HRP:

Il n'aurait pas dû rire. C'est sûr qu'elle allait se réveiller. Dur, quand même, de ne pas rire quand tu viens de prendre une sacré tonne de photos non-flatteur d'une camarade endormie. Hahaha, t'avais qu'à pas t'endormir ici. Depuis qu'il avait procuré — c-à-d volé — son tout nouveau portable, un iPhone de première génération, Dalton n'était plus obligé de rester collé derrière l'écran d'ordinateur pour s'amuser. Le wifi dans la poche. Une caméra. Tout ce qu'il avait besoin sur un seul appareil.

Le mauve ricana. C'était plutôt clair qu'il faisait des bêtises (comme d'hab). Oh, rien du tout. Rien du tout, my ass. Heureusement qu'Instagram n’existait pas encore. Fesse-de-bouc, par contre... Qu'est-ce que tu fiches encore à t'endormir autre part que dans ta chambre, toi ?

Et ça le faisait rire. M'enfin, mémé Boa. Qu'est-ce que j'pourrais bien faire avec un téléphone ? Elle n'avait que 27 ans, mais avec les (presque) dix ans de différence d'âge, ça avait été tellement facile de jouer le coup de la vieille. Mamie, mémé, maman. Tous les M. Le genre de surnoms qu'on donne seulement à quelqu'un qu'on apprécie. Surtout quand on aime taquiner le monde.

Il se pencha vers elle pour mieux lui montrer l'écran. Twitter c'est un réseau social. En gros, tu peux envoyer un message de maximum 140 caractères. Un peu comme un microblog, si tu veux. Genre... Il fit mine de réfléchir, puis commença à taper un message tout en le lisant à haute voix. "Quand mémé essaye de comprendre la technologie... http://twt.tl/yHdlzbBV "

Aïe, quelle violence ! Ca t'oblige de rester bref. C'est plus intéressant. Les gens n'ont plus le temps pour raconter leur vie de nos jours. (Ni de lire la vie des autres !) argumenta-t-il, Et puis le systèmes des hashtags est vachement pratique.

Ouais, c'est ça. Dalton hocha la tête. Ses doigts tapaient déjà furieusement sur son écran à la recherche des tweets regroupés sous #mutant ou #mutants. Haha, un peu les conneries habituelles, comme tu peux le voir. Il tourna l'écran pour lui montrer les messages de haine qui avaient tendance à s'afficher sous le hashtag concerné.

Haha ! Peut-être. C'est plutôt qu'il cherchait les ennuis. Depuis son arrivée à l'Hotel, Dalton avait été l'un des mecs les plus bruyants à propos de l'injustice que ressentait la grande majorité des mutants ici. Alors que les anciens utilisaient les vieilles stratégies querelleuses, le mauve se vocalisait surtout sur les réseaux sociaux. Mais ce genre de trafique marche aussi dans le sens inverse. C'est tellement facile de provoquer les gens.

Oh steuplait. J'ai jamais été "kawaii". Il secoua la tête. C'est mon p'tit frère ça. Il n'y avait pas (encore) une appli assez populaire pour se montrer au monde entier en petite tenue, mais ça n'allait sûrement pas durer. Très bonne idée, d'ailleurs. Et ça marche peut-être pour les gonzesses, mais si j'me balade en slip, moi, c'est plutôt pervers que provoquant.

Oooooh la la, j'me fais draguer là, mémé Boa ? Il ricana. T'inquiète. J'le prends comme un compliment, malgré ton âge mature. Plus sérieusement, elle avait sûrement raison. Sa tronche mauve était quelque chose digne de partage sur le net.

M'ouaaais. Quelle hésitation. J'ai pas besoin de likes pour me sentir bien dans ma peau. Un jour peut-être, dans le passé, mais il avait fait du progrès depuis son arrivée chez Magneto. Dalton était beaucoup plus confortable avec le reflet qu'il voyait dans le miroir. (Un peu trop même, certaines mauvaises langues diront.) Toi, par contre, il est fort temps de te profiler sur le net. Ta vie virtuelle est quasi inexistante, là.

T'as pas le choix, mamie. La révolution virtuelle a déjà commencé. Le monde change et si tu t'adaptes pas, tu vas devenir un d'ces idiots paranos avec un chapeau en aluminium. Il fit glisser ses doigts sur l'écran de son smartphone. Donc, ton pseudo. On fait quoi ? (Et arrête de me faire mal au passage, 'spèce de violente.)