Rappel du premier message :



Il fait chaud. On leur a fourni un équipement spécial, mais il fait chaud. C'est quand même un désert.
Cyrus se sent mal. Depuis qu'il a appris leur destination et le but de leur mission, il fait des mini-attaques toutes les cinq minutes. Il a le teint grisâtre, mais il a réussi à convaincre ses compagnons qu'il a le mal des transports. Heureusement qu'il a des nerfs d'acier forgés par l'habitude parce que sans ça, il se serait déjà évanoui deux cents fois.
Le désert donc. Et une invasion de sauterelles !!! Il vérifie ses fermetures éclairs, ceintures et lacets pour la trouzillième fois. Il est terrifié et ce n'est pas la môme surexcitée qui va l'aider à se calmer. Elle — une troisième année ravie de l'excursion — n'arrête pas de parler. Ce qui agace profondément leur chef de groupe, un type de l'Administration pas franchement ravi de se trimbaler des enfants. Parce que c'est ce qu'ils sont à ses yeux bien que deux d'entre eux soient quasiment des adultes. Si Cyrus n'était pas si occupé à flipper, il serait piqué dans son orgueil.
Des sauterelles donc. S'il n'a pas déjà rendu l'âme, c'est parce qu'il a une puissante motivation. Dans son groupe, il y a deux Esprits... Dont l'Esprit de la Pluie ! Son idole ! Il n'a pas encore osé lui adressé la parole, s'est contenté de maugréer quelques mots comme s'il était mal luné. Il est juste gêné. C'est un fan absolu ! Alors pour ne pas perdre la face devant elle, il tient bon.

Varsha comprit naturellement la demande toute particulière du jeune homme. Leur discussion est interrompue mais pas terminée. Elle hoche la tête en signe d'acquiescement et invoque une nouvelle fois la pluie. Cette dernière pénétrera mieux le sous-sol après la première averse.

Cyrus regarde l'eau tomber avec émotion (parfaitement) et tandis qu'elle ruisselle dans la terre meuble, il commence à son tour une invocation. Bientôt, l'Esprit des Nutriments apparait et leurs pouvoirs conjugués fait repousser les cultures à une vitesse impressionnante. Lorsqu'ils ont fini, on voit à peine la trace du passage des insectes...
Réparation aux Dommages Causés par les Esprits...
Avec l'aide des Esprits. Cyrus trouve ça beau.

La mission est déjà terminée, il ne reste plus qu'à attendre que l'esprit du voyage les renvoie à l'école Bruxia (ou sur une autre mission). Cela laisse le temps de souffler à l'équipe. Tout le monde est content d'avoir fini cette mission si proprement sauf que la jeunette réclame déjà une nouvelle mission. Varsha revient donc au jeune homme avec qui il est si difficile de communiquer. Elle lui envoie une petite giclée d'eau, pour rire.

Le désavantage, quand un Esprit est très occupé comme celui des Voyages en ce moment, c'est qu'on doit rester plus longtemps exposé au petites bestioles rampantes et volantes. Cyrus ne peut s'empêcher de vérifier mentalement tous ses nœuds et fermetures.
L'avantage, c'est qu'on peut profiter d'un moment supplémentaire avec son idole sans avoir besoin de forcer le destin.
Quelqu'un d'autre l'aurait éclaboussé, Cyrus se serait probablement offusqué. Avec Varsha... Allez savoir pourquoi il glousse comme un enfant intimidé. Il a à nouveau les joues roses et la bouche vide de mots.

Cyrus réagit bien à la blaguounette de Varsha. Celle-ci tourne autour du shaman décidée à lui tirer les vers du nez. Elle sait qu'il l'apprécie alors pourquoi ne l'a-t-il jamais invoquée ? Même si ce n'est pas pour faire pleuvoir, Varsha serait ravie d'échanger avec un amateur de la pluie. En plus l'Islande doit lui manquer s'il n'y est pas retourné depuis sa première année à l'école de Bruxia.

Cyrus est tellement gêné. Il ne sait pas quelle attitude adopter. Il n'a même jamais osé imaginer une conversation avec elle, il ne sait même pas quoi lui dire. Il sourit comme un benêt et pousse un long soupir de désœuvrement. C'est tellement dur, d'être privé de la parole, dit-il, défaitiste. Je ne pensais pas que parler avec quelqu'un pouvait me manquer autant. Et là dessus, il sait de quoi il parle puisqu'il a ordinairement peu d'occasions de bavarder.

Mais Varsha comprend ce qu'il dit puisque comprendre tout langage humain fait partie de sa nature. Elle dessine alors sur le sable avant d'attirer l'attention du jeune homme. Elle a donc dessiné :
Une silhouette humaine avec une oreille accompagnée d'une croix et une bouche accompagné d'un pouce levé.
Avec ces bras, elle enjoint Cyrus à parler davantage.

Parler ? Oh là là, Cyrus n'est tellement pas du genre à se confier. Il est si gêné qu'il bafouille des choses incohérentes. Puis il regarde autour de lui et réalise qu'il n'aura pas trente-six occasions dans la vie, de se confier à quelqu'un en étant absolument sûr que personne ne peut entendre. Les Esprits invoqués sont repartis et les Esprits des Tapettes à Mouches et des Insectes sont trop loin pour espionner. Il n'y a que Varsha, présentement, qui peut comprendre... Varsha, quoi ! Jeu, heu... Je... Il ne sait pas par où commencé tant il est impressionné et ému.

Varsha attend donc que Cyrus aille plus loin dans sa phrase, elle est patiente. Mais une idée lui vient. Elle décide de prendre la main du garçon et de l'amener à poser son index sur le sable pour tracer des traits sur le sol. Peut-être, un autre moyen de communication que la parole lui permettra de se débloquer.

Rougissant comme une collégienne devant son crush, il se laisse faire docilement. Cependant, alors qu'il allait poser son doigt dans le sable, un insecte pointe ses antennes. Cyrus se relève d'un coup et inspecte aussitôt ses chaussures et ses jambes pour voir si aucun de ses frères ne lui a grimpé dessus. À peine rassuré mais n'ayant rien trouvé, il lève sur Varsha un regard plein de honte. Il faut dire que son stoïcisme habituel a été mis à rude épreuve. Je suis insectophobe, murmure-t-il, le souffle court. Il tente de reprendre le contrôle de ses émotions en jetant des regards autour d'eux... Personne ne doit le voir dans cet état.

Varsha ne craint pas les insectes contrairement à son interlocuteur. Elle observe passivement les araignée d'eau sur la surface des lacs. Les insectes n'aiment pas trop la pluie quand elle arrive mais elle les voit proliférer une fois qu'elle est partie pour profiter de l'humidité. L'esprit chasse donc le vilain insecte qui avait fait peur à Cyrus. Elle sort de sa collection des vases avec différents animaux : des oiseaux, des poissons, des dragons mais pas d'insectes puis dessine un cœur sur le sable.

Celui de Cyrus bat la chamade. Voilà pourquoi il aime tellement Varsha, pourquoi il la respecte tant. Ce n'est pas seulement parce qu'elle peut chasser les petites bêtes d'une pichenette d'eau — même si ça joue beaucoup, évidemment —, c'est aussi parce qu'elle est douce et gentille. Ça, même sans lui avoir jamais parlé ou l'avoir jamais invoquée, il le savait déjà. Mais ça le touche particulièrement que cette attention soit cette fois pour lui. Il sourit timidement malgré sa honte.

Varsha regarde Cyrus qui ne semble pas comprendre le but de sa question. Elle lui tend alors un vase avec des lézards dessus. Ce ne sont pas des insectes, est-ce qu'il aime ces bestioles-ci ?

Patya hésite. Lui offre t-elle le vase ? Il ne comprend pas. Les humains, Shamans ou pas, sont parfois si démunis sans les mots. Indécis, il a le regard rivé sur les lézards qu'il trouve très jolis... Ah ! les lézards ! Ça y est, les fils viennent de connecter. Oh, heu..., bredouille-t-il, je n'ai peur que des insectes, cloportes et tout ça. Ces monstruosités, il veut dire. Il ressert machinalement le cordon de sa capuche. Les autres, ça va.

Bon tant pis, le shaman ne comprend décidément pas sa question, essayons autre chose. L'esprit dessine sur le sable un homme musclé en position dominante et des insectes fuyants à côté, en haut Varsha dessine une femme avec une queue de serpent à la place des jambes avant de désigner Cyrus.

Cyrus prend quelques instant pour étudier le dessin. Il n'est pas très fort en interprétation. Son truc à lui, ce sont les formules de chimie et les connaissances apprises par cœur. Il manque cruellement d'imagination. Mais difficile de passer à côté de l'évocation de Tanis. Et aussitôt il devient blanc comme un linge. Lé vérité, c'est qu'il a très peur d'être confronté un jour à son pouvoir. Parce que... Jamais de la vie je trouverai le courage contre ces machins.

Varsha se redresse devant le défaitisme de Cyrus. Le shaman est devenu blanc comme un linge. Mais si, il va affronter ses peurs ! Et il va aimer ça ! Elle secoue son doigt d'une manière réprobatrice. Il est hors de question qu'elle ait un shaman attitré froussard ! Et si sa peur des insectes disparaissait, son amour de la pluie n'en sera que plus fort puisque c'est Elle, l'esprit de la pluie qui l'aurait aidé à cet exploit. Toutefois, ce n'est pas sa priorité. Elle détruit son dessin d'insecte et insiste sur l'homme dominant.

Cyrus vire progressivement du blanc au rouge. Il a honte comme jamais il n'avait eu honte dans sa vie. Il ne fait pas une montagne de ses phobies, d'ordinaire, il les cache même très bien. Mais Varsha est en train de lui dire qu'il doit les affronter. Il ne peut pas. Non seulement il s'en sent incapable, mais en plus, il n'en a pas du tout envie. Les insectes le répugnent tellement qu'il préfèrerait mourir noyé sous une pluie diluvienne que d'accepter de se confronter à Tanis. Il sait qu'il va décevoir son idole et la honte le submerge si fort qu'il en a le tournis.

Le shaman est devenu rouge maintenant. Même s'il ne dit rien, Varsha comprend très bien qu'il a très peur d'affronter sa peur (Tanis, on a besoin de toi !) L'esprit reste frustrée de ne pas pouvoir se faire comprendre du shaman. Elle invitera Tanis, que ça lui plaise ou non ! Pour son bien. D'abord pour annihiler sa timidité, ensuite si ça lui plaît faire disparaître sa phobie.

Varsha découvrira un jour que Cyrus n'est timide qu'avec elle. Il n'a que de la froideur pour tous les autres — doublé de dédain pour beaucoup. Seules les conditions exceptionnelles actuelles l'avaient poussé à se montrer plus aimable avec ses camarades. D'ailleurs, heureusement qu'il ne peut pas comprendre les mots de Varsha pour le moment : il ferait une crise cardiaque s'il connaissait ses plans
Quel est ton sort préféré ? demanda-t-il pour changer de sujet.

Le visage de Varsha exprime soudainement la joie, pas parce qu'on lui demande quel est son sort préféré (elle n'en a qu'un en fait) mais parce que Cyrus prend l'initiative de s'intéresser à elle alors que jusqu'à présent il se contentait de bégayer et de rougir. L'esprit répond donc en arrosant une dune de sable de pluie. Les gouttes d'eau font de très jolis motifs sur le sable, formant des lignes plus ou moins longues.

Le visage de Cyrus s'illumine. C'est aussi mon préféré, dit-il. De tous les sorts de tous les Esprits, précise-t-il. Il s'agenouille brièvement pour former un petit cœur en relief avec du sable mouillé et se relève. Il a l'impression d'avoir sept ans à nouveau. La pluie, c'est vraiment un truc formidable, ajoute-t-il d'un ton rêveur. Et ce n'est pas une intention calculée pour plaire à Varsha, mais bien l'expression sincère du sentiment qui l'étreint depuis l'enfance.

Il est déjà arrivé plusieurs pendant l'existence de Varsha que celle-ci reconnaisse une connexion particulière entre elle et un shaman. Ce moment-ci en fait partie. Elle est sure ! Ce shaman-ci est fait pour elle ! Une montagne de joie la submerge ! À son retour à l'école, il faudrait absolument qu'elle le retrouve ou qu'elle le conjure de l'invoquer quand il pourra, qu'il danse pour elle ! L'esprit tourne sur lui-même dans une pluie d'étoiles aqueuses.

Le chef de mission s'agite et commence à rassembler les troupes. Cyrus sent que sa petite bulle va éclater, l'instant magique avec Varsha va s'achever comme un livre de contes qu'on referme après avoir lu toute la nuit. Il croise son regard et sourit. Elle a les yeux qui pétillent, il aimerait tant savoir à quoi elle pense à cet instant précis. T'es mon Esprit préféré, dit-il très vite avant de perdre tout son courage.

Le petit shaman a dit qu'elle est son esprit préféré ! Son instinct ne l'a pas du tout trompée ! Ce jeune homme au courage si éradique n'a pas besoin d'en faire plus pour obtenir son affection. L'esprit des insectes a tord : que le monde serait triste sans adorateurs aussi fervents ! Que le monde serait triste sans shamans !