Rappel du premier message :



Poussière. Pas une tonne, Klyde avait clairement pris le temps de nettoyer rapidement les surfaces qu'il avait utilisé, mais quand même une fine couche sur la table. Pasha en avait repéré dans les coins délaissé de son apartement également. Il y en avait beaucoup. C'est que le sien était vide en le comparant à celui de Klyde. Pourtant il habitait ici quatre ans déjà. Presque cinq, maintenant qu'il y pense.  

Son cache-oeil était posé sur table, ses cheveux attachés, et ses manches retroussées. Nettoyer à un bras n'était pas facile, mais le roux en avait marre d'utiliser sa blessure comme une excuse. S'il voulait — il devait — proprement se refocaliser sur son devoir, enlever quelques toiles d'araignées ne pouvait pas poser de problème. Quand il eut fini une petite heure plus tard, son appartement avait la même tête qu'elle avait eu à son emménagement.

Klyde allait-il encore venir ?

Pasha se lava les mains dans l'évier de la cuisine. Le peu d'objets qu'il avait n'y étaient pas à sa place. Le plus jeune avait dû s'amuser à réorganiser. Son regard se posa sur son lit alors qu'il s'essuya ses mains. Il savait que Klyde l'avait utilisé, mais le lit ne trahissait pas sa présence. Il était bien fait. Angles droits, couverture calé sous le matelas ; comme on le leur avait appris.

S'il ne venait pas bientôt il allait devoir sortir pour manger.

La requête lui fit l'effet d'un ordre, malgré le ton calme. "Je..." essaya-t-il de rassembler ses billes. "J'aimerai savoir ton ressenti sur le fait que je te fais passer et... que..." {Continue Trésor, reste honnête avec toi-même.} "Que je te vois réellement comme ça."

Son ressenti. S'il y avait quelque chose avec lequel il avait du mal c'était mettre des mots sur ses sentiments. Pasha était nul en introspection et il le savait. Euh... comme quoi ? Un frère ?

Klyde hocha frénétiquement la tête, à l'image des petits bébés canards qui lui ressemblaient tant, tout attentif à la réponse qui allait -peut-être- suivre.

On est pas frères. La réponse simple. On a pas de lien de sang. Un fait. Mais Pasha était conscient que le mot pouvait avoir une signification symbolique aussi. Tu veux plutôt dire dans le sens... Il réfléchit. Une amitié si proche qu'on est comme de la famille, oui ? Famille. Ils étaient orphelins, donc téchniquement... oui, peut-être c'est le mot qui s'y rapprochait le plus. Après, Pasha ne discerna pas un ressenti particulier au mot.

Le cœur du brun avait chuté aux premiers mots pour remonter brusquement à sa place comme s'il était balader dans ces cages de verre et d'acier qui transportaient les voyageurs aux plates-formes plus en hauteur. "Oui, c'est comme ça que je te vois. Tu es la seule personne, heu physique, au monde que je perçois comme ma famille. La seule que je n'ai jamais eu et c'est l'un des plus beaux cadeaux que Notre Père m’ait fait. Enfin, pas autant que de m'avoir choisi comme Guide ou la présence de Sveta mais..." Il eut un sourire. "C'est un beau cadeau tout de même de t'avoir rencontré et retrouvé."

Klyde était aussi intense que Pasha était réservé. Complémentaire dans leur opposition, mais dans ces rares cas où le caneton cherchait à être rassuré l'histoire devint plus compliqué. Pasha n'avait pas les beaux mots qu'il voulait entendre. Tu es certainement ce qui en rapproche le plus, tenta-t-il quand même. Ce n'est pas ça qui me dérange. Mais plutôt... le profil public. Il passa un doigt entre lui et Klyde pour indiquer le lien les deux. C'est privé, nous. Je veux pas de questions sur ça. Même pas de tes autres "amis".

La cage en verre avait grimpé encore plus haut et menaçait de jaillir de sa poitrine : Pavel le voyait comme sa famille. Le sourire qui apparut alors sur le visage de Klyde devait sûrement être l'un des plus sincères et le plus purs qu'il eut de toute sa vie. Il hocha de nouveau la tête. "Je ne dirais rien. Maksim ne savait même pas ton nom avant de te croiser, ni à quoi tu ressemblais" lui assura-t-il en commençant enfin à manger. "Tu voudrais quoi comme version officielle en public ?"

Je sais pas, avoua-t-il. Pour lui c'est déjà trop tard de toute façon. Il est trop curieux. Faut être catégorique. Quant à quoi lui dire... Pasha ne savait pas. Il avait une solution plus facile pour un milicien trop curieux mais elle n'allait pas plaire à Klyde.

"Je m'occuperai de Maksim. Je sais ce qu'il désire le plus, je peux toujours essayer de le focaliser sur ça pour qu'il t'oublie un peu. Je crois qu'il souhait seulement savoir si tu, heu... prenais bien soin de moi ; il t'en a voulu pour ma blessure au nez même si en réalité, tu n'y es pour rien." Il était d'ailleurs heureux que l'os n'eut pas été cassé, pas tout le monde qui pouvait s'en vanter après un coup de boule direct d'une femme mi-rhinocéros.

Si Klyde aurait utilisé l'excuse des escaliers comme il lui avait proposé. Si Pasha n'avait pas fait parti du narratif pour sa blessure, ils auraient moins évoqué la suspicion du milicien. Le roux était maintenant l'antagoniste dans sa tête. C'était trop dur de revenir en arrière et certainement à réconcilier avec l'idée du grand-frère qu'avait mentionné Klyde. Il faut que tu clarifies que je n'avais rien à voir avec cette blessure. Même si... Et que vas-tu dire la prochaine fois ? Car se dire que les blessures étaient quelque chose du passé était évidemment ridicule. Leur métier était trop dangereux.

"..... l'escalier ?" Il n'avait pas oublié. "Je traine moins au sol dans mon quartier maintenant, je connais mieux la zone pour m'éviter les repérages d'en bas. J'ai était surpris à la cathédrale car je ne sais pas les patrouilles de Maksim. Il faut que j'aille le revoir de toute façon avant qu'il ne commence à poser des questions de son côté."

Tu le vois fréquemment, non ? Il va croire combien de temps l'excuse des escaliers ? Voilà le problème avec les rencontres récurrentes. Klyde y tenait, Pasha le savait, et il avait abandonné de le convaincre de s'en passer... mais il allait devoir trouver une autre façon d'apaiser les soupçons.

"Une seule fois, je le sais. Je devrai inventer au fur et à mesure et selon la blessure et son état de cicatrisation... au moins il croit que je suis extrêmement pudique et refuse d'exposer ma peau à nue." ... ce qui... n'était pas totalement faux en dehors des personnes du camp. Ses cicatrices ne le dérangeaient pas esthétiquement mais il ne voulait pas partager leurs histoires ; celles qu'il avait étaient un vestige d'exercices qu'il avait autrefois mal faits.

Je vois pas dans quelles situations tu devrais te dénuder devant lui de toute façon. Ils n'étaient plus en dortoirs et Klyde avait sa propre baignoire. Le roux releva soudainement le regard, la fourchette qui était à mi-chemin vers sa bouche retombant contre son assiette. Brouillard. Il t'a forcé à faire quelque chose ? Les mots sortaient tout seul, instinctif. Son esprit était vide. Le peu de couleur qui avait coloré sa peau s'était évaporé comme une brume légère.

"Pavel ? Tu as encore mal au bras ?" Il avait pourtant usé de sa main valide. "Oui, une fois, à me déshabiller. Mes vêtements étaient trempés par la pluie et il ne voulait pas que je prenne froid." Klyde ne voyait pas vraiment, vu le sujet abordé, ce quelle autre scène pouvait convenir à forcer.

Il retint son souffle jusqu'à ce que Klyde ait fini sa phrase. Si le "oui" n'avait pas été suivi d'une explication, Dieu seul sait comment Pasha aurait réagit. Et puis ? demanda-t-il quand même. Même à 19 ans (presque 20 !) Klyde semblait trop facile à manipuler et exploiter.

Le plus jeune ne tiltait toujours pas ce qu'entraînait son explication bancale mais, dans l'optique de ne rien cacher à son frère-ami, il continua. "Puis le prête à insister mais je voulais vraiment garder mon pantalon, à cause des dagues. J'ai changé que de chemise dans le confessionnal."

......... Et un prêtre maintenant. Mais les yeux de Klyde ne trahissait pas la honte que Pasha connaissait. Il se doute qu'il aurait pu en parler avec tant... d'innocence si l'imprononçable se serait produit. Tu as le chic pour te retrouver dans des situations étranges... Il n'avait pas compris. Et c'était tant mieux.

{Et si tu reprenais depuis le début Trésor, non ?} lui suggéra Sveta. Ah oui, peut-être. "En fait... je devais rejoindre Maksim et le Père Mikhaïl à son église pour chanter, tu te souviens de ça ? Mais j'ai pris du retard pour pister un démon et quand je suis arrivé, j'étais complètement trempé par la pluie. Le prêtre m'a proposé des vêtements secs pour que je ne tombe pas malade, - raclement de gorge - et lui et Maksim ont insisté pour que je me déshabille." Il inspira pour reprendre son souffle. "Mais comme je refusais, ils commençaient à se demander pourquoi et j'ai dû prendre la chemise dans le confessionnal pour éviter les questions."

La situation avait une explication. Le voilà rassuré. Il aurait bien voulu croire que si quelque chose de cette ampleur lui serait survenu, il en aurait parlé à son mentor, mais Pasha savait d'expérience que ce n'était pas toujours le cas. Tu aurais pu dire ça dès le début... Il ramassa sa fourchette même si l'appétit lui manquait toujours.

Klyde avait la légère, mais légère impression que quelque chose n'allait pas. Pavel semblait quelque peu différent mais il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. "On parlait de mes futures cicatrices à la base, je ne pensais pas qu'on aborderait cette histoire. Tout va bien Pasha ?" Ah... le caneton innocent qui n’imaginait pas un seul instant les horreurs qui côtoyaient son petit monde...

Oui. Ce n'est pas lui qui allait emporter ces horreurs dans son monde. Il n'en voulait pas la responsabilité. On disait également qu'il fallait se mettre d'accord sur la couverture. Le passé en commun à l'orphelinat te va pas ?

Le caneton n'insista pas. "Si ça ira, je garderai ça à l'avenir. Mais toi qui disais toujours vivre à Moscou et moi qui découvre encore, on fait comment ?"

Moscou est une grande ville. On peut dire qu'on n'a jamais été très loin de l'orphelinat, ou du quartier. Pas faux non plus. Il avait passé environ 15 années de sa vie à Saratov et avait quasi jamais quitté les lieux. Même quand il était encore à Moscou l'orphelinat n'était pas généreux avec les randonnées. As-tu d'autres connaissances en commun avec le Milicien ? demanda-t-il soudainement. La couverture ne fonctionnerait pas si Maksim apprenait soudainement d'une version de son passé qui rentrait en conflit avec la version qu'il avait entendu précédemment.

"C'est un milicien" fit Klyde qui avait décelé la même faille. "Et lui vit effectivement ici depuis plus de 10 ans, j'ignore le nombre de personnes qu'il connait. Après, je ne raconte pas ma vie à tous ceux que je croise..."