A l'approche du solstice d'hiver et des fêtes chrétiennes de fin d'année, Eir décide  de faire le tour des caves de la capitale pour acheter des bouteilles de vins de bonne qualité. Pour faire plaisir à sa famille et arroser copieusement les repas qui suivent immanquablement les réjouissances. En bonne pratiquante  d'oenologie, elle sait écouter les conseils de sommelier et se fier à son palais et à son nez pour trouver les bons crus.   Il y a tant de diversité dans les vins ! Vins blancs, Vins rouges, Vins rosés, Vins jaunes, Vins liquoreux, Vins effervescents, Vins maderisés !  Et tant d'origine possible ; vins de France,  vins du Caucase Nord, vins de la province de Crimée et bien d'autres trésors vinicoles !

C'est à n'en plus savoir où se donner la tête à moins d'être un dégustateur de vins !  Eir   sort déçue d'une cave, les vins entreposés n'ayant pas  convaincu son palais. Elle fait bien masculine dans ses atours de pilotes, blouse de cuir rembourré de laine à l'intérieur, pantalons verdâtre,  bottes hivers aux pieds, qui ne font  que souligner sa taille exceptionnelle pour une femme. La déception se lit sur son visage mais elle n'a pas encore abandonné les recherches. Elle ne s'inquiète pas pour le risque d'ivresse ; elle a toujours eu une forte tolérance à l'alcool. Marchant sur la neige qui pave les rues,  elle avance le long de l'allée remplies de bars et de restaurants.

Une jeune femme sortait également de la cave de dégustation mais un air biiiiien moins déçu sur son visage délicat. La jolie blonde semblait même, comment dire, libérée ; mais cette joie ne durait qu'un temps en n'oubliant que le soupirant qu'elle fuyait serait bientôt à ses trousses. Retroussant le bas de sa robe, Ineska cherchait d'un pas vif sous quelle enseigne se réfugier.

Eir stoppe ses pas devant une enseigne, Au Conte de l'Ours, le nom semble alléchant. La pilote décide de renoncer temporairement à sa quête de bons crus pour les fêtes de fin d'année et de se faire plaisir. En y entrant, elle remarque l'atmosphère singulière propices aux jeux ; il y a des tables de billards et de cartes. Pourquoi pas gagner un petit pécule en jouant bien ses cartes ?

"Par Saint George, il est plus pressant qu'un inspecteur des impôts" se lamenta intérieurement la jeune femme en entendant son nom derrière elle. Pas le temps de flâner ou de faire la fine bouche, la première entrée devrait faire son affaire. Toute à sa fuite, elle ne remarqua que trop tard la personne encore présente sur le devant de la porte et la bouscula allégrement. "Oh toute mes excuses Madame, je ne vous avez pas vue. Mille fois pardon."

Le destin décide d'être malicieux et de la bousculer par une beauté à l'entrée du bar. Plus encore,  elle se fait  appeler madame ce qui ne manque pas de la faire éclater d'un rire aussi fort et profond que grand père Gel. Je suis loin d'être une madame ! Sa dégaine d'aviatrice  et son allure de géante ne dément pas son propos. On fait une partie de billard ?

Tout d'abord interloquée par l'éclat de rire impromptu, Ineska se demanda un instant si elle avait à faire à l'un de ces hommes qui se croyaient femmes ; ou inversement mais ce cas était moins dérangeant. "Je... je n'en connais pas les règles." Et puis il s'agissait d'un jeu trop... populaire pour elle, même si son père s'y adonnait avec certains clients classieux.

C'est simple ! Tu mets les boules dans le trou en utilisant le cochonnet ! , s'exclama-t-elle en s'en allant réclamer les queue de billard au barman qui les lui donne après une courte discussion. La pilote revient avec deux bâtons longilignes entre les deux mains ainsi que deux gommes entre les doigts. Et si on commençait ?

Elle eut un sourcil hautement -et élégamment- levé qui en disait long sur ce qu'elle pensait du langage roturier de l'autre.... femme (?). Sauf que cette dernière ne semblait pas des plus douées pour interpréter son expression et lui refila de force une des queues en bois : Ineska se sentit aussi à l'aise qu'un caneton qu'une poule qui avait trouvé un couteau. Dans son dos, elle pouvait déjà entendre des murmures, principalement masculins, et la zootrope prudente qu'elle était parierait sa crinière qu'elle en était la cause. Du moins elle et l'autre énergumène à lunettes. "Je vous en prie, jouez donc en premier."

Eir ne savait pas lire la langue des signes secrète de la bourgeoisie, elle n'avait même aucune idée de ce qui se passait dans ces cercles aux mystères insondables pour les roturiers comme elle. Les commentaires masculins sur leurs activités ne lui échappèrent pas, en revanche, des vraies commères, ces hommes ... ! Donc, il faut pousser chaque boule dans le trou à l'aide de la balle blanche, ce qui te permet de rejouer un coup. Mais la boule noire doit absolument tomber en dernière. dit-t-elle en mettant en place le triangle de boules.

Quitte à se retrouver dans une situation possiblement compromettante, autant s'en sortir avec panache. "Les règles semblent plutôt simples, j'imagine que la pratique l'est moins" commenta Ineska qui ne savait aucunement d'avance si elle possédait un quelconque talent à ce jeu. Dans le meilleur des cas, elle pourrait s'en servir contre certains mondains misogynes... La belle eut un sourire à cette idée, décidée à relever ce nouveau défi.

Une dernière petite chose, on ne doit pas faire tomber la boule blanche dans le trou avant que toutes les autres ne soient tombées. Eir n'en a cure des grenouilles de bénitiers qui pavoisaient sur les femmes pratiquant des activités d'hommes. Mais s'ils commençaient à être sérieusement insultant, elle leur rappellerait bien gentiment leur petite taille comparé à son gabarit. La pilote était en effet  très grande.  Elle conclut en donnant un coup de queue qui disperse les boules sur le plateau. C'est comme ça qu'il faut tenir  la queue.

Décidément, les terminologies de ce jeu étaient....  enfin, passons. "Est-ce mon tour ? Ou dois-je jouer uniquement si vous manquez un... trou ?" se renseigna Ineska en positionnant contre la table, tenant au mieux ses mains sur le long manche de bois. Sa bague la gênait et elle tiqua d'un bruit de langue contre ses dents en se remettant d'aplomb pour la retirer. Le bijou à la chaîne de son collier, la blonde se remis en place en ignorant totalement les quidams.

C'est à votre tour, j'ai simplement dispersé les boules pour commencer le jeu. Elle s'écarta pour que Ineska puisse se placer avec sa queue de billard, puis posa la queue sur le planche en attendant que la bourgeoise joue son coup.

Concentrée, Ineska chercha quelles boules viser tout en pointant la blanche. Elle dût inspirer plusieurs fois avant de se décider à taper dedans, satisfaite de les entendre se taper l'une dans l'autre et plus encore quand la boule bleue tomba directement dans le trou derrière. "Oh" se félicia-t-elle, étonnée de son premier coup. "La chance des débutants j'imagine." Non sans une pensée de remerciement pour le ciel.

Eir  répondit par un large  sourire appréciateur en clignant brièvement des yeux qui signifiait  "Parfait" chez elle. Tu peux rejouer, l'invita-t-elle en ignorant les remous des misogynes qui dévaluait cette réussite. La bourgeoise lui paraissait un adversaire  intéressant en dépit de son niveau néophyte au billard.

La blonde hocha la tête, s'autorisant un léger sourire satisfait, et retenta l'expérience. Cette fois, le ricochet n'eut pas l'effet escompté et la boule désirée buta contre le rebord pour rejoindre ses consœurs. "Presque..." fit-elle humblement en se redressant. "A vous ma chère." Il lui faudra poser aussi ses effets, elle commençait à étouffer dans la chaleur ronronnante des lieux.

Eir suivit le déplacement des boules causée par le coup de Ineska sans voir une deuxième boule tomber. Dommage.  La jeune pilote d'aéropostale  choisit la boule la plus proche d'un trou et se décala jusqu'à avoir le bon angle pour la pousser. Maintenant, il ne restait plus qu'à appliquer la bonne dose de force et marquer à son tour ! Et le bruit de la chute  fut un doux son à ses oreilles.  La jeune femme émit un sifflement satisfait en se positionnant dans un nouvel angle de tir. Vous faites quoi dans la vie ?

Résultats de dé:

Un léger applaudissement poli salua la performance. "Et bien... de la comptabilité, des soirées mondaines, de l'équitation et de temps à autres de la pâtisserie" répondit cash Ineska. "Même s'il est un peut vantard de me dire bonne pâtissière, disons juste que je n'ai empoisonné aucun de mes invités à ce jour." Elle eut un sourire à sa plaisanterie. "Et vous ? Seriez-vous partante de faire meilleurs connaissances un verre à la main, tout en restant à notre partie ?" Pas qu'elle se sentait cruche à rester debout devant une table de billard mais... une boisson serait de mise.

Un sourire pauvre naquit sur le visage de Eir à la plaisanterie d'Ineska. Des occupations bourgeoises ou nobles si elle est titrée. Moi ? J'ai fait des études d'infirmière et travaillé quelques temps dans un hôpital. J'ai laissé tomber pour être pilote d'avion d'aéropostale. La pilote commit une erreur de calcul dans la force à insuffler à la queue de billard ce qui se traduisit par un échec à placer une deuxième boule dans son trou. C'est une bonne idée.

"Pourquoi avoir changé de métier ?" s'étonna Ineska. A son sens, infirmière avait bien plus de valeur que postière... mais la difficulté et l'impact émotionnel n'étaient sûrement pas les mêmes. La blonde fit la moue en se rapprochant de la table : qu'est-ce que c'était cette donne ? Se lançant au petit bonheur la chance, sa tentative échoua allégrement, dispersant un peut plus le jeu. "Tsss" fit-elle devant ce mauvais coup. "Signe qu'il me faille chercher nos boissons ; que souhaitez-vous ?"

J'ai assisté un jour à une présentation d'un avion, et eut l'occasion d'y monter à bord pour un vol de courte durée. On peut dire que ce fut le coup de foudre au premier regard. J'ai su que je voulais encore plus voler que d'être récompensée par les sourires des patients. , répondit Eir prenant le temps de raconter ce qui lui avait fait changer de carrière. Du vin, si ça ne vous dérange pas.

Elle la salua avant de déposer la queue de billard, apprêter sa tenue et une mèche rebelle, et se diriger d'un pas assuré vers le comptoir comme si elle arpentait les lieux depuis des années. "Bonsoir" fit-elle au tavernier. Ce dernier lui rendit la pareille en autant sa casquette. "Un verre de rouge, une cuvée de Noël si vous avez. Non, plutôt deux." Le service fut rapide et elle revint vers la pilote les mains pleines. "Je n'ai jamais pris l'avion" lui avoua Ineska en lui proposant son verre. "Mais je peux comprendre le sentiment que vous avez vécu à votre premier vol."

Pendant que  Ineska  commandait au bar,  la pilote marquait un deuxième point en faisant tomber avec précision une boule. Elle se retourna comme pour annoncer sa victoire à sa partenaire mais fut stoppée par le verre qui lui était présenté. Du vin rouge en plus ! Eir  appréciait ce choix de bon goût.  Encore plus accompagné de fromage, de charcuterie et de pain. Merci, voler de nuit est la partie la plus ennuyeuse - avec le manque de repère. Elle leva son verre en remerciement.

"J'imagine. J'évite également de monter de nuit, pour les mêmes raisons" but-elle à son propre verre avant de reprendre la partie. "Je reprends la main apparemment" sourit-elle à son coup. Ce prenant au jeu maintenant qu'elle voyait mieux son fonctionnement, Ineska réussit même à caser une seconde boule. "Êtes-vous donc de Moscou ou de passage à la capitale entre deux tournées ?" Uhm, échec à sa troisième tentative. Tant pis.

Elle but à son tour, puis regarda deux boules tomber sous la coups précis de Ineska. La pilote d'avion postal pouvait dire qu'elle s'était vite fait la main ! Les deux ma chère, je vis à Moscou et y reste entre deux tournées, non d'un fromage ! Le billard n'a plus de secret pour toi ! Se plaçant devant la table de billard pour tenter de sauver quelques points, elle réussit à en mettre deux de suite avant de laisser sa place.

Pour accélérer j'ai demandé au dé deux boules cette fois-ci: