Sans lui, je serais sûrement morte de peur, de faim, de soif. Parce que depuis ce matin, il est aux petits soins. C’est trop adorable ! C’est à cause de ça qu’il se fait parfois embêter, par contre. Comme si l’amitié fille-garçon, ça ne pouvait pas exister ! Pfff ! On passe la fin du trajet à discuter, pour me changer les idées.

Mais cette fois, ça y est ! On est arrivé à Tokyo ! J’ai tellement envie de revenir ici, en vacances pour faire du tourisme ! Je n’ai pas souvent mis les pieds dans la capitale. Une fois arrivé à la piscine olympique, Kazuhiko me laisse pour aller dans les gradins et le stress reprend le dessus. Et si j’ai une crampe ? Et si je n’arrive pas à nager ? Et si je suis dernière ? Je laisse mon sac dans les vestiaires, et je file aux toilettes. Pas glamour, je sais. On fait comme on peut.

Je retourne ensuite aux vestiaires, et on nous demande de nous changer pour nous échauffer. Allez ! Une fois dans l’eau, je suis sûre que j’irais beaucoup mieux comme d’habitude. Il n’y a que quand je nage, que je me sens vraiment bien. L’eau est mon élément. J’ouvre mon sac, à la recherche du maillot de bain, mais … Rien. Il n’est pas là.

- Hein ?

Il n’est pas là. Je commence à fouiller, un peu précipitée. Je finis par sortir toutes mes affaires, une à une mais non, toujours rien. Mon maillot de bain a disparu ! Impossible ! Je suis sûre de l’avoir rangé ! J’ai pris mon préféré pour me porter bonheur. Je n’ai pas pu l’oublier ! Les premières filles sortent des cabines individuelles, alors je leur demande si elles ont vu quelque chose, mais non, rien. Je n’ai le droit qu’à quelques sourires désolés, quelques regards laconiques. Y en a même une qui se moque de moi.

Je les regarde partir une à une pour l'entraînement, complètement paniquée. Comment est-ce que je vais faire ? Le seul moment où je n’ai pas eu mon sac avec moi, c’était quand je suis allée aux toilettes. Quelqu’un n’aurait quand même pas… ? Non ! Ce n’est qu’une compétition amicale, il faudrait être vraiment fourbe … Je connais quelques participantes, pour avoir fait d’autres compétitions ensemble. Des compétitions amicales, inter-lycées. Elles n’auraient pas fait ça !

Je me sens vide. Ce n’est qu’un vêtement, mais sans lui je ne suis rien. Sans lui, je ne peux pas nager. Je ne peux pas réaliser mon rêve. Il faut que je participe, sinon… Les larmes me montent aux yeux et mes mains tremblent. Je sais que je dois trouver une solution, que je ne dois pas pleurer mais… Mon téléphone vibre. Je le cherche dans la pagaille que j’ai mise autour de moi, et je décroche enfin.

- Mitsuki ? Pourquoi tu n’es pas avec les autres ?

- Mon… Mon maillot … Il a… Il … Je …

Kazuhiko me demande de me calmer, et je lui explique tant bien que mal. Il me rassure, en me rappelant que le départ n’est que dans deux heures. Il me dit de continuer à chercher, puis de m’échauffer hors de l’eau, comme pour un footing.

- Tout finira par s’arranger, d’accord ? Fais-moi confiance.

Et il raccroche. Je me tape sur les joues, pour me redonner un regain de courage et d’énergie. Pleurer ne changera rien. Je ne sais pas ce que Kazuhiko a prévu, mais je lui fais confiance ! Une femme chargée de l’organisation passe dans les vestiaires et me demande ce que je fais là. Elle cherche un peu avec moi, compatissante puis me conseille d’aller voir les autres organisateurs, ce que je fais.

Avec eux… C’est la douche froide. Ils se moquent de moi. Ils ne me croient pas, et pensent que tout est de ma faute. Ben voyons. Je suis venue jusqu’à Tokyo, pour causer des problèmes et ne pas pouvoir participer, c’est logique ! Ils m’énervent tellement ! Pourquoi les adultes ne nous prennent jamais au sérieux ?

Ça me fait penser à mon père. Si je veux à tout prix être sur le podium, c’est à cause de lui. Moi à la base, j’aime juste nager. Que je gagne ou perde, tant que je peux continuer ça me va. Mais mon père, lui, ne voit que les résultats. Il a déjà prévu une vie toute tracée pour moi… Alors, si je ne lui prouve pas que mon rêve est réalisable, jamais il ne me laissera essayer !

L’heure tourne, et je finis par aller m’acheter une canette de thé glacé au distributeur pour me remonter le moral. C’est quand je la jette dans la poubelle proche de notre vestiaire que je reste interdite. MON MAILLOT DE BAIN ! ET IL EST DÉCOUPÉ AU NIVEAU DES BRETELLES ! Les larmes coulent de nouveau sur mes joues. Ok, je ne suis pas folle. Je ne l’ai pas oublié ! Par contre, il y a bien quelqu’un qui est déterminé à saboter mon rêve, et ma nage ! Il faut vraiment être ignoble pour faire ça !

J’ai retrouvé mon maillot de bain, mais finalement il est tout de même perdu. Je ne peux pas lui redonner son état initial. Il ne sera plus jamais le même. Maintenant, il est complètement inutile. Je me laisse tomber au sol, dos contre le mur. Je ne vois pas comment je peux continuer à garder espoir comme ça. D’ailleurs… Il est où Kazuhiko ? Je ne sais pas combien de temps je passe, assise là dans le couloir. La gentille organisatrice revient me voir, et je lui montre mon maillot de bain.

Elle est désolée pour moi, bien sûr. POURQUOI DANS UNE PISCINE OLYMPIQUE ILS NE VENDENT PAS DES MAILLOTS D’AILLEURS ? C’est complètement illogique ! Oui, bon… Les gens sont censés venir avec, en même temps… Et puis, ils ne pourraient pas y avoir toutes les tailles. Elle me tapote gentiment l’épaule, mais moi je me sens juste vide. Je n’ai envie de rien.

Mon téléphone vibre, et je décroche.

- Tu es où, Mitsuki ?

- De… Devant les vestiaires !

Mon meilleur ami me raccroche au nez et je me relève, intriguée. Je le vois venir vers moi en courant. Il a les joues rouges, il est essoufflé mais… Il tient dans ses bras un paquet. Il me le colle contre moi, et dit péniblement :

- ‘péche toi. Change toi !

- Hm ?

J’’ouvre le petit paquet et la… WOW ! Un maillot de bain ! Il a couru comme ça pour m’en trouver un ? Les larmes aux yeux, de joie cette fois, je lui saute au cou. Il est tout transpirant, mais je m’en fiche. C’est mon héros !

- Merci Kazuhiko !!

Il est gêné par cette effusion sentimentale, surtout devant l’organisatrice, mais moi je m’en fiche. Je leur fais un grand sourire et je pars me changer. J’ai à peine le temps de m’échauffer, mais cela fera bien l’affaire. Je vais pouvoir nager. C’est tout ce qui compte.

C’est l’heure. Je monte sur le petit plongeoir, j’ajuste mes lunettes et je vérifie que mes cheveux sont bien dans mon bonnet. J’inspire profondément et me mets en position, guettant le départ. J’ai peut-être perdu mon maillot de bain favori à tout jamais, mais celui qui le remplace est tout ce dont j’ai besoin à présent.

Tant que les gens que j’aime m’aiment en retour, tant qu’on prend mutuellement soin les uns des autres, alors je ne crains rien.

Je regarde l’eau avec envie, prête à y plonger. Un jour on m’a demandé ce qu’était la natation pour moi …

Dans l’eau, je me sens bien. Peut être que c’est l’habitude, mais même enfant j’adorais être dans l’eau. Pour moi, c’est doux et rassurant. Que ce soit le chlore ou l’iode, le calme plat ou les vagues, j’adore cette sensation lorsque mes doigts m’ouvrent un chemin et que l’eau glisse contre moi.

Le top départ. Je plonge, prête à tout donner.