Qui n'a jamais rêvé de s'instruire ? Sans doute la majorité de ces gamins assis sur les bancs de la sacristie du village ? Sans doute la majorité des enfants ici présents. Lyra les voit s'agiter sur leur chaise, bavarder alors que la soeur parle et se demande pourquoi elle ne peut pas avoir un précepteur pour cette matière aussi. Si cela ne tenait qu'à elle, elle aurait déjà claqué un bon nombre de têtes sur le bois des tables où ils sont sensés prendre des notes. Un tel manque de politesse, dans la maison du seigneur... Quelle bande de petits cons ! Oh excusez-moi Seigneur, je ne devrais pas penser ça dans votre maison ! La catéchiste monte la voix et la petite fille tente de prendre des notes malgré tout. A quoi reconnait-on les infidèles et les démons ? Cela l'intéresse au plus haut point !

"Et maintenant on va recevoir des invités !" annonce l'adulte.

Le regard de Lyra se fait brillant, et celui des autres enfants curieux alors que la soeur s'approche de la porte derrière laquelle attendent les invités.

S'il y avait bien une chose que Maksim voulait éviter en s'enrôlant dans la Milice c'était de fréquenter les églises plus d'un jour sur sept. Ça et le fait d'être soupçonné de zootropie pour ses yeux. En tant que milicien, il pouvait conserver ses lunettes noires sous le Toit du Seigneur sans recevoir de commentaires. Son sergent et lui entrèrent. Après le salut de bienséance, celui-ci commença à parler :
"Reconnaître un démon n'est pas à la portée du premier venu !"

La main de la petite fille se lève presque instantanément ! Le regard exaspéré de ses camarades se pose sur elle. Elle n'en a cure, ils sont insignifiants à ses yeux. Seuls comptent les deux hommes en uniforme. Elle a a déjà vu de semblable. Ce sont des miliciens.

"On peut vraiment les reconnaitre ?" demande-t-elle quand le regard du gradé se pose sur elle.

Maksim n'aimait pas son environnement actuel mais le regard admiratif et attentif des enfants et des adolescents lui faisait plaisir. Il se sentit même l'envie de sourire discrètement tandis que son supérieur continuait son discours :
"Bien sûr ! Mais seuls les miliciens et les prêtres peuvent le faire sans se tromper. Au moindre doute, appelez la Milice ! Tout comportement suspect ou objet inattendu peut vous inciter à être attentif et prévenir."
Blabla…

La main se lève à nouveau, avec un petit temps de retard cette fois. Il est craquant le milicien d'à côté quand il sourit !

"Comment on sait que quelque-chose est suspect ?"

"Est-ce qu'un poulet est un démon ?"

C'était un peu compliqué dans la tête de la jeune fille qui avait parlé sans réfléchir toute occupée qu'elle était à regarder le milicien sourire.

Maksim commençait à comprendre que la fille qui venait de poser la question ne regardait pas son supérieur mais lui. Des souvenirs lui revinrent quand à son âge il regardait les miliciens avec autant d'admiration.
"Certains oui, ceux qui changent de forme ou paraissent intelligents, les démons utilisent parfois leur forme animale complète pour échapper aux regards. Mais les masques tombent une fois qu'ils se croient hors de danger."
Maksim acquiesça à cette déclaration.

Cela fait un drôle d'écho dans la tête de Lyra où tout s'embrouille. Elle se sent mal à l'aise, et en oublie de lever à nouveau la main pour poser une des questions saugrenues dont elle a le secret. C'est un autre enfant qui prend la relève.

"Dites m'sieur, comment vous les attrapez les démons ?"

Un autre enfant pose une question mais Maksim remarque que la fille de tout à l'heure ne dit plus rien et que son regard semble ailleurs. Dans la rue il s'en ficherait mais c'était une fillette qui le regardait avec respect.
"Bonne question ! Nous les attrapons grâce aux témoignages des citoyens bons chrétiens et grâce à notre entraînement aux armes, comme l'ange Michel qui chasse le démon !"

"Et comment on sait que ce sont de bons chrétiens ?" demande à nouveau le gamin.

Lyra récupère ses esprits et se retient tout juste de répondre quelque-chose de l'ordre du : tu le saurais si tu écoutais au catéchisme.

"Et si son voisin a besoin d'aide pour... tuer sa femme, commettre un pécher, il faut l'aider ou le dénoncer ?" demande la jeune fille qui s'y perd un peu.

Maksim sent une tape dans son dos dû à la main du sergent, geste qui signifie "débrouille-toi".
"Eh bien, c'est évident. S'il veut commettre un péché, il doit être arrêté donc le dénoncer à la police. Et s'il a des oreilles de chat à la Milice."

"Mais vous venez de dire qu'il faut aider son vois..." elle voit le regard sévère de la soeur sur elle, et elle l'aime pas ce regard, d'habitude il ne lui est jamais adressé, elle ne perturbe jamais la classe ! "Aaaah. c'est bon j'ai compris." C'est faux, mais elle veut plus que la catéchiste la regarde comme ça.

Maksim était prêt à parier que la fille n'avait pas compris mais qu'elle acquiesçait pour éviter les problèmes et il sentait la main du sergent sur son épaule.
"Si le voisin fait quelque chose de mal, il ira en Enfer, donc c'est l'aider que de l'empêcher de faire quelque chose qui mérite l'Enfer."
Voilà, c'était simple pour leur petit esprit de poireau. Tous les abrutis croient à un enfer qui n'est pas le monde actuel.

"Mais, est-ce qu'on ne va pas en enfer parce qu'on a pensé à faire du mal même sans le faire ??"

ON LUI AURAIT MENTI ?

Le cours de propagande anti-démon virait au cours de catéchisme. Maksim était sur le point de demander à la fille de clarifier sa pensée (parce qu'en l'état elle n'avait aucun sens) quand le sergent décida d'intervenir :
"C'est--
- Est-ce qu'un autre enfant a une autre question ?"
J'allais répondre intelligemment, je vous assure, sergent...
Mais Maksim ne protesta pas verbalement. Qu'est-ce qu'il s'en fichait que les gamins aient des questions existentielles !

Elle est aussi offusqué que le milicien quand on lui coupe la parole. Sale type, pensse-t-elle du supérieur. Elle se tait, comprenant que ses questions l'emmerdent mais se promet d'aller harceler de toutes les questions qu'elle n'a pas pu lui poser le beau milicien. Est-ce qu'il a une compagne ?

Et des chefs qui empêchent les jolis jeunes sergents de parler ? Encore une fois elle se tait mais s'interroge, pourquoi les loups ? Pourquoi cette réponse unique ?

"Vous avez déjà rencontré des démons loups ?"

Mince ! Celle-ci elle n'a pas pu la retenir !

"Veuillez lever la main avant de poser une question, mademoiselle," rabroua le sergent.
Même Maksim le trouvait un peu dur sur le coup, sans doute celle-ci l'agaçait en particulier parce qu'elle posait trop de questions et c'était un mauvais trait chez les citoyens mais c'était lui qui l'avait interrogée.

Elle lève donc la main, parce qu'elle est curieuse et admirative ! Elle veut entendre cette histoire !

Le sergent invita donc la fillette à s'exprimer même si Maksim savait qu'il avait peur de la suite. Un sourire sadique se dessine sur le visage de l'agent Bounine.