Disparition d’une famille sang-mêlée à Liverpool

Les unes des journaux se suivaient et se ressemblaient. Toujours plus de disparitions, catastrophes, décès suspects… Et depuis quelques mois, la Gazette du Sorcier avait pris l’habitude de mentionner le statut sanguin des victimes de ces crimes. Une dérive que Katja n’appréciait absolument pas. Enfin, au moins sa propre famille était repartie en Allemagne, bien loin de cette folie destructrice.

Elle parcourut rapidement les titres des articles et la section des petites annonces et la nécrologie avant de reposer la Gazette. Pas d’informations utiles aujourd’hui non plus. Les journaux moldus étaient décidément plus informatifs ces temps-ci : ils grouillaient de phénomènes inexpliqués ou inédits qui pouvaient signaler la présence de sorciers. Et au moins, ils n’étaient pas censurés par les Mangemorts, trop bornés pour regarder hors du monde des sorciers.

La cheminée de la salle principale se mit soudainement à cracher des gerbes de flammes comme depuis la gueule d'un dragon. Du bazar d'étincelles sortit un grand sorcier dégingandé à la chevelure naturellement roussie. "Kof ! Kof ! Saleté de poudre de cheminette ! C'est si sensible, ce machin. Pire qu'une dragonne qui couve !" rouspéta le sorcier au fort accent finnois. Il épousseta ses épaules et sa longue redingote des cendres et se redressa en reniflant, observant la salle et ses occupants de ses yeux à l'onyx foudroyant de lueurs dorées. "J'ai les ingrédients que tu avais besoin, Katja."

HRP:

L’avantage de la poudre de cheminette, c’est qu’il n’y avait pas besoin de sonnette pour remarquer les nouvelles arrivées. Et certainement pas quand elles étaient aussi véhémentes que celle-ci. Katja remercia le nouveau-venu pour les ingrédients, puis ne résista pas à une boutade : « Et j’imagine que tu parles d’expérience pour ta comparaison ? »

"Bien entendu !" se targua Vaïnö en carrant les épaules dans un nouveau reniflement méprisant. Le mouvement réveilla le petit dragonnet rouge qui dormait enveloppé autour de son cou. Il s'agissait d'un Suédois au museau court miniaturisé aux écailles d'un rouge éclatant qui souffleta vers Katja des flammèches agacées. Vaïnö ricana en lui caressant la tête pour le calmer. "Comment crois-tu que j'ai récupéré Volvä ?"

Heureusement, ils n’étaient pas dans ce que Katja appelait son laboratoire, plein de potions potentiellement inflammables. Elle ne s’inquiéta donc pas des flammèches du dragonnet. « Ne me dis pas que tu l’as volé à sa mère ? » Si oui, c’était non seulement extrêmement dangereux, mais en plus moralement douteux.

Le sorcier réajusta ses lunettes puis son écharpe avant de répondre en trompetant de son indignation. "Mais... Pourquoi... Pour qui me prends-tu ? Evidemment que j'ai récupéré Volvä dans le nid de sa mère... Mais parler d'un vol ?" Il agita les bras, agacé. "Pour qui me prends-tu ?" répéta-t-il, sonnant blessé. "Un vulgaire braconnier ? Regarde Volvä : elle est rachitique pour une Suédoise au museau court. Et l'hiver était hyper rude cette année-là. En la récupérant, je l'ai sauvée elle, au moins un de ses frères et soeurs, et peut-être même toute la couvée et la mère." Vaïnö fit volte-face en croisant les bras, le dos clairement hostile.

Ah, elle préférait ça. « Navrée, je ne m’y connais absolument pas en Suédois à museau court, ou en dragon tout court, excepté pour ce qui concerne leur contribution à des potions. Mais j’aurais en effet été déçue si tu t’étais avéré être plus proche du braconnier que du Norbert Dragonneau. »

Le sorcier finlandais commençait à se retourner, apaisé par la justification de la jeune femme, quand ses derniers mots réveillèrent sa colère. Vaïnö se mit à trompeter si fort en finnois que Volvä crailla en s'envolant pour rouspéter à son tour sur Katja, agacée de voir que son perchoir était aussi agité quand elle voulait y dormir.

Décidément, il démarrait au quart de tour. Pas que ses vociférations soient le moindre du monde compréhensibles pour Katja. « Ich spreche immer noch kein Finnisch.* » Deux pouvaient jouer à ce petit jeu, quoique son intervention soit bien plus calme que celle du Finlandais.

*:

Les vociférations se stoppèrent alors que le sorcier fronçait des sourcils d'un air concentré : ses bases d'allemand étaient faibles, d'autant plus que les langues indo-européennes ne possédaient pas de sonorités familières à ses oreilles. "Je pensais que tu avais plus de respect pour mon travail." reprit-t-il d'une voix plus calme, en anglais. Toute cette situation de Mangemorts lui mettait les nerfs en pelote. Volvä roucoula en frottant son museau contre sa joue.

Katja se contenta de hocher les épaules. « J’ai du respect pour ton travail. Mais de nouveau : aux dernières nouvelles, je ne suis pas légilimens, et je ne te connais pas assez bien pour savoir de quel côté de ce spectre tu te situes. »

"Stss..." fut la seule réponse qui provint du sorcier. Son mauvais caractère refaisait surface, et surtout son inaptitude sociale. Vaïnö préférait bien plus les grandes étendues sauvages exemptes d'humains. Les animaux magiques étaient plus logiques, n'empêche. "Quelles potions vas-tu faire ?"

Elle ignora l’amour-propre froissé de l’autre sorcier : un égo blessé n’était pas franchement haut dans sa liste des priorités en ce moment. Pas quand une bande de connards au nom débile avait décrété que sa famille et ses amis étaient indignes de vivre. « Potion de l’Oeil Vif, philtre revigorant, trois antidotes différents et potion pour sommeil sans rêves. » Elle avait de quoi s’occuper, c’était sûr. « J’ai aussi un Polynectar sur le feu, mais il sera pas prêt avant dans deux semaines. »

HRP:

"Mmh..." fut le seul commentaire du sorcier. A vrai dire, il n'y connaissait pas grand chose en potions et admirait le travail de Katja. Pas qu'il lui dise de vive voix ! "Tu as tous les ingrédients ? Je peux aller en chercher s'il en manque." Mais qu'il se propose aussi régulièrement était un bon indicateur de cette admiration.

Le regard de Vaïnö fut attiré par les brochures et il grimaça en secouant la tête, maudissant les Mangemorts en finnois. "Quelle tristesse... J'aimerais faire quelque chose pour ces pauvres bougres. Peuvent-ils même encore être sauvés ? Ces fous ont la main leste sur les sorts interdits..."

« Mon stock d’yeux de crapaud et de plumes de mésange baisse à vue d'oeil, mais je pourrai facilement en racheter la prochaine fois que je passe par le Chemin de Traverse. Mais merci pour ta proposition. » Si seulement la tourmente qui agitait actuellement le monde sorcier était aussi aisément dissipée. « Bonne question, et je ne sais pas quel sort est le plus enviable entre mourir sur le coup ou être capturé vivant par ces malades. J’ai commencé à faire une liste des lieux de raid connus pour essayer de prédire leurs mouvements, mais ce n’est pas évident. »

Le sorcier passa une main dans les boucles sauvages de ses cheveux, ce qui ne fit qu'accentuer la pagaille, pas qu'il s'en soucie. "Je peux aller enquêter si tu veux..." Un petit sourire narquois étira ses lèvres. "Je suis assez doué pour récupérer un oeuf sans que la mère ne me voit, quelques Mangemorts ne seront pas difficiles à éviter. Ils sont aveuglés par leurs ornières."

« Contrairement à un dragon, un mangemort peut avoir mis en place des sorts et pièges contre les intrus. » L’image de Vaïnö déjouant ceux-ci à la Indiana Jones sorcier lui arracha un sourire amusé malgré la discussion, mais elle le fit bien vite disparaître à nouveau. « J’avais prévu d’aller voir le côté moldu de cette famille disparue au cas où ils auraient des infos. Les enquêteurs sorciers ont tendance à négliger les infos du monde moldu. Tu veux venir ? »

Vaïnö haussa les épaules à la mention des pièges. "Il suffira de les désamorcer." Les Avada Kedavra ne lui faisaient pas plus peur que le souffle brûlant des dragons. Même ! La première mort serait plus rapide, et moins douloureuse. "Des Moldus ? Pourquoi pas..." Il tordit du nez, peu convaincu. "Mais s'ils commencent à m'insulter, je ne réponds pas de mes poings." Cela arrivait plus souvent avec les Moldus qu'avec les Sorciers... il paraissait tellement excentrique.

Katja leva un sourcil dubitatif : « On parle de chercher des infos sur une bande de fanatiques qui tuent des gens à cause de leurs origines et tu t’inquiètes de quelques commentaires déplacées de personnes que tu n’es de toute façon pas appelé à revoir ? » L’incrédulité teintait sa voix.

Le sorcier haussa les épaules. "Je suis habitué au danger de mort. Mais je ne supporte pas la connerie." Il étouffa un ricanement dans l'écharpe qu'il enroulait autour de son cou. "Pas plus que celles des Mangemorts, en fait. Plus vite, on en finira, plus vite je pourrais être en danger de mort pour quelque chose d'intéressant." Vaïnö se figea en fronçant les sourcils et son visage pâlit quand il se rendit compte ce qu'il venait de dire. "Pas que sauver des vies ne le soit pas. Mais euh... qu'elles soient en danger, ce ne l'est pas." Il se mit à marmonner en finnois, le nez dans son écharpe.

S’il s’emmêlait tout seul, ça épargnait à Katja de devoir commenter sur son sens des priorités (qu’elle soupçonnait aussi peu conventionnel que tout le reste de la personnalité de Vaïnö). « Eh bien allons voir si les Moldus ont vu de quoi mettre un terme à ces meurtres inintéressants. » Bon, d’accord, elle n’avait quand même pas résisté à une boutade.

Fait notable : Vaïnö se la boucla. Il fourra même son museau dans son écharpe, les yeux fuyants de gêne. Volvä gloussa une flammèche amusée qu'il ne daigna pas relever. Il suivit plutôt Katja. "Téléportation ?" marmonna-t-il tout de même. "Ou portolion ?" Il aurait préféré la poudre de cheminettes... mais ces Moldus avaient le coeur si fragile.

« J'ai un portoloin qui nous déposera dans un coin habituellement désert, de là on peut prendre le bus. » Pas ce qu’il y avait de plus efficace, mais elle ne tenait pas à se retrouver avec un procès pour non-respect du Secret Magique. Secret Magique qui, à ses yeux, n’avait plus aucun sens depuis que les moldus avaient cessé de brûler les « sorcières », mais allez faire comprendre ça à une société coupée du monde depuis la fin du moyen-âge.

"Je me doutais que tu ne me proposais pas une balade en rennes." tenta-t-il de plaisanter. Le bus allait être une épreuve pour lui, surtout s'il était bondé. Vaïnö se concentra plutôt sur son sortilège de Désillusion sur Volvä. "Je suis prêt. Je te suis, Katja."

Un Accio plus tard, Katja avait en main un stylo tout ce qu’il y a de plus ordinaire (enfin, ordinaire pour un moldu, pas pour un sorcier habitué aux plumes antédiluviennes). Elle tendit un bout du portoloin à son confrère : « Allons-y. » Une fois qu’il aurait saisi le stylo, elle activerait le portoloin, qui les déposerait dans un bois à quelque distance d’une nationale (et d’un arrêt de bus).