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Épreuve 6 - Elysion

Le Marionnettiste
Le Marionnettiste
Le Marionnettiste
Messages : 302
OnlineEn ligne
Épreuve 6 - ElysionSam 17 Avr 2021, 23:02

Epreuve 6 : Solo



Il y a ces choses qu'on prend pour acquises. On ne se rend pas compte de leur importance jusqu'à ce qu'on les perde. Devine quoi What a Face Tu viens de les perdre !

Ex. : "les contacts sociaux"
Ex. : "ta feuille de triche juste avant l'examen"
Ex. : "des tampons quand t'es habillée en blanc"

Bref, on en a fait une généralité. Maintenant c'est ton problème !



« Les ramens me manquent »



Date : Du dimanche 18 à 00:01 au dimanche 18 avril à 23:59 (heure française)
Participant : Elysion

Rappelle du solo : Tu écriras un texte de 1500 mots maximum en rapport avec le thème proposé.


Infos pratiques
• Si tu le juges nécessaire pour la compréhension de ton texte, tu peux poster une petite introduction de ton forum et/ou de ton personnage en spoiler en haut de ton post. Il ne comptera pas dans le total des mots maximum du message  mustachelli

• Fais très très très très très très très très très très (c'est fini?) très très très (non pas encore) très attention si tu utilises des codes de mise-en-page. NRP est un peu beaucoup ultra codé et très sensible aux balises mal fermées ou aux fautes de frappe dans ton code. Ca veut dire que tu peux casser le forum complet avec juste une balise de travers. Vu qu'en tant qu'invité tu ne peux pas éditer ton message, ça peut être très gênant. Tu peux cependant tester le fonctionnement de ton code dans le sujet test.

Si tu t'y connais pas en code ou que tu te contentes de faire un copier-coller d'un code de quelqu'un que tu ne connais pas, évite peut-être de l'utiliser sur cette édition Caillou



• Heureusement, kami-sama est gentille et a intégré un code préfait pour te permettre d'utiliser ton avatar et ton pseudo sur le forum, même en tant qu'invité :

Code:
<div class="profil-interfo"><img class="avatar-interfo" src="LIEN AVATAR" alt="TON PSEUDO" />
<span class="pseudo-interfo">TON PSEUDO</span>
<p class="bio-interfo scrollbar scrollbg-chim">TA BIO (facultatif)</p>
<span class="forum-interfo">TON FORUM</span></div>

• D'autres questions ? Viens les poser dans la foire aux questions, Jean-François !
Anonymous
Melkus
OnlineEn ligne
Les ramens me manquentDim 18 Avr 2021, 19:30
Melkus
Melkus

Melkus est un vieil homme qui a eu une vie bien remplie. Il passe son enfance avec ses parents pêcheurs. Décédés précocement, il laisse Melkus à un oncle jardinier vivant sur le domaine d'une famille noble. Il s'éprend de la jeune duchesse. Econduit, il est marin pendant des années, avant de rencontrer tardivement Elsa, de s'installer avec elle et d'avoir Anna. Elsa décède quand Anna est encore petite puis vingt ans plus tard, Anna quitte l'ile où ils vivaient pour le continent. Melkus désormais seul, tient le coup mais se rend compte du poids des années.


Elysion


Les ramens me manquent

Je suis dans mon berceau. Papa et maman sont dans la cuisine. Il est encore tôt, mais le plat est long à préparer. Mon berceau est entre la cheminée et la table à manger. Papa me surveille du coin de l’œil. Maman passe à côté de moi et pose une marmite dans l’âtre. Elle est pleine d’eau. Il faut attendre que ça bouille avant de mettre les nouilles de blé. Pour que ce soit plus rapide, maman nourrit les flammes avec du bois et de l’air. Elle enferme ensuite la chaleur sous un couvercle. L’odeur du bois brûlé m’entoure et me réconforte tandis que je me tourne dans ma couverture. Depuis le plan de travail, les senteurs de bœuf me montent au nez. Papa frappe avec son couteau pour faire de petits morceaux. Il tranche si fort et si vite qu’il pourrait presque faire des étincelles. Les tranches prêtes, il les fait glisser sur la poêle qui crépite. Les braises se gondolent au rythme de la viande qui s’imprègne lentement de fumée et d’épices. Ces fragrances fortes et piquantes mordillent mon nez et je sens mon visage rougir et se plisser. Papa a anticipé la catastrophe et ses mains bouillottes aux arômes de graisse m’éloigne des fourneaux. J’ai perçu le roussi, mais mon obstination demeure. Je me contorsionne et m’échauffe la peau pour fuir mes attaches. Redressé, j’observe maman pencher la marmite et remuer les ramens. Elle y ajoute du sel et je renifle les chauds effluves de pâtes. Tout est à sa place, tout est en ordre. L’aube printanière nous recouvre bienveillante, papa et maman miment le bruit du volcan en faisant trembler le « chapeau » de la marmite et je claque dans mes mains pour débuter l’éruption. Je suis heureux.

J’ai seize ans. Lisbeth, duchesse de ces champs et de mon cœur me devance. Je suis l’apprenti du jardinier et j’ai plusieurs plantes à récupérer pour le repas du midi. Cette fin de printemps livre ses dernières pluies et le terrain est un vrai bourbier. Elle s’en moque et botte avec joie dans toutes les mottes de terre plus ou moins molles qui croisent sa course folle. Je saisis le tissu rêche de son chemisier « canaille » puis mes paumes agrippent sa taille et la replace derrière moi. Si jamais, elle s’écorche, se cabosse, se tord et plus s’esquinte d’une quelconque façon, je sais déjà qui se fera tanner le cuir. Je lui relis la liste. Des oignons, de la coriandre, du chou, des échalotes et du gingembre. Mieux vaut être précis avant qu’elle ne gratte la terre n’importe où, s’érafle les ongles ou couvre ses tifs de touffes d’herbes mauvaises ou aromatiques. Elle a une santé fragile et ne sort que rarement, le moindre extérieur devient vite pour elle un rêve bucolique, une pause pastorale. Je suis son modeste berger et toute la finesse de mon œuvre réside dans le fait de ne pas faire éclater cette bulle d’air, tout en évitant qu’elle ne le fasse elle-même. Notre mission remplie, je veux retourner au manoir pour aider à la préparation du déjeuner. Sa bouche frôle mon lobe et comme toujours, elle malaxe entre ses doigts et fait de moi ce qu’elle souhaite. Couché dans l’herbe, caché de tous, elle me chatouille, me câline et m’enlace tandis que je resserre sur elle, sa veste lourde, mais duveteuse et chaude. Je ne désirerais être à aucun autre endroit. La cueillette pour les ramens est mon moment favori de l’année. Lové dans ses bras, il n’y a plus qu’elle et moi.

Le vent siffle et fait claquer les voiles. C’est mon anniversaire alors, peu importe les intempéries, le grabuge atmosphérique ou les concertos aériens, la tradition doit être respectée. Celui qui prend un an est chargé de restaurer le groupe ! Il faut quelque chose de consistant pour redonner les forces de tout le monde. Ne pas lésiner sur les calories, ce sont déjà tous des oiseaux bien gras qui parviennent pourtant encore à voler et à piailler. Dans le cagibi cuisine, je fais tinter les cuivres, bruire mes préparations, tandis que je m’attaque à la chansonnette la plus sous-estimée et délicate : les sauces. J’entends les gars chanter sur le pont malgré les bourrasques et les ruades des fils de tempête. Leurs ventres glougloutent d’ici alors je glouglou d’autant plus dans le chaudron. Je veux un tintamarre harmonieux et que mes gaillards me composent des opéras complets avec leurs tripes tous vents dehors. Le navire chancelle, les dieux nous flatulent dessus avec bien trop de passion. Je rajoute de la sauce au rythme de l’anémomètre, car je sens crisser les mécaniques de mes frères malmenés par tout un orchestre de flûtes. Cuisinier dans ses conditions, reviens presque à danser des claquettes tant je suis balancé de droite à gauche. Mais tout succès se mérite alors je retrousse mes manches. On imagine le chef d’un bateau en artiste solitaire et oui celui qui prend le rôle doit l’assumer seul, faute de place et de temps. Ce n’est pas vrai. Sa respiration et son tempo suivent la même direction que ceux des autres. Le clairon annonce la mi-journée et le petit peuple des mers compte sur moi. Je fais résonner la louche d’orchestre et autour de ces ramens, on se redit encore à quel point on en chie et on s’aime.

Plus tout jeune, c’est certain. Elsa et Anna adorent passer leurs mains sur mon crâne presque chauve, tout en parcourant les rivières de mes rides. Fallait pas te mettre avec un vieux que je réponds à la première. Pour la seconde, je dessine une vaguelette ronde et d’azur et lui envoie sur les pieds. Elle me regarde du haut de ses un an d’un air sévère et n’apprécie pas mon mécontentement. Nous sommes sur la plage devant la maison. Je suis proche d’où je vivais enfant. On ne distingue plus le chemin qui y mène avec la nuit qui commence déjà à tomber. Les jours raccourcissent avec l’automne et bientôt Elsa « éveillera » Anna à l’art avec des feuilles de mille couleurs et formes. Pour l’heure, loin des ambitions esthétiques, notre fille fixe les reflets dorés qu’impriment les flammes sur le métal du récipient. Je la prends dans mes bras et lui montre toutes les nuances d’aspect que revêt un simple bouillon. Pas si facile se plaint Elsa qui ne parvient toujours pas à s’approprier cette formule familiale que j’essaie en vain de lui apprendre. Garde tes secrets souffle-t-elle boudeuse en se drapant, façon duchesse, dans son voile. Je la tire vers moi et l’emmène barboter au bord avec Anna. L’eau observe en prédateur un instant nos pieds puis attaque. Attention, elle t’épie… Hop esquive la vague ! Elles rient de bon cœur à mon numéro de clown nautique. On patauge et on se tisse des sandales d’écumes des plus chics. Comme l’océan, on se retire ensuite de manière raisonnable. Je fais clapoter le dîner. Elsa s’agace, ce n’est pas un bon exemple. Je tsunamise son bol et reçois une déferlante de baffes. La petite s’agite en mastiquant ses premiers ramens. Je me noie d’amour.

Elles sont parties. Vieux crabe sur mon rocher, je ne bouge plus. Il fait froid dans l’obscurité de l’hiver et mon corps ne va pas apprécier. Je m’en moque. Je n’ai pas envie de me lever. Des gouttelettes salées s’écrasent sur mes lèvres. Le sel marin n’a pas de goût. Plus grand-chose n’en a. On n’y voit pas à un mètre. Ce ne sera pas évident de revenir sans tomber dans un trou. Ce serait d’ailleurs risqué à plusieurs titres. En plus des fractures, il faut songer tout bonnement à la noyade. Quelles saveurs ont les tréfonds ? Les abysses sont-ils pour les becs sucrés ou salés ? Je ricane. Arrête de te lamenter vieille bête. Si, tu avais l’eau à la bouche pour le royaume des ombres, cela ferait longtemps que tu y serais. Je redresse ma carcasse et avec prudence, je prends le chemin inverse. En aveugle, je retrouve ma route dans les ténèbres. Tout ne va pas bien non, mais il reste des bouches à nourrir. Près de la maison, mes poules dorment. Elles sont sages. Mon pessimisme m’a ouvert l’appétit et je tâtonne pour voir ce que j'ai. Des œufs. Braves volailles. J’allume, je mets l’eau à chauffer, je souffle pour calmer les tremblements de mes mains, j’ôte la terre des coquilles et je les plonge dans la casserole anthracite. Pourquoi un festin quand vos compagnes préfèrent le maïs ? Je n’ai jamais été un grand mangeur, mais si aucun plat ne peut remplir le vide, je crois que la cuisine était tout de même un bel outil. Il n’y a plus de nouilles, de sauces, d’oignons, de coriandre, de gingembre, de chou, d’échalotes, de bœuf, de bouillon… il reste les œufs, petits soleils… Les ramens me manquent et me rappellent que le temps passe.