OdelineTombée du ciel un jour, elle n’a aucun souvenir de qui elle était avant, mais a des pouvoirs à part. Parmi eux, elle est dotée d’une connaissance encyclopédique sur le monde entier, y compris l’avant Elysion, lui valant par ses amis le surnom de “Future Déesse du Savoir”. Après avoir construit de rien une vie de famille, elle décide de fonder un orphelinat pour recueillir tous les enfants, et particulièrement ceux dont les parents sont morts à la guerre qui déchire son monde.
Elysion - Elysion en quelques mots, si ça vous intéresse:
En quelques mots, Elysion est la Terre, juste quelques milliers d'années plus tard. Une petite Pangée de plus, une poussée évolutive laissant apparaître la magie et l'abandon d'une partie de la technologie plus tard, le mélange donne une étrange science-fantasy où l'on se permet un peu tout. Les expériences les plus folles sont menées par certains, menant à la création d'êtres inimaginables.
L'Ombre fait partie de ces êtres inimaginables nés d'erreurs magiques, des erreurs qui, pour certains, deviennent le point de départ d'une nouvelle vie. L’Ombre est accompagnée de ses Réprouvés, les Sept: Belphégor, dit Acheron, Lucifer, dit Ulrik, Asmodée dite Eden, Mammon, dit Cyriel, Satan dit Rust, Leviathan dit Eve et enfin, Belzébuth, dite Douceline qui est aussi sa soeur biologique. Les Sept sont ses lieutenants, les plus fidèles de ses fidèles. Les Sept sont ceux qui ont accédé au pouvoir suprême et ceux qui personnifient les ténèbres.
Durant plus d’un siècle, Elysion a lutté contre l’Ombre, et l’Ombre et ses Réprouvés ont été enfermés sur une Lune lointaine. Sauf que voilà, les emprisonnements à perpétuité ça ne va jamais vraiment jusqu'au bout, surtout quand on compte sur la magie. Après plus d’un millénaire à attendre, tous se sont libérés peu à peu, et une nouvelle guerre a déferlé sur Elysion.
Le texte suivant se passe dans le futur d’Elysion, et en est une possibilité. Il se passe dans l’orphelinat d’Odéline. Il fait 1449 mots.
L’air était saturé de l’odeur d’un monde en train de s’éteindre. Loin, très loin, se déroulait encore un combat qui changerait la face du monde.
Tout contre elle, Odéline tenait un enfant, trop jeune encore pour avoir conscience de l’effondrement qui les entourait. Elle lui caressait la tête, en chuchotant, doucement, tendrement, une berceuse, pour lui comme pour les autres orphelins qui peuplaient cette pièce protégée par tant de magie qu’elle en devenait inaltérable.
Chacun savait que si quoique ce soit d’Elysion devait survivre, c’était ici qu’il fallait le cacher. Alors, c’est ce qu’ils avaient fait. Les quelques grands mages toujours vivants s’étaient associés aux légendaires maîtres forge-runes qui peuplaient encore leur monde, et ils avaient créé une capsule inaccessible, protégée. Ils y avaient entreposé du savoir, des livres, et elle, avec les enfants qu'elle recueillait et chérissait depuis des années. Elle devait les protéger. Ils devaient rester vivants.
Lorsque, des décennies plus tôt, elle avait créé cet orphelinat, elle n’aurait jamais cru devenir gardienne de son monde, mémoire de la vie. Ainsi donc, on ne s’était pas trompé en l’appelant “Future Déesse du Savoir”. Un sourire sur les lèvres à cette pensée, elle attrapa près d’elle le livre et la plume. Elle devait écrire, encore, encore, pour que, si jamais elle aussi venait à disparaître, jamais on n’oublie. Là était sa mission: Odéline devait être la mémoire.
C’est lorsque s’ouvrit la porte qu’elle comprit que tout allait basculer, que ce serait bientôt la fin. Une jeune femme entra. Elle paraissait avoir environ son âge, vêtue d’une robe blanche et d’un chaperon rouge . Son regard bleu, absent, balaya la pièce, jusqu’à la trouver, elle, qui venait de se lever.
Douceline.
Oh, évidemment, elle la connaissait. Tout le monde la connaissait. Douceline était la sœur de l’Ombre. Elle était peut-être l’unique part d’humanité du monstre qui, depuis des années, menaçait ce monde. Elle avait permis aux armées des ténèbres de rester en vie alors qu'ils auraient dû mourir. Cent fois elle avait rebattu les cartes. Ses soldats ne périssaient jamais.
Pourtant, lorsqu’elle avait vu ce que son frère faisait subir au monde, elle avait décidé de partir.
Douceline avait trahi, et grâce à elle, l’obscur pourrait être éliminé. Grâce à elle, le monde s'éteindrait, mais ne sombrerait pas dans un chaos sans fin.
Douceline ouvrit la bouche, et Odéline recueillit son témoignage.
“
Je n'ai jamais voulu tout cela. Je n'ai jamais voulu être une Réprouvée. Je voulais juste protéger mon frère. Lui permettre de créer le meilleur des mondes. Mais un monde meilleur ne signifie pas qu’il sera meilleur pour tous: pour certains il sera pire. Il le savait, c’était ce qu’il voulait. Je ne l’avais pas compris.”
Douceline avait livré aux mages le secret pour vaincre l’Ombre, pour faire tomber les Réprouvés, et c’était à des kilomètres de là que l’affrontement avait lieu. Partout le monde brûlait, tombait, s’effondrait. Des races entières avaient été décimées, mais Odéline était là, pour en maintenir la mémoire, pour que jamais on n’oublie.
“
Je ne peux pas sauver ce monde, mais je peux nous sauver. Mon frère n’aura pas Elysion, car d’Elysion il ne restera rien, sauf vous.”
Douceline, elle aussi, à sa façon, venait d’empêcher le monde de disparaître. Ensemble et séparément, comme deux faces d’une seule pièce, elles avaient dansé sur un étroit listel afin que jamais Elysion ne s’éteigne tout à fait.
Douceline avait rempli sa mission. Jusqu’au bout, elle avait porté le monde et lui permettait de renaître. A présent, elle pouvait partir, et alors qu’Odéline fermait la porte derrière, elle s'évanouit dans le néant.
Vaincue.
La pièce entière trembla. L’enfançon toujours dans les bras, elle courut à une fenêtre. Autour, c’était comme s’il n’y avait plus rien. Un champ entier de ruines, de débris. Plus aucune maison n’était là.
Le Palais, au loin, avait perdu son toit, ses tours, et était entièrement léché de flammes. La Reine qui, quelques instant auparavant encore regardait son monde disparaître gisait, désarticulée, loin du regard du monde.
Là où auparavant il y avait la ville puis les plaines, il y avait aujourd’hui un trou béant, une faille immense. Le reste de son continent s’éloignait coupé en deux par la magie de l’obscur.
Odéline le savait: ils avaient vaincu. Les Réprouvés, un à un, avaient été emprisonnés, scellés de nouveau, éparpillés sur la planète. On espérait que jamais ils ne puissent renaître, on espérait briser la permanence du Mal, son retour sans fin, sa corruption inarrêtable.
On avait utilisé le pouvoir de Belphégor pour le tuer, et Belphégor avait succombé.
On avait poussé Lucifer dans ses ultimes retranchements, et Lucifer s’était détruit.
On avait donné à Leviathan plus qu’elle ne pouvait recevoir, et Leviathan avait explosé.
On avait démantelé Satan, et, éparpillé, brisé, Satan avait été vaincu.
On avait réduit Mammon au silence,et Mammon s’était tu à jamais.
On avait contré la puissance d’Asmodée, et Asmodée n’était plus.
On avait convaincu Douceline, et Douceline s’était rendue les sauvant tous.
Alors, et uniquement alors, on avait pu attaquer l’Ombre. Alors, et uniquement alors, l’Ombre était vulnérable. Alors, et uniquement alors, tous avaient uni leurs forces dans un dernier élan et ils avaient anéanti les Ténèbres qui rampaient depuis si longtemps. Puis, eux aussi, ils avaient disparu.
Il n’y avait plus d’obscurité sur Elysion. Il n’y avait plus rien, sur Elysion, et les larmes qui désséchaient ses joues étaient celles que tous les elysionniens n’avaient pu verser avant leur fin. Tous ceux qu’elle avait aimés n’étaient plus. Sa maison n’existait plus, et aucun des lieux dans lesquels elle avait bâti tant de souvenirs ne subsistait. Elle n'aurait même plus le droit à la nostalgie.
La guerre avait tout rasé, tout détruit, tout changé. Même les continents n’étaient plus, l’Ombre avait tout bouleversé alors que sa puissance insondable déferlait sur leur monde.
Il ne lui restait que cette pièce, ces livres, ces enfants. Devant elle, il s’étendait un long futur, une route vide, une page vierge. Elle savait tout, elle connaissait tout du passé, de tous les passés, de toutes les ères. Elle était la seule mémoire qui existait encore, et ce récit, elle devrait le transmettre aux enfants qui près d’elle dormaient.
Elle savait que pour qu'une histoire commence, il fallait qu’une autre s’achève, et que la fin du monde était loin encore, mais c’était son monde qui venait d’arriver à son terme. Sa douleur était immense et infinie, mais elle se relèverait, et elle transmettrait.
Elle savait que l’explosion qui venait de tout raser permettrait à une nouvelle civilisation de jaillir, de construire à son tour. Elle savait aussi que cette civilisation reverrait l’Ombre et ses Réprouvés. On ne se débarrassait jamais d’une telle menace, jamais complètement. Douceline avait été claire: elle avait fini par sauver son frère, par les sauver tous. Odéline n’avait aucun doute, ils reviendraient. Evidemment, ils auraient une autre forme, évidemment, ils seraient différents. Leur soeur qui avait fait le choix de disparaître, leur soeur qui avait fait le choix de se rendre à ceux qui préféraient mourir plutôt que voir leur monde envahi par l'obscurité les avait peut-être sauvés. Celle qui s’était présentée à Odéline, celle qui lui avait livré son récit, avait un incroyable pouvoir. Elle était seconde chance. Peut-être que cette puissance bienfaitrice permettrait aux Réprouvés de devenir meilleurs, sous une autre forme.
Penchée sur son livre, Odéline écrivait. Elle avait posé le tout-petit dans un berceau, et à présent, elle écrivait ce qu’il s'était passé, ce qu’on lui avait dit, ce qu’elle avait vu, afin que jamais ce savoir ne se perde, afin que jamais on n’oublie Elysion et ses luttes, lorsque soudain, près d’elle elle entendit une petite voix hésitante, la voix d’un enfant qui apprenait encore à lire et qui, à grand peine, déchiffrait les caractères sous ses yeux. La voix d’un enfant qui zozotait encore, la voix d’un enfant qui ne savait pas, ne pouvait pas mettre les lettres et les sons dans l’ordre.
“
E - zy - lon ?”
Elle faillit le corriger, mais sourit en lui caressant les cheveux. Il était le futur. Il pouvait bien appeler son monde comme il le souhaitait.