Dire que Furaha Nuru était excitée serait un euphémisme. Elle était surexcitée ! Au point d'en oublier qu'elle incarnait désormais la fonction d'enseignante et qu'elle n'était plus une élève à l'énergie débordante. Son énergie n'avait jamais cessé de déborder, même passée la trentaine. Pour l'occasion, elle avait revêtu une nouvelle robe confectionnée de sa joie et du doigté de ses mains travailleuses. Les étoffes chaleureuses de son Ethiopie natale la parait de couleurs chatoyantes rehaussées par l'or lumineux de ses bijoux, l'éclat d'écorce vive de sa crinière relâchée dans toute sa splendeur et le délice chocolat de son teint.

A ses côtés, Palasimbhala rugissait de rire alors qu'elle sautillait pour essayer de mieux voir et mieux entendre M. Cumulo dont la voix faiblissait mystérieusement. "Crois-tu qu'il nous ménage une surprise ?" demanda-t-elle à son ami d'Esprit. Sa taille de girafe lui permettait de surplomber le reste de l'assistance et elle nota soudainement, avec un froncement de sourcil, que Cumulo semblait un peu désappointé. Rien n'avait donc été prévu.

"Je! Nima kidha yajendelea?" La réponse de Palasimbhala fut encore plus incompréhensible. L'Esprit du Cycle de la Vie parut déconcerté en comprenant que plus personne parmi les non-Esprits ne se comprenaient autour d'eux, plongeant la clairière dans une cacophonie sans queue ni tête.

Furaha fit soudainement volte face : elle devait trouver son fils !

HRP:

Elina n'était pas très rassurée de se retrouver au milieu de toute cette foule, comme chaque année à dire vrai. Et pourtant, comme chaque année, elle était là, pour assister au nouvel an chamanique et au discours. Mais elle avait un mauvais pressentiment et pas seulement parce qu'elle n'aime pas la foule. Et elle n'avait pas tord, quand les uns et les autres se rendirent compte que le sortilège de traduction ne marchait plus ! Il fallait qu'elle trouve un professeur et vite.

Alors qu'elle fendait la foule d'un pas vif, personne n'osant rester sur son chemin devant l'air déterminé de son visage, Furaha remarqua que les élèves semblaient vraiment affolés par toute l'affaire. L'enseignante s'arrêta, indécise entre chercher son fils et s'occuper de ses élèves, quand Palasimbhala réapparut soudainement devant elle, baragouinant quelque chose d'incompréhensible. L'Esprit finit par s'asseoir d'un air calme. Il avait donc trouvé Jelani ? Elle devait en avoir le coeur net ! Mais sa bouche s'entêtait à ne parler qu'en queue sans tête. Comment donc réussir à communiquer avec lui ?

Les gens tout autour d'elle commençait à s'agiter, si bien qu'elle ne savait bientôt plus où elle était ni quelle direction elle devait prendre. Autour d'elle, tout n'était que cacophonie, assourdissante, incompréhensible, et lui donnait des vertiges. Incapable de bouger ses pieds, elle se retrouva subitement à terre, bousculée par une des nombreuses personnes qui ne semblaient pas faire attention à elle. Il fallait qu'elle bouge, avant de se faire écraser...

Ses tentatives de calmer les élèves se heurtaient à la barrière de la langue alors que ses gestes ne suffisaient pas. Et son propre affolement quant à la situation de Jelani n'arrangeait rien. Alors qu'elle allait se faufiler vers un endroit plus calme afin de réfléchir plus calmement, Furaha avisa une jeune fille tombée à terre et qui semblait littéralement submergée par le flot de la foule. Comme la parole avait déserté, elle poussa sa meilleure imitation du rugissement de la lionne pour dégager le passage. "Kl'ilshay eakilaatu kikoma yasawam ?" lui demanda-t-elle sans y penser en l'aidant à se relever.

Elina était terrifiée, elle semblait invisible aux yeux de tous et cru qu'elle allait finir sous le pied de quelqu'un, avant qu'un étrange rugissement de retentisse soudainement. Interloquée, elle remarqua alors une adulte qui semblait avancer vers elle et vint l'aider à se relever. Elle ne comprit pas ce qu'elle essaya de lui dire, mais en retour, elle lui adressa un sourire se voulant rassurant, avant de se pencher légèrement en avant pour exprimer son remerciement.

Furaha serra les lèvres pour retenir un juron bien senti, étonnée de se retrouver aussi énervée d'être démunie à ce point. Elle devait se reprendre, pardi ! Respirant calmement, l'enseignante s'astreignit au calme puis sourit à la jeune femme. Sa grande taille lui permettait d'avoir une vision dégagée des environs. Avisant un spot dégagé, près de l'orée de la jungle, elle attrapa la main de l'enfant pour la tirer en pointant la direction du doigt, qu'elle indiqua également d'un mouvement de tête. Il allait cependant falloir réfléchir à une méthode de communication un poil plus efficace...

Elina regarda longuement la professeur, sans savoir quoi faire. Elle fut, bien sûr, tenté de prononcer quelques mots, mais elle se ravisa rapidement en se rappelant que la traduction automatique ne marchait pas. Serrant machinalement sa main dans la sienne, elle hocha la tête en comprenant sa directive et la suivit, à l'écart de la foule. Mais maintenant, qu'allaient-elles bien pouvoir faire, alors que parlait, et sans doute écrire par la même occasion, ne marchait pas...

Une fois à l'abri de la foule, Furaha lâcha la jeune fille pour arpenter le sol en se frottant le menton, l'esprit accaparé par l'idée de vérifier auprès de Palasimbhala que son fils était en sécurité. Et accessoirement rentrer en contact avec son élève dont le prénom venait de lui revenir : Elina. Subitement, Furaha s'arrêta en tapant du poing dans sa main. "Niliwajapadat !" s'écria-t-elle en cherchant un bâton dans les environs. Le sol humide était parfait pour son plan. Elle venait de se souvenir de l'écriture égyptienne antique qui utilisait des symboles pour représenter des idées. Ce n'était pas des mots, ça devrait fonctionner !

HRP:

Elina profita du calme de ce petit coin pour détailler l'adulte avec elle. Il lui fallut d'ailleurs un certain temps avant de se rendre compte que c'était sa professeure d'histoire shamanique ! Bien qu'il faisait un peu sombre avec la jungle tout près, elle pouvait voir à quel point elle était magnifique comme ça alors que de son côté, elle avait vêtu une robe toute simple dans des couleurs pastel et s'était contenté de mettre un serre-tête pour tenir ses cheveux en arrière.

Furaha sourit à la jeune fille tandis qu'elle s'ingéniait sur le sol. Palasimbhala se rapprocha pour zieuter ce qu'elle dessinait. Son premier message s'adressait en effet au lion-antilope auprès duquel elle voulait se rassurer quant à Jelani.

Spoiler:

Il hocha vivement la tête et elle soupira de soulagement : son petit lion était sain et sauf.Une moue songeuse marqua ses traits un instant alors qu'elle s'inspirait de son dessin de Jelani en sécurité pour transférer le même message à Elina.

Spoiler:

Elina regarda avec curiosité les formes que venait de dessiner sa professeure. Elle savait que c'était des sortes de hiéroglyphes, mais elle n'en savait guère plus, ne s'étant jamais intéressé outre mesure à la culture de l’Égypte antique. De même qu'elle n'était pas certaine du message qu'elle voulait faire passer. Regardant les détails du personnage, elle supposa qu'elle lui demandait si elle allait bien, aussi hocha-t-elle le tête en guise de réponse.

Elina avait saisi son message ! Que l'Esprit du Cycle de la Vie comprenne son langage dessiné, elle ne s'en était pas étonnée, de par sa qualité d'Esprit, mais Elina lui fournissait la preuve qu'elle était vraiment compréhensible tant qu'elle se contentait d'idéogrammes. Les mots étaient juste hors-jeu pour un moment. Elle pourrait peut-être calmer la foule. Déjà, s'assurer de la sécurité de Jelani ! Elle effaça le point d’interrogation de son dessin et Palasimbhala hocha la tête avant de disparaître pour rejoindre son fils et le garder à l'écart de tout ce bazar. Maintenant... quel Esprit pourrait-elle invoquer pour transmettre son message ?

Elina resta un moment, pensive, devant le dessin sur le sol. Elle ne connaissait rien en hiéroglyphe, mais cela lui faisait davantage penser au rébus, qui fournissait, en soit, une manière de faire passer des messages, sans pour autant utiliser des mots. Cela pouvait très bien passer par des lettres et des dessins. Mais les sons sous-entendu dans sa langue ne marcherait sans doute pas dans la sienne... Prenant un bâton dans les mains, elle tenta quand même l'expérience, elle n'avait rien à y perdre de toute façon.

Spoiler:

Elina avait utilisé les lettres de l'alphabet latin... Furaha grimaça en jetant un regard désolé à la jeune fille. Ses langues natales s'écrivaient en alphabet arabe. Mais elle possédait suffisamment de curiosité pour comprendre que sa rose des sables pointait vers le nord. Et un cartable ?... Ecole ? Professeur ? Furaha leva les yeux pour regarder le soleil qui s'éveillait à l'est et s'en aida pour pointer le nord. Puis elle-même et Elina et encore le nord. Voudrait-elle qu'elles se dirigent vers le nord ? Mais une idée commençait à germer dans sa tête. Se mettre en hauteur pourrait cependant aider, en ayant de la terre humide à proximité.

Elina se laissa aller à pousser un long soupir. Bien évidemment que ça n'allait pas marcher, difficile de comprendre un rébus dans une autre langue. Enfin, au moins elle aurait essayé. Il lui fallait donc trouver autre chose. Des dessins plus simple, hiéroglyphes exclu, étant donné qu'elle n'en connaissait aucun. Bon. Elle essaya donc autre chose.

Spoiler:

De ce qu'elle comprenait, Elina se demandait si les Esprits étaient concernés par le problème de communication et si le souci était répandu à la Pyramide, à la jungle et à El Kuzco. Elle dessina rapidement ce qu'elle pensait de tout cela.

Spoiler:

Pour la deuxième question, elle ne savait pas et haussa les épaules. Elle profita d'avoir la parole le bâton pour dévoiler son idée, en espérant être compréhensible. Dur avec des idéogrammes... Son Esprit des Feux d'Artifice n'était pas très clair.

Spoiler:

De ce que Elina comprenait du premier message, c'est que l'esprit avec elle pouvait communiquer avec les autres esprits, mais pas avec les shamans. Au moins, ils n'auraient pas de mal à faire passer les informations entre eux. Quand à la deuxième partie de son message... Elle ne comprenait pas ce qu'elle voulait dire. Elle secoua alors la tête avec un regard désolé.

Comme elle le craignait, elle n'avait pas été claire. Pour éviter d'effacer son premier message, elle se décala pour dessiner à côté. Déjà, expliciter l'Esprit des Feux d'Artifice en réutilisant le dessin d'Elina.

Spoiler:

Puis elle tapota les deux mains jointes en pointant Elina puis elle-même et sa bouche qui mima des mots. La langue d'invocation ne devait pas être touchée... elle l'espérait. Enfin, Furaha essaya d'expliquer plus clairement son plan.

Spoiler:

Il ne restait qu'à trouver comment faire des feux d'artifice au petit matin... Oh des feux d'artifice magique, ça devrait le faire. Non ?

Elina comprit la première partie, elle parlait donc d'un esprit. Vu les dessins, elle supposa qu'elle évoquait donc celui des feux d'artifice, sans doute pour attirer l'attention des gens, pour leur faire passer un message comme elles le font en ce moment. Elle n'était pas trop certaine de la fin de son message ; les inciter à retourner chez eux ? Appeler le calme à revenir ? Elle hocha la tête. Bien qu'elle n'était sans doute pas la mieux qualifier pour ça, il fallait néanmoins faire quelque chose pour calmer la foule. Mais comment faire passer un message à si grande échelle ? Attirer les attentions, d'accord, mais après ?...

Un large sourire fleurit sur les lèvres de Furaha en voyant son élève comprendre son plan. Les idéogrammes pouvaient être un exercice laborieux mais elles réussissaient à communiquer l'une avec l'autre. Maintenant, il fallait décider de ce qu'elles allaient faire dire à l'Esprit des Feux d'Artifice au reste de la foule. "Calmez-vous ?" "Pas de panique ?"... Des idées trop abstraites à dessiner. Demander le calme, oui, mais plus simplement.

Spoiler:

Puis ensuite leur préciser de chercher d'autres moyens de communication que la voix.

Spoiler:

Souriante, Furaha se tourna vers Elina, guettant son avis.

Elina eut un petit sourire joyeux en comprenant ce que voulait dire sa professeure. Elle hocha alors de la tête, mais il restait à savoir comment entrer en communication avec l'esprit des feux d'artifice. Elle-même commençait tout juste à étudier la langue d'invocation et elle n'était pas certaine de pouvoir tenir une assez bonne conversation avec un esprit. Mais surtout, comment faire pour le trouver, est-ce qu'il avait aidé à préparer la fête ?

Spoiler:

Mmh... C'était là une bonne question. Mais avec le petit matin, l'Esprit des Feux d'Artifice avait dû prendre sa retraite. Personne n'aurait aimé voir le soleil du nouvel an être camouflé, même pour des feux d'artifice supplémentaires. Mais il allait bien falloir pour faire passer leur message. Quoi qu'il en soit, où qu'il se trouve, elles pouvaient l'invoquer.

Spoiler:

En complément de son message, elle tendit le bras vers Elina puis vers elle en accompagnant le geste avec un clin d'oeil et un sourire. "On peut le faire."

Elina la regarda dessiner un nouveau message et se sentit un peu nerveuse. Elle n'avait jamais invoqué d'esprit par elle-même et n'était pas très sûre d'elle. Néanmoins, la professeure se voulait rassurante et lui redonna malgré tout, un peu de confiance. Elle hocha alors la tête, bien qu'un peu nerveuse.

Avant toute chose, Furaha devait vérifier si son hypothèse pour la langue d'invocation se confirmait. Si elles commençaient à énoncer la formule d'invocation en proférant des bêtises, les choses allaient forcément mal tourner. L'enseignante fouilla donc le sous-bois pour trouver un bâton beaucoup plus fin que le premier afin d'écrire dans la terre ; elle ne se promenait malheureusement pas avec un stylo (elle utilisait des plumes ou des calames de toute façon) et du papier. Une fois la première phrase écrite, elle se tourna vers Elina en haussant un sourcil questionneur.