AlEsquisse - HRP:
HRP:
L’Esquisse, c’est un monde sans queue ni tête où des êtres humains tout à fait normaux de l’année 2012 se réveillent sans savoir ni pourquoi ni comment, parfois en perdant leur mémoire ou en se retrouvant dans un corps différent. Dans ce monde étrange, le ciel est rose et sans nuage, les objets prennent vie (on parle alors d’Objets) et les lieux sont ravagés par des sortes de phénomènes physiques qui transforment tout sur leur passage, les Tempêtes. Al, un étudiant en fac de 19 ans qui n’a rien de particulier, fait partie de ces infortunés.
Nano-RP, c’est un forum RP qui regroupe plusieurs nano-mondes aux contextes très variés : Aventures du passé (monde fantasy contenant elfes, nains, orcs, fées.. etc. le pays principal se nomme Heavensaw), Alpha Perdu (galaxie comportant 8 races réparties sur 8 planètes), Bruxia (école de magie en Amazonie), Chimères (le monde en 1895, mais avec des zootropes traqués par le vatican), X-Men (2014, mais avec des mutants) et Zombieland (le monde en 2072 après une apocalypse zombie). Le texte de ma partenaire prendra place dans l’un de ces univers, qu’elle prendra le soin de mieux vous décrire !
Le texte se place dans le futur par rapport aux deux forums, comme vous pourrez le constater.
Ce texte est un hommage et une suite au précédent texte en écho entre Esquisse et NRP (représentés alors par Stilgar et Silivren) lors de l’interforum d’Irydaë. Vous pouvez le retrouver
ici (https://irydae.forumactif.org/t2893-epreuve-4-nanorp-esquisse) si vous êtes curieux, mais évidemment nos textes se comprennent très bien sans.
«
C’est une bien belle fête. »
Les drapeaux rose et noirs flottaient dans la cité. Des processions fleuries en accoutrements extravagants aux discours officiels en estrades pompeuses, pas une rue ne manquait d’arborer les couleurs du jour et de la nuit sous le ciel symbole. De près, la « belle fête » n’avait l’apparence que d’un chaos joyeux, une étrangeté bâtie sur des silos, des camps et des plateformes de lancement reconverties en maisonnettes et en marchés.
C’était de loin qu’elle s’appréciait le mieux, en deux teintes et un nom.
«
Fédération de l’Esquisse, ça sonne encore un peu bizarre, même pour moi. Après tout... On a vécu dix ans sans avoir besoin de nommer quoi que ce soit. Il y avait les armes, et puis le reste. »
Onze ans plus tôt, alors que les Dessinateurs qui peuplaient l’Esquisse n’avaient pour maigre ambition que de retrouver la Terre à laquelle ils avaient été arrachés, des mondes qui n’auraient jamais dû envisager leur existence respective avaient été jetés dans une guerre totale. Désorganisée, anarchique et vaste, l’Esquisse était la proie toute choisie des civilisations galactiques, des orcs, des zombies, des mutants et des mages, tous citoyens de Terres alternatives, d’Histoires étrangères les unes aux autres - étrangères au 2012 dont ils venaient.
«
Nous nous sommes battus pour un monde qui n’était même pas le notre, simplement pour ne pas mourir. »
Guérilla. Embuscades. Attentats-suicides. Puisque les Dessinateurs ne pouvaient pas gagner par leur seule force, ils avaient fait en sorte que l’Esquisse devienne aussi le tombeau des envahisseurs. Sans idéologie. Sans espoir. Sans négociation. Sans pitié. Sans méthode. Plus l’attaque était raisonnée, plus la folie était efficace. Puis...
«
Par la force des choses, tu es devenue le symbole de cette résistante futile. »
L’homme en tête de cortège se retourna. Deux assistants au visage enfoui s’approchèrent silencieusement, puis ouvrirent délicatement le coffre qu’ils transportaient. Un sabre usé reposait à l’intérieur. Pas une trace de sang n’avait été essuyée, et pas une odeur de fer n’avait disparu. C’était indiscutablement le
sien.
«
Tes hommes sont morts, disparus ou fous. Pas une personne au monde n’ignore ton nom, mais de tous les vivants, je suis le seul qui se rappelle avoir combattu à tes côtés... Aussi ironique que cela puisse être. »
Al souleva doucement le sabre, puis s’agenouilla devant la tombe. Un tas de pierre avec un nom, entouré d’hommages anonymes. Peu d’entre eux lui souhaitaient de reposer en paix au paradis ; il eut fallu croire en Dieu pour couver de tels espoirs. Conformément aux croyances les plus répandues dans la Fédération naissante, croyances qui avaient à vrai dire été étayées scientifiquement à plusieurs reprises, aucune information n’était perdue dans l’Esquisse ; tout se transformait, se mélangeait et évoluait. Ou souhaitait aux morts de revenir un jour, que ce soit sous la forme d’un arbre ou d’une nouveau Dessinateur leur ressemblant.
Pourtant, juste cette fois...
«
Repose-toi, Crevette. Ta guerre est terminée. »
Il déposa le sabre au milieu des fleurs, à côté des médailles qui lui avaient été décernées par le nouveau commandement militaire. En même temps qu’elle célébrait les exploits du champ de bataille et honorait les combattants tombés, la Fédération les congédiait. Plutôt qu’un paradoxe, c’était là le moyen qu’elle avait trouvé de tourner la page.
Après une dernière prière silencieuse, Al se releva, puis marcha vers la tombe suivante. Une butte de pierre anonyme, comme il en avait visité tant en cette journée. Puisqu’on ne leur connaissait aucune identité avec certitude, mais qu’on souhaitait tout de même les honorer, c’était une arme au hasard, sans nom ni maître, qu’on laissait reposer avec eux dans les annales de l’Histoire.
Le tintement d’une clochette interrompit le recueillement. L’homme porta son attention vers l’entrée du cimetière, où se tenaient trois silhouettes en uniforme. Leur présence ne pouvait correspondre qu’à un seul message.
«
Je reviendrai demain, adressa-t-il aux tombes.
La fin de la guerre signe le repos des combattants, mais le début du travail pour les autres. »
Laissant le soin aux assistants de disposer les dernières armes, Al se dirigea vers les deux diplomates et l’un des responsables scientifiques. Des collaborateurs réguliers.
«
Je viens aux nouvelles, commença l’un des politiciens.
Le traité est encore en cours de négociation avec tous les gouvernements de 2082. De leur côté, Celur, Galados et Heavensaw ont accepté et nous livreront des ressources en signe d’amitié. »
Al hocha la tête.
«
En revanche, les gouvernements de 2024 continuent de tenter de faire rentrer des missiles dans la Faille. Leurs tentatives sont pour l’instant vouées à l’échec, puisque leurs armes implosent avant de nous atteindre, mais ils pourraient finir par trouver une parade... Mme la présidente pense qu’il est temps de riposter, avant que cela ne se produise. »
Un an auparavant, il aurait été inenvisageable de parler d’égal à égal avec des gouvernements futuristes à l’écrasante domination technologique, et plus encore de riposter avec une ampleur égale.
«
Et si vous venez me voir, j’imagine que la solution est toute trouvée, n’est-ce pas ? »
Une technique expérimentale pour « conserver, déplacer, amplifier et déverser les oscillations naturelles de l’Esquisse ». C’était le premier nom qu’Al et les quelques peureux qui s’étaient réfugiés sous terre après le début de la guerre avaient donné à leur projet. Le principe était des plus simples : créer des Tempêtes en bouteilles.
Déclencher des catastrophes météorologiques et imprévisibles n’aurait eu aucun sens avant la faille, et il n’en avait pas eu non plus pour les Dessinateurs enfermés dans une bataille d’infanterie sans fin. La recette idéale mêlait la menace extérieure, le désespoir de tout sacrifier et la couardise de consacrer son temps aux recherches incertaines.
Contre des dizaines de puissances avides aux avantages écrasants, dix ans de guérilla n’auraient même pas suffi en rêve. Une seule arme avait suffi pour drastiquement changer le cours de la guerre.
«
Elle sera prête pour demain.-
Je vous emmène, alors ! ponctua le deuxième diplomate, avant de désigner sa voiture à quelques mètres de là.
-
Merci bien. »
Puisqu’ils n’avaient rien à perdre, les Dessinateurs avaient libéré les Tempêtes sur leurs propres terres, puis directement chez les envahisseurs. Chimères, mutants, nains, extraterrestres, simples humains ; toutes les époques et toutes les nations avaient vu leur armées sombrer dans le chaos : tout ce que l’Esquisse touchait devenait une partie de l’Esquisse. Personne ne pouvait prédire si l’effet d’une Tempête serait anodin ou dévastateur, que ce soit du côté des victimes ou des assaillants. La même Tempête artificielle pouvait rester sans effet, tout comme elle pouvait avaler un continent et ses habitants en un instant.
D’actes désespérés, les attaques étaient finalement devenues des problèmes d’optimisation. Minimiser le nombre de victimes, directes ou indirectes, pour les deux camps, en envoyant les Tempêtes là où elles étaient nécessaires pour limiter les pertes de la Fédération tout en évitant les catastrophes écologiques que pourrait déclencher une Tempête lâchée au mauvais endroit. Certaines voix - portées par Crevette jusqu‘à sa mort, puis par quelques extrémistes - réclamaient l’élimination de tous les envahisseurs, quitte à faire du multivers une Esquisse géante où nul n’aurait l’avantage sur les autres, mais cela signifierait un retour à la case départ.
Devant la peur générée par l’imprévisible, une autre solution était envisageable. La paix, tant qu’elle pouvait être maintenue par le risque d’un chaos total, offrait au contraire une infinité d’avantages. Pour les autres puissances, il s’agissait de conserver ce qu’elles avaient acquis. Pour l’Esquisse, il s’agissait d’obtenir ce qui lui manquait. Des ressources, aussi bien en termes de matériel, de technologies avancées et de magie. Puis, à travers elles, une organisation, capable de les faire circuler et de les gérer à travers des équipes aux tâches circonscrites.
Et enfin, une identité, faite de symboles noirs et roses et de fêtes.
Al regarda par la fenêtre.
Phare avant la Faille, avant-poste après son apparition, le nouveau Poste de Commandement était, tout autant qu’un drapeau ou qu’un cimetière, un monument fondateur de la Fédération. Il concentrait les activités militaires, scientifiques et industrielles, dans une synergie propre à tout pays qui fleurissait par la guerre totale.
Mais les tombes et les pays n’étaient pas les seuls à fleurir.
Al commença à réarranger ses cheveux dans un miroir de poche. Après avoir enduré si longtemps les mèches crasseuses qui lui tombaient du visage et la barbichette rarement rasée, se reconstruire en homme de 30 ans propre sur lui était moins trivial qu’il n’y paraissait. Réapprendre à choisir des vêtements, à les changer régulièrement. Réarranger son uniforme avant d’entrer dans une salle. Se revoir comme homme. Les revoir comme femmes. Avoir une maison. Une famille.
Contrairement à Crevette, Al n’avait jamais aimé se battre. Tout ce qu’il avait, les Objets lui avaient pris. Tout ce qu’il était, les Tempêtes l’avait écrasé. Il n’aimait pas la guerre. Il n’aimait pas la vengeance. Il n’aimait pas le sang. Il n’aimait pas le courage.
Alors, l’ironie du sort avait fait de lui quelque chose de bien plus effrayant.
Elle lui avait fait aimer la paix, et tout ce qu’il faudrait faire pour l’obtenir.
- Spoiler:
J’espère que cette première partie de l'écho vous a plu ! :)
Comme c’est le premier interforum auquel Stilgar ne participe pas pour l’Esquisse, puissiez-vous être aussi émus que moi par l’enterrement de son personnage.