Rappel du premier message :



Dylann est à l'hôpital.

L'idée refusait de quitter son esprit même si Madame Slam l'avait rapidement rassuré en l'expliquant qu'il s'y trouvait pour Monsieur Kozume et qu'il avait juste besoin de l'aide d'un majeur pour les papiers administratifs. Pour un peu, il aurait tourné de l’œil tant le choc avait été violent, et s'en voulait d'avoir ajouté cette frayeur aux inquiétudes de Madame Slam.

Ils roulaient désormais vers l'hôpital public où Dylann avait mené Monsieur Kozume. Les événements étaient encore flous mais il semblerait que Monsieur Kozume se soit blessé en jouant à la balle avec Dylann. Dangereux ces choses-là, Cayden n'arrêtait pas de le dire aux cours de sport. Il avait heureusement réussi à se faire dispenser des jeux de ballons du fait de ses os fragiles. Et de ses griffes. Les profs en avaient eu marre qu'il perce les ballons. (Peut-être qu'il avait fait exprès une fois ou deux pour s'éviter cette gageure mais il était innocent la plupart du temps !... Il se sentait juste agressé par le ballon vrombissant vers lui tel un rapace affamé !)

Mais si la peur pulsait dans son esprit présentement, ce n'était pas la terreur des prédateurs ni la phobie de la foule ou du regard d'autrui. Même s'il y pensait, elles n'avaient pas prises sur lui. Qu'on voit un bout de ses plumes ou qu'on entende ses griffes cliquetant sur le sol lui importait peu. Il devait trouver Dylann et s'assurer qu'il soit sain et sauf.

Encore une fois, son ami allait bien plus vite que lui. Cayden en était encore à traiter l'invitation à rester (s'imposer) chez Madame Slam (n'allait-il pas gêner ?) que Dylann s'inquiétait du repas ! L'ornithothrope se secoua enfin pour lui sourire : "J'en connais plusieurs. Une que tu as même déjà goûté, et une nouvelle que je voulais tester." Sa gêne revint cependant au triple galop. "Mais tu es sûr que je ne m'imposerai pas ?"

"C'pas vrai ça..." soupirâla (un mélange entre soupirer et râler, si si) Dylann quand il craignait encore de déranger. "M'man parlait même s'pouvait voir pour être ta t'trice alors t'vois qu'tu... oups." C'était pas ça le "pas à mot à Cayden, j'aimerai voir avec lui avant que tu lui annonces" que Slam lui avait demandé la dernière fois ? Bon ben, loupé. "Heu... heu..." bugua le tamia sous sa boulette.

"Euh..." Il allait devoir expliciter un peu plus sa pensée, Cayden s'en rendait compte, mais il pataugeait dans la semoule. Et devenait rouge puis blanc puis rouge. "Euh..." essaya-t-il à nouveau, sans réussir à former une phrase. Ils avaient l'air fin avec leur concours de "Heu" et "Euh" !

"Et bien, t'vois... heu..." (Trois à deux, c'est bien Dyn, tu mènes !) "J'crois qu'l'mieux s'rai encore d'en parler avec m'mère" tenta-t-il de noyer le poisson mais la bourde était faite, autant la finaliser jusqu'au bout, non ? "T'viens, on r'monte." Mouais... elle n'en menait pas large non plus la peluche sur ressorts.

Emmaillotté dans ses ailes, Cayden hocha la tête derrière ses plumes rouges et suivit docilement son ami pour retourner dans la chambre de l'Oncle Ko. Même s'il avait aussi la féroce envie de courir dans l'autre sens ! Qu'allait-il dire à Madame Slam ? Il n'en savait vraiment rien ! Etre si perdu lui donnait envie de pleurer, alors même qu'il ne comprenait pas vraiment pourquoi il se mettait dans un tel état. La soudaineté de la nouveauté, sans doute.

A leur retour, Kozume était dans le même état physique qu'à leur départ. Il avait cependant la même mimique désolée de Dylann quand les profs le reprenaient pour son hyperactivité (surtout les accidents qui en résultaient à vrai dire). "Tout va bien les garçons ?" leur demanda aimablement Slam mais son radar de super maman devait être à l'affût. "Que s'est-il passé... ?"

A la question de Madame Slam, toute l'émotivité que Cayden essayait de réprimer lui sauta à la gorge. Dans un mouvement purement instinctif, ses ailes s'enroulèrent autour de lui, le transformant en cocon de plumes. Réconfortant... mais pas très utile pour soutenir une conversation. Il espérait que Dylann lancerait le sujet, parce qu'il n'était pas en état de le faire.

"Heu...." Ah tient, encore un. "C'rien, juste trop t'mide pa'ce qu'j'ai dit un truc sans trop r'fléchir" essaya de se dépatouiller Dylann mais au graaaaand sourire de Kozume, il devait s'y prendre très mal. "Et tu lui as dit que tu l..." commença l'oncle catastrophe. "Qu'm'man voulait être sa t'trice !" Déception manifeste du tonton et soupire de la matriarche. "Dylann..." "D'solé m'man" baissa-t-il les oreilles.

Sentant la tension de la famille, et sa propre culpabilité pour la chose, Cayden força son aile à descendre de son visage pour observer Madame Slam avec hésitation. "Me..merci... euh... d'y avoir pensé..." Et comment continuer ? Il ne savait pas par où commencer ! Que c'était trop soudain ? Qu'il ne voulait pas s'imposer ? Qu'il ne se sentait pas la force d'un autre bouleversement, soit-il aussi bénéfique ? Que... Que tout était en vrac dans sa tête actuellement ? Dans un gémissement, il remit son aile sur sa tête, en pur instinct.

"Et bien... je ne comptais pas aborder le sujet dans une chambre d'hôpital, ni de manière aussi abrupte, mais maintenant que le sujet est lancé... Cayden ?" reprit la maman en s'adressant la boule de plumes. "L'idée te dérangerait ? Nous serions très heureux de t'accueillir parmi nous et je comprendrai si tu as besoin de temps pour y réfléchir."

Le petit bout de nez qui était apparu sous une plume redisparut. Si cela le dérangeait ? Il ne voulait pas les déranger ! Et allait-il les blesser en refusant ? Voulait-il refuser ? Tout était si chaotique...

Cayden essaya des exercices de respiration pour tenter de calmer le rythme effréné de son coeur qui semblait l'étouffer. Mais il n'avait qu'une envie : bondir par la fenêtre (ce qui serait trèèès Dylann) et aller se lover dans son nid.

La perte de Maman avait été un chamboulement horrible. Partir de l'orphelinat avait été un chamboulement agréable. Mais ça restait un chamboulement. Et il y en avait eu un peu trop dernièrement !

"Laisse m'man, on en r'parl'ra à l'cole. Cayd n'aime trop z'hôpitaux, ça l'stresse" le sauva Dyn avec une semie-vérité. Le tamia sentait poindre un début de panique et ne voulait pas que le petit zozio se sente pris au piège. Sans les adultes, son ami serait plus à même de s'ouvrir à lui et de dire ce qu'il en pensait vraiment. Là, c'était... trop. "Oh bien sûr !" le rassura Slam en se doutant de la manœuvre. "D'ailleurs les garçons, le médecin est passé tout à l'heure. J'attendais votre retour avant d'aller m'occuper de sa sortie, il sera à la maison demain matin."

En entendant Dylann venir si adroitement à son secours, Cayden se sentit envahi d'une intense émotion de soulagement et de remerciement. Il sortit les mains de son cocon de plumes pour enserrer instinctivement le bras de son ami, usant de cette ancre pour revenir à la réalité. Mais il était tellement balloté dans une mer agitée de sentiments qu'il lui fallut encore de nombreuses minutes pour se ressaisir et abaisser peu à peu ses ailes. Ses yeux restaient cependant rivés au sol.

L'adolescent était bien trop occupé à s'assurer que la panique du petit oiseau pour remarquer l'échange muet entre sa mère et son oncle (ainsi que le large sourire de Kozume) à leur réaction. Dyn et Cayden étaient un tandem qui fonctionnait et ils respecteraient leur choix pour ne pas le briser. "Au fait, vous rentrez passer la nuit à l'école ou la maison ?" demanda innocemment (umph !) le blond.

Cayden avait encore trop d'émotions à fleur de duvet pour que la question, même innocente et simple, ne déclenche pas un sursaut paniqué ; une multitude de plumes rouges vinrent égayer le carrelage froid de la chambre. "Euh..." Et voilà qu'il avait retrouvé toute sa rhétorique ! "Comme ça vous arrange... pas m'imposer..." baragouina-t-il tout bas.

Dyn voyait la réponse de l'oiseau à double tranchant. S'il proposait la maison, Cayden allait sûrement paniquer mais s'il préférait l'école, il craignait que son ami lui balance un "tu vois que je dérange ta famille" plus tard. Que faire, que faire ? Oh, idée ! Et si Cayden se sentait utile pour sa mère et son oncle, il arrêterait peut-être de culpabiliser ? "L'est encore tôt, on peut r'tourner l'maison en att'dant qu'Oncl'Ko sorte... et on p'rra faire des cookies ! Cayden sait s'per bien l'faire avec d'lait d'amende !" Slam eut un doute – son fils dans une cuisine quoi ! – mais son frère approuva vaillamment l'idée.

Des cookies à un moment pareil ? Dylann en avait vraiment envie ? Et puis, l'Oncle Ko semblait aussi ravi à l'idée...

Cayden se rapprocha doucement de son ami pour tirailler légèrement sa manche, afin de lui chuchoter à l'oreille quand il eut son attention. "Tu es certain que je ne dérangerai pas ?" Si des cookies pouvaient aider l'Oncle Ko avec sa blessure, il n'allait pas l'en priver.

"T'sais qu'd'viens vraiment pénible avec ta question...?" ne put-il s'empêcher de souligner Dyn. Slam eut un sourire encourageant. "Je ne t'aurais jamais proposé de rejoindre notre famille qui tu nous dérangeais Cayden. Tu es chez nous chez toi, qu'importe ta décision finale." Elle eut également un petit toussotement. "Et je te serais infiniment reconnaissante si tu pouvais garder un œil sur Dylann aux fourneaux, ma cuisine a encore des séquelles de sa dernière tentative culinaire avec Kozume..." "Hey !! On voulait te faire des muffins !!" s'insurgea le blond.

Il ne réussit pas vraiment à percuter la discussion qu'il entendait sans l'enregistrer. Un mot était resté coincé à enrayer la machine de son esprit ; était-il si pénible que ça ? Cayden ramena sa griffe sous ses ailes en baissant les yeux. Il allait devoir faire attention dans ce cas. "Je suis tout aussi susceptible de faire des dégâts à la cuisine que Dylann." remarqua-t-il doucement.

"Je suis certaine que toi, tu sais utiliser un four" ne chercha même pas à relayer Slam sur la pitoyable tentative desdits muffins. "Puis t'veras, l'cuisine est vach'ment grande ! Pas comme à l'cole où s'tape dans tout, c'est a-dap-té" articula le tamia. Car ce n'était pas tant sa queue et ses griffes qui devenaient problématiques mais bien ses maigres capacités (et celles de son oncle) à préparer quelques choses de comestibles. Enfin... techniquement il pourrait s'il restait concentré sur ce qu'il faisait. Techniquement.

Continuer à argumenter avec de faibles arguments finirait par être susceptibles de tourner au pénible, non ? Cayden ne comprenait même pas d'où venait ce malaise qui l'étreignait encore. Il le fourra au fond de lui ; il allait se dissiper s'il arrêtait d'y penser, c'était sûr. "D'accord, si vous êtes prêts aux risques." convint-il finalement en tentant un sourire timide.