Rappel du premier message :



Quelques jours étaient passés depuis son arrivée - imprévue et fracassante ! - à Moscou. La Grande Ville l'impressionnait toujours mais Anoushka ne se sentait plus aussi terrifiée qu'avant. Elle avait toujours eu une grande capacité d'adaptation. Et si Dedoula et Baboula lui manquaient encore beaucoup, beaucoup, énormément, il y avait tellement de choses amusantes et intrigantes à voir ou faire !

Il y avait des dirigeables dans le ciel TOUS LES JOURS et PLUSIEURS !!! Presque à rendre le ciel noir !! Sil était bleu clair. Les fumées nombreuses qui s'échappaient des hauts bâtiments l'assombrissaient bien trop souvent. Les étoiles lui manquaient aussi. Et les oiseaux. Il n'y avait presque aucun bruit d'animaux dans cette ville.

Et les Moscovites regardaient Sobaka d'un drôle d'air ! Anoushka avait souvent peur pour son ami. Elle gardaient ses papiers à portée de mains et ne quittait pas des yeux son chien.

Heureusement, Madame Eir ne l'avait pas abandonnée dans la Grande Ville. Elle lui avait offert un toit et de quoi manger (plein de brioches !) et avait même envoyé une lettre à Saint-Champs pour prévenir sa famille. Doula et Boula allaient bientôt venir la chercher, elle en était sûre !

En attendant, elle aidait un ami boulanger de Madame Eir pour apprendre à faire des brioches. Miam ! Mais il fallait pas les manger, qu'il disait le Monsieur. C'était pour la grande fête de Noël !

Oh oui, il n'en doutait pas une seconde qu'elle le pouvait... d'ailleurs, à l'entente de la petite voie aiguë, le brun ne manqua pas de débouler dans le bar, le chien aboyant à sa suite et une dague à moitié dégainée. Puis nouveau bug. "Je ne... m'attendais pas à ce genre de problème...." fit-il penaud, lançant un regard désolé à l’assistance. "Je vais t'aider." Puis il porta de nouveau la fillette pour qu'elle se lave les mains. Et rapidement. Qu'il ait le temps de commander avant qu'on ne les mette dehors.

"Pouquoi on nous regarde mal ?" demanda naïvement Anoushka pendant que M'sieur Klyde lui lavait les mains. Sobaka refusait de la quitter depuis qu'il l'avait entendue crier, et puis de toute façon, elle préférait l'avoir près d'elle. "Et on mange maint'nant ? J'ai grand faim." Son ventre gargouilla un tonnerre en appui.

La scène lui rappelait quand elle avait couru en plein Tomks de nuit après son nuage, ignorante du danger. "Et bien... en ville, les gens crient à l'aide pour des problèmes plus grave qu'un lavabo trop haut " Pitié, qu'elle ne demande pas d'exemples ! "Reste avec moi et calme Sobaka, il attire trop l'attention. On va demander à manger" continua Klyde en reprenant son rôle de grand-frère qu'il avait endossé avec elle (la faute à un marchand de cartes d'ailleurs). Ce rôle lui plaisait d'ailleurs, il ne voyait pas pourquoi Pasha n'aimait pas. "B-bonjour monsieur. Deux tartines jambon fromage s'il vous plaît et... un bol d'eau."

"Comme si un ours v'nait manger des moutons ?" proposa Anoushka comme exemple. Elle sauta des bras de M'sieur Klyde pour aller caresser Sobaka qui se fit petit et doux comme un agneau - enfin, il essaya ! Pas sa faute s'il était aussi grand qu'un poney. Elle trottina ensuite jusqu'aux jambes de M'sieur Klyde et tenta de voir par-dessus le comptoir en s'y appuyant sur la pointe des pieds. "C'est quelle fromage ? De brebis, comme ceux de Doula ? Et le pain, l'est à quoi ? Et ya du miel dessus ? Et j'peux avoir du jambon pour Sobaka ? Et un jus de pomme ?"

Le barman fixait d'un oeil mauvais le chien-poney, puis la gamine, puis le jeune homme. "S'il vous plaît ?" demanda ce dernier avec un sourire gêné. "Fromage de brebis avec miel et jambon pour la petite et sans miel pour moi. Et pour le chien, vous avez des morceaux en trop ?" "Je vais voir. Allez vous installer.... et hors du passage, s'il vous plaît" grinça-t-il des dents et Klyde ne manqua pas de pousser Anoushka à une table libre dans le fond.

"Oui, s'viou plaît !" ajouta Anoushka avec sa meilleure bouille angélique avant d'être embarquée par M'sieur Klyde. "Quel bat-joie, c'lui-là. Qui veut manger là s'il sourit pas, hein ?" bougonna l'enfant en s'asseyant. Sobaka se coucha sous la table en se collant à ses jambes.

"Les gens de la ville sont moins sympathiques qu'à la campagne, globalement" lui fit savoir Klyde. "Mais j'ai quand même rencontré de bonnes personnes... Oh !" se réveilla-t-il soudainement. "Je voulais te remercier pour Pavel, Anoushka. J'ai pu le retrouver grâce à toi."

"Et bien, moi, j'veux revenir à la campagne, alors." marmonna Anoushka qui n'avait pas dégonflé des joues de bougonnerie. Mais elle leva la tête avec des yeux interrogateurs. "Me remercier ?" On vit presque les rouages tourner dans sa tête. "Ah ! Pa'ce que je prie pour que vous touviez vote ami, M'sieur Klyde ? Y s'appelle Pavel ? L'est comment ? Va bien ? Vous l'voyez souvent ? Il l'est content ?"

Le brun eut un léger rire quand la lumière se fit dans les yeux de la fillette, il manquait presque un "ding" de circonstance. "Oui, il s'appelle Pavel et il est..." Magnifique ? Klyde eut comme une claque mentale, comme un léger coup derrière la tête mais... dedans ? Bref, pour dire que Sveta lui remettait les idées en place. "Grand. Je le vois souvent oui, on a même passé un moment à vivre ensemble ici et s'il est content.... je pense oui. On est un peu comme des frères maintenant."

"On peut être fères sans avoir le même sang ?" s'étonna Anoushka en ouvrant grand la bouche. "Faut beaucoup s'aimer alors ? Comme j'aime Andrei... mmh, nan. Andrei, c'mon 'moureux." La fillette agita les pieds un instant dans le vide puis s'écria soudainement : "Au fait, M'sieur Klyde, z'avez trouvé une 'moureuse ?!!"

"Il est comme un frère" (re)précisa Klyde. "Pavel est ce qui se rapproche le plus d'une famille pour moi et... heu...." Le tavernier arriva à point nommé avec leur commande, même celle de Sobaka, bien que les assiettes ne furent pas servies avec une grande douceur. Le brun marmonna un "merci" étranglé, le rouge aux joues. "Bien sûr que j'aime Pavel, comme un frère. Et je n'ai pas de... et bien.... non, pas de 'moureuse." Une petite voix lui dit que c'était apparemment le bon moment d'entamer sa tartine et arrêter de s'empêtrer dans cette conversation.

Les tartines furent évidemment une distraction. Anoushka décora la première à grands coups de dents après avoir vérifié que Sobaka mangeait sa part. Elle tordit soudainement son nez. "L'fromage de Doula, il est bien meilleur qu'celui-là." Elle prit son verre de jus puis plissa des yeux vers Monsieur Klyde. "Z'avez eu une hésitation."

{Le retour de notre chipie} s'amusa Sveta devant l'air déconfit de son protégé. Il avait oublié ce que c'était de discuter avec Anoushka, on n'était l'abris d'aucune surprise. "Je sais que je plais aux filles, à certaines, mais je compte toujours rentrer dans les Ordres plus tard. Donc pas de 'moureuse." Jamais. Pas comme si une arme était capable d'amour de toute façon. "Il est si mauvais que ça ce formage ?" s'étonna Klyde, lui le trouvant plutôt bon.

"Ah oui, les Odes... d'zolée." Anoushka enfourna une autre bouchée de tartine qu'elle mâcha avec attention. "Il est bon... mais il manque de coeur ! La brebis, elle n'a pas dû manger d'la bonne herbe. Ni ête repestée. Doula y dit qu'un essellent fromage, faut le doloter avec son coeur. Celui-là, il n'a pas ça."

Voilà de quoi ne plus remettre cette histoire d'amour sur le tapis, Klyde était bien trop perdu avec ce sujet même en essayant de le comprendre. "J'ai remarqué qu'en ville, les produits de ferme ou d'élevage comme chez tes grands parents coûtent très chers. Du moins si on veut manger quelque chose de bon." Ce qui ne l'intéressait pas plus que ça. "Tu manges bien avec Madame Eir ?" osa-t-il demander sans saisir le {Ironique...} de Sveta.

"Mmh oui, mais les fromages de Doula sont les mieux. Madame Eir, elle prend de la bonne viande pour Soba, et pas du mouton !" Anoushka connaissait la valeur de la viande, et la chance dont Sobaka disposait pour être nourri correctement en ville. "Et j'ai beaucoup de brioches !"

"Ce n'est pas ce qu'il y a de plus nourrissant les brioches..." souligna le garçon. "Tu en profites d'être à Moscou pour les écoles de pilotages ? Ou demander à Madame Eir comment elle a appris à manœuvrer un avion ?" Klyde avait un esprit peut-être un peu trop pratique pour une enfant comme Anoushka mais au moins, la question était posée.

Elle ouvrit grands les yeux et la bouche et en lâcha même sa tartine qui retomba - heureusement ! - pile dans son assiette. "J'peux aller à l'école ?!!!" Plusieurs clients se retournèrent en claquant de la langue d'agacement mais Anoushka était bien trop excitée pour y faire longtemps attention. "Apprende à p'loter un drigeable ? Vraiment ? Maintenant ?!"

Au tapis la discrétion... Klyde devra éviter cet établissement un petit moment pour se faire oublier. "Uhm, non, peut-être pas maintenant. Tu dois encore apprendre un peu mieux la Bible, à lire et écrire" - il avait commencé par ça lui - "et suivre un peu plus les ordres des grandes personnes...." Ça, il avait eu plus de mal mais rien que la discipline n'avait pu endiguer. "Je pensais plutôt à chercher les écoles qui existent sur Moscou pour te préparer à y revenir quand tu seras plus grande."

Anoushka cligna des yeux, un peu surprise par les "disciplines" que Monsieur Klyde croyait qu'elle devait apprendre. "J'vais pas être dans les ordres, moi." remarqua-t-elle. "Mon Andrei, y dit que j'dois apprendre les cartes et le compas, et les manettes du d'rigeable et les chiffres, et savoir réparer les machines."

"C'est la base Anoushka. Même pour des cartes, lire et écrire est primordial sinon comment feras-tu pour savoir le nom des villes et inscrire tes propres notes ? Puis la Bible, c'est la Bible. Tout le monde doit la lire... tu ne voudrais pas faire de la peine au Seigneur tout de même ?" Klyde ne s'était même pas agacé, expliquant à l'enfant des vérités simples sur le ton égal et candide qu'on lui connaissait.

"Je la lis déjà. Et le Père de Saint-Champs, il a dit que ça suffirait de suivre ses cours, pa'ce que j'étais "visiblement" faite pour aute chose." Tous ceux qui avaient entendu le prêtre avaient pouffé à l'idée qu'elle fasse des études sur Dieu (le mot lui échappait toujours, un rapport avec Théo, le fils du Boulanger). "Yen a pas donc, après, quand c'est les études de drigeable." Logique imparable. "Quand j'suis grande."

Là, c'était lui qui ne comprenait pas. Comment la Sainte Parole pouvait-elle passer après ? Inconcevable. "Je ne t'ai pas demander de l'étudier de manière approfondie d'au moins comprendre ce que tu lis. Tu vas toujours bien la messe ici, uhm ?" plissa-t-il les yeux. "Les offices sont la meilleure des écoles et tu n'as pas à attendre d'être grande pour ça. Pas seulement sur la Bible mais la vie en général." Elle était trop inconsciente, les démons ne feraient qu'une bouchée d'une petite aussi adorable.

Elle cligna des yeux. Une fois, puis deux. Monsieur Klyde avait tout compris de travers... "Ah !" s'écria-t-elle en levant un doigt. "Je sais ! Comme j'sais pas trop trop utiliser le futur, bah, j'ai tout dit au pas-futur, flûte." Anoushka eut un petit rire auto-moqueur. "J'vais l'travailler enco' plus avec l'Andrei !" Considérant la chose comme close, elle croqua dans sa dernière part de tartine, fredonnant une chanson de chez elle.

Il n'était pas totalement certain que le message soit bien passé mais Anoushka était habituellement de bonne fois - quoiqu'un peu capricieuse - Sveta lui conseilla de ne pas faire traîner sa pause en longueur. Et du coup, il ne savait plus trop quoi dire. Parler de Pasha ? Non, le roux préférait qu'il évite. "Andrei te suivra, quand tu reviendras étudier à Moscou ?" Sujet intarissable avec la petite blonde, il pourrait finir son repas en la laissant babiller.