Contexte:

Tu n’avais pas pris le temps d’aller en acheter. Tu as failli demander à ta femme de t’en prendre pendant qu’elle faisait les courses hier, mais tu sais qu’elle t’aurait acheté de la mauvaise qualité et que ça t’aurait donné des boutons. Tu trouvais déjà tes taches de rousseur répugnantes, alors des boutons, tu n’y pensais pas. Quelle horreur.

Mais peut-être aurait-il mieux fallu avoir des produits de mauvaise qualité que pas de produits du tout. Car tu te retrouvais sans maquillage, désormais. C’était bien la première fois que ça t'arrivait, tu es quelqu’un d’ordonné, tu faisais toujours attention au stock qui te restait.

Sauf qu’en ce moment, tu es fatigué. Tu es un acharné de travail, les examens approchent et tu ne veux pas les rater, même si tu dois y laisser ta santé, visiblement. C’est fatigué que tu t’étais levé et comme à ton habitude, tu avais été dans la salle de bain pour te maquiller, mais il ne t’en restait plus. Les bras de part et d’autre du lavabo, tu te regardais dans la glace. Tu ne sais pas si tu dois être triste ou en colère contre toi-même. Mais une chose est sûre, aujourd’hui, tu te dégoûtes. Tu observes ton teint cireux, tes cernes, qui ont plus la taille de porte-avion à présent, sont plus marquées que jamais et tes taches de rousseur semblent te faire des doigts d’honneur, trônant fièrement sur ton front et tes joues. Tu les détestes et c’est probablement réciproque. Au moins, tu as tes lentilles vertes, ça te console au moins un peu.

Tu finis par t’arracher à ton reflet et tu te diriges dans la cuisine une fois habillé pour prendre ton café du matin. Sur le chemin, tu t’étais répété la même phrase en boucle comme une incantation. Tu es beau, même sans maquillage. Tu t’installes à la cuisine pour siroter ton café du matin, tu ne tournes qu’à ça en ce moment. D’ailleurs, tu dois probablement uriner du café noir sans sucre, tellement tu en avales.

Le doux miaulement de Narcisse attire ton attention. Madame est assise dans la cuisine, à tes pieds, et te demande des caresses. Que tu lui donnes volontiers. Tu la prends même dans tes bras quand tu as fini ton café pour la brosser. Si toi, tu ne peux pas être au summum de ta beauté aujourd’hui, il y en aura au moins une qui le sera.

Puis, après sa séance de brossage, Narcisse s’en va pour revenir avec son harnais et sa laisse en gueule. Elle veut sortir, mais toi pas. Ta Laperm ne faisait pas ça avant. Elle sortait quand toi, tu le voulais, pas l’inverse. Au fond de toi, tu es persuadé que c’est Honoka qui lui a appris ça. Depuis ton mariage, cette femme avait une mauvaise influence sur ton chat qui semblait avoir perdu en douceur. De caractère, pas de pelage. Tu t’arrangeais toujours pour qu’elle ait un poil doux.

Mais bon, comme tu ne peux rien refuser à Narcisse, tu lui mets son petit harnais, sa laisse, tu la prends sous le bras et tu quittes l’appartement, caressant ton chat. Tu espères ne croiser personne avec ta tête. Mais bon, tu vis au cinquième étage sans ascenseur, tu vas forcément croiser quelqu’un. Comme ton voisin du dessous, que tu croises tous les jours quand tu sors Narcisse. Il ne te loupe pas et te salue. Des propriétaires qui promènent leur chat, il n’y en a pas cinquante dans l’immeuble. Il n’y a que toi. Et aujourd’hui, il semble te fixer avec insistance.

- Quoi ? Oswald a une tache sur le front ?
- Bah, c'est-à-dire que vous semblez avoir grise mine. Tout va bien ?
- Connard, va.

De toute façon, tu ne l’aimais pas, c’était un pouilleux. Tu l’avais croisé bourré dans le couloir plus d’une fois, cet ivrogne. Mais en même temps, est-ce une raison pour le saluer de cette manière ? Je ne pense pas. Mal appris, va.

La rue est blindée de monde. Tu te demandes si tu ne vas pas faire un malaise, mais bon ça attirerait l’attention de tout le monde et tu n’es pas maquillé. Ce que tu n’aimes pas ça.

Alors que tu promènes ton chat, tu as l’impression que tous les regards des passants se posent sur toi et surtout ton visage. Tu te diriges vers le parc à quelques minutes à pieds. Il fait beau, il va probablement y avoir encore plus de monde que dans la rue. Et soudain, tu réalises quelque chose. Tu n’as pas cours aujourd’hui, mais tes camarades non plus. Pourvu que tu ne croises personne. Quelle honte, ce serait pour toi s’ils apprenaient que le fier Oswald Nicolson se cache derrière du maquillage pour sauver les apparences. Déjà que tu n’es pas le plus apprécié, alors là, tu serais le roi des moqués, hein ? Ça te fait peur, hein ?

Tu arrives au parc, bondé de monde bien évidemment, et tu poursuis la balade de Narcisse. Puis, en face de toi, un petit garçon te pointe du doigt pour parler à son père, sans forcément entendre ce qu’il dit. Puis, le petit garçon vient en courant vers toi et se plante devant toi en te fixant avec insistance, sans sortir un mot. Tu sais que les jeunes enfants peuvent être bizarres, tu en gardes suffisamment comme ça pour le savoir, mais le petit-là semblait tenir le haut du pavé.

De plus en plus gêné d’être observé ainsi par un gamin, tu commençais à appréhender. Qu’allait-il sortir ? Allait-il hurler haut et fort à tout le monde que tu étais là. Ils savaient bien faire ce genre de choses. Finalement, tu ne voulais pas attendre d’être humilié publiquement par un gamin, alors tu avais voulu t’écarter. Mais finalement, le gamin se mit à parler.

- Le Monsieur promène son chat ! Je peux caresser le chat ?

Tu es complètement pris au dépourvu. Tu as les jambes qui flageolent un peu. Il n’a pas remarqué ton physique disgracieux, donc ? Serait-ce l’aubaine pour toi ? Personne ne remarque tes imperfections, alors ? Pendant que le gamin caresse Narcisse, il te vient finalement une conclusion très simple.

Que je sois maquillé ou pas, le monde continue de tourner. Mais quand même, qu’est-ce que je suis laid sans maquillage.

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