Rappel du premier message :



Il ne devait pas encore être minuit, les douze coups de cloche n'avaient pas raisonné dans la nuit somme toute calme. Klyde avait fini sa ronde mais n'avait pas du tout sommeil ; le repas prit avec Viktor était délicieux et assez nourrissant pour lui permettre de veiller tard et moins dormir (même si Sveta gardait un avis mitigé sur ce dernier point). Qu'elle se rassure, il se reposait beaucoup mieux ces derniers temps, même dans le lit de Pavel qui portait plus son odeur que celle du roux.

Pensant à son ancien mentor et actuel ami, le Guide prenait non pas le chemin habituel mais celui de son propre logement. Il avait une surprise pour Pavel et espérait que ce dernier soit encore éveillé. Un petit sac en main, il escaladait sans peine son immeuble pour rejoindre la fenêtre. Alors, dormait-il ou non ?

Pasha arqua un sourcil quand ils se trouvèrent enfin au sommet. Maintenant que la nuit était tombé, le Vatican rayonnait sous la gloire de Dieu. Étaient-ils ici simplement pour... la vue ? Quelle drôle d'idée. Mais les hauteurs lui avaient manqué, c'est vrai. S'il ne répondit pas immédiatement, c'était simplement parce qu'il ne savait pas comment réagir à leur promenade sans but.

Le manque de réaction du plus grand effaça sa bonne humeur. {Je suis désolée mon Trésor, ce n'est pas de ta faute.} "Je ne suis simplement pas doué pour les cadeaux" dit-il à l'Ange à voix haute. Encore un point qu'il ferait mieux oublier, il perdait trop de temps à chercher à comprendre quelque chose qui était visiblement hors de sa portée. Tout comme le chant, il n'arrivait toujours pas à se décider s'il devrait continuer ou non. Klyde se baissa pour s'assoir sur le rebord de la rame, les pieds dans le vide.

Un cadeau ? Là il l'avait complètement perdu. Je comprends pas.

"C'est de ma faute..." commença le caneton en contemplant l'immense édifice. "Si tu as été blessé. Je n'ai pas vraiment été un bon partenaire et tu as dû être immobilisé. Je sais que ça te pèse d'être inactif et.. je... c'est tout ce que j'ai trouvé pour te changer les idées." Quand il avait vu que des travaux laissaient cette zone loin au-dessus du sol libre et accessible de la rue, Klyde avait de suite pensé que Pavel apprécierait de pouvoir grimper sans user de ses bras. En y repensant, il est vrai que c'était stupide de sa part mais il n'avait pas réfléchit plus loin sur le moment.

Ah. Il n'y avait que Klyde pour penser de cette façon. Décidément Pasha n'allait jamais complètement le comprendre. Leurs cerveaux étaient câblés différemment. On a déjà clarifié que ce n'était pas de ta faute. La faute était la sienne. Et j'ignorais juste pourquoi on était ici. Pour le plaisir apparemment. C'était dur de débrancher de son devoir. Impossible même. Ça lui arrivait bien sûr de profiter d'un instant, mais jamais très longtemps.

Est-ce normal qu'il se sente si coupable de ses blessures s'il n'y était pour rien dans ce cas ? A débattre. Mais pas ce soir. "Mais... tu apprécies d'être ici ? A l'air libre et en hauteur ?" Il ne manquerait plus qu'il ait également échoué sur cette ligne. "Je peux m'en aller et te laisser si... si tu trouves ça plus... apaisant."

Il avait été tellement occupé à tenter de déchiffrer le plus jeune qu'il n'avait, en effet, pas profité de l'escalade. Pourtant l'endroit avait tout ce qu'il aimait. Les hauteurs, une belle vue, l'isolation, le vent qui caressait son visage. C'est vrai qu'en règle général ces moments étaient aussi accompagné de silence, mais celui de Klyde était perturbant. Après, les cinquante questions d'affilées aussi... dilemme. Non. Donne-moi juste une minute pour me situer.

"Oh. D'accord..." Et ce fut tout. Klyde revient à la contemplation de la capitale nocturne, le visage neutre, et inspira profondément quand une brise les enveloppa tout deux. Il garda le silence, puisque c'était apparemment le souhait de Pavel, mais une autre chanson lui trotta dans la tête. Sans bruit, juste en bougeant des lèvres et régulant sa respiration, il chantait.

Il leva la tête pour voir s'il y avait moyen d'aller encore plus haut, mais ne voyait pas de chemin sans escalade. Escalade sûrement prohibé par Docteur Klyde vu qu'il avait choisi les escaliers pour le mener à cette hauteur-ci. Il fit quelques pas à gauche, quelques pas à droite, tenta de localiser son logement depuis où il étaient, puis se calma et chercha un endroit où se poser confortablement.

Il le laissa faire à sa guise. Pavel avait encore le droit d'agir comme il le souhaitait tant qu'il ne compromettait pas sa guérison. D'ailleurs, celle-ci évoluait plutôt bien et Klyde savait que le roux ne resterait pas longtemps chez lui. {Tu pourras continuer de le voir Trésor, pour t'assurer de sa bonne santé mais les visites à suivre devront être uniquement pour votre devoir.} Ça aussi, il savait. Mais il ne voulait pas y penser et préférer continuer sa chanson muette.

Ça y est. Posé, en hauteur, silence. Tout va bien dans le meilleur des mondes. Sauf... sauf qu'il y avait encore un truc qui le démangeait. Dis, commença-t-il, brisant le silence d'une dizaine de minutes, j'ai fais quelque chose pour te blesser encore tout à l'heure ? Autant aller droit au but.

Il fut coupé en pleine sonate à la question, gardant la bouche bêtement ouverte sous la surprise avant de se reprendre. "Tout à l'heure quand ?" voulu-t-il clarifier. Entre son comportement et ses pensées à lui qui ne cessaient jamais, Klyde avait souvent l'impression d'une douleur dans la poitrine ; comme une main invisible qui lui serrait le coeur et le relâchait pour mieux recommencer plus tard. "Pour... Sasha ? Ou le cadeau loupé ?" Il écarta la conversation de sa visite au Vatican, aucun différent entre eux à ce sujet.

Ah. Il s'était senti blessé deux fois. Pour Sasha, je voulais dire. Mais il enchaîna sur la deuxième proposition, ne laissant pas au plus jeune la chance d'intervenir. Mais qui a dit que c'était loupé ? Il ignora le souci du "cadeau". Le "ce n'est pas ta faute" avait déjà été dit et il n'avait pas envie de se répéter une troisième fois.

Sauf que son cerveau fonctionnait de manière plus diffuse que celui de Pasha, à enchainer les idées sans s'y perdre. Donc revenir sur un point antérieur dans une conversation, c'était son lot avec ceux qui n'arrivaient pas à le suivre. "Tu m'avais dit que tu avais déjà fait des missions avec d'autres. Je n'ai rien à dire sur ça, notre devoir avant tout." Réponse classique et standard d'un Guide dévoué. "Ton corps parle pour toi Pavel" termina Klyde sans émotion particulière.

Il avait beau avoir fréquenté Klyde depuis qu'ils étaient enfants, Pasha n'avait toujours pas la finesse de comprendre les bonds dans ses conversations. Pas quand il avait besoin d'effort rien que pour s'exprimer.

... hein ?

Le brun se tourna vers lui pour mieux comprendre d'où la confusion venait mais... et bien... rien sur le visage de Pavel ne l'aida vraiment. "Pour Sasha. A la taverne, tu m'as dit que tu avais rencontré d'autres Guides en mission et... je n'ai pas à avoir d'avis sur ce point." {Essaie donc d'appliquer ce que tu avances Trésor} lui parvint le conseil de Sveta de manière lointaine. "Et hormis le fait que tu ne fronces pas des sourcils, ou ne me fusille pas du regard, ou ne me fait pas de reproche, je ne sais pas mon intention de te faire venir ici te plait ou non."

L'erreur de communication venait donc de son côté. C'était... pas étonnant. Sa communication ne s'était pas spécialement amélioré depuis sa sortie du camp. On pourrait même dire qu'elle avait régressé. Klyde semblait penser qu'il ne parlait qu'en froncements de sourcils. C'était assez inquiétant. Ça me plaît.

{En voilà un beau sourire} s'amusa l'Ange, plus présente, quand la réponse du plus grand ravit son protégé. "Tu pourras revenir ici le soir quand je ferai mes patrouilles. Ça reste un bon point d'observation, je te laisserai le viseur de mon fusil... ou même le fusil si tu veux." Pas que Klyde s'en servait tous les jours. Et puis, les armes à feu étaient aussi un sujet que Pavel aimait, autant rester sur une bonne note.

S'il avait un sourcil arqué, c'était dû à la curiosité. Ça, mélangé à une pincée d'amusement. Il n'avait pas besoin de l'autorisation de Klyde pour faire quoi que ce soit. Klyde le savait certainement aussi. Il tentait peut-être de trouver un compromis pour l'empêcher de faire l'escalade trop tôt. C'est qu'il le connaissait bien. Si tu me laisses le viseur et que je vois quelque chose de suspect, je serais obligé de poursuivre.

"D'où le fusil. Il tire vraiment de loin" lui répliqua-t-il sans perdre son sourire. Lui aussi ne pouvait résister à l'envie (et au besoin) de traquer un démon même en étant malade ou épuisé. "Et je pense que tu ne tiens pas vraiment à rester de nouveau bloqué chez moi si tu forces trop."

Il faudrait que je teste, avoua-t-il. Il avait hâte d'essayer. Le fusil de Klyde était une merveille technologique, mais elle ne lui était pas destiné ou les prêtres lui auraient instruit comment s'en servir. Il y avait également le problème de sa vision. Il s'était déjà habitué à viser correctement avec un œil, mais avec le fusil de Klyde il n'y avait qu'une seule chance pour toucher son but. Ce n'est rien qu'il communiqua, évidemment. Il ne voulait pas que Klyde retire sa proposition.

C'était surtout une arme optimisée pour de la très longue distance et il existait peu de tireurs comme Klyde. Du moins à Saratov, il était certainement le seul. "C'est mieux. Il m'a fallu un peu de temps pour m'y habituer" lui confirma le brun, même s'il s'en servait également pour des tirs plus "classiques", le genre que Pavel pourrait aisément lui aussi. "A quoi elle ressemble, Sasha ?" La question tombait du ciel comme le piano divin d'un MJ mécontent.

Euh...

Le piano divin a bien frappé le roux sur la tête. Il pensait le sujet clos. C'est ce que Klyde lui avait fait comprendre en tous cas. Il n'avait pas dit qu'il n'avait pas d'avis sur ce point ? Non. Nuance. Il avait dit qu'il n'avait pas à avoir d'avis dessus. Il aurait mieux dû écouter.

Pourquoi veux-tu savoir ?

La réponse à sa question par une autre question lui déplut. Pavel cherchait à protéger cette fille de lui ? Absurde. "Eviter de l'attaquer par mégarde ? C'est bien sur ma zone que tu l'as retrouvée, non ?" Si Klyde connaissait un peu plus la psychologie humaine à celle des démons, il pourrait savoir que cette brûlure qui le gênait tant portait un nom : la jalousie.

Il y avait la phrase pour ça. En rencontrant Céleste, Pasha avait légèrement hésité également. Collègue ou démon sans égal ? Si ça pouvait vraiment le consoler dans l'idée de pas accidentellement tuer l'un des leurs... d'accord. Elle... a les cheveux bruns. Jusqu'aux épaules. Et... ça s'arrêta là. Dur de décrire une personne. Pasha (qui avait eu du mal à même répondre oui ou non dans le passé) manquait le vocabulaire adéquat pour ce genre de descriptions. C'est une femme aux cheveux bruns. Que peut-on dire de plus ?