CONTRAT DE NOT'RP !

- Statut du RP : ouvert aux incrustations surprises (2)
- Tour de jeu : Dans l'ordre d'arrivée
- Délai maximum d'attente de réponse : Une semaine
- Nombre de sauts de tours autorisés avant que le délai d'attente ne soit plus pris en compte pour le joueur attendu : 3
- Autre : -

Un matin de plomb chapeautait la capitale russe. L'été continental brûlait les pavés de la ville rouge, emprisonnant le moindre souffle de vent. Autour de l'église, vêtus de leurs plus beaux atours, les gens de tous milieux sociaux se mêlaient, habitués et visiteurs mélangés dans un brouhaha à peine atténué par les cloches sonnant l'appel.

Suant sous sa veste et sa casquette en coton, Lyov pressa le pas, ses bottes battant le pavé. Il entra sous le parvis, glissa sa main dans le bénitier pour se signer devant l'autel avant de prendre place au fond de l'église, écoutant religieusement les déblatérations du prêtre. Son oncle lui avait apprit le latin, ce qui n'avait pas rendu la messe plus intéressante pour autant mais il aimait toujours autant les hymnes. Sa voix de baryton se joignit aux autres pour la partie chanté, butant parfois sur certains mots russes.

Iekaterina ne se sent plus vraiment le droit de rentrer dans la maison du Seigneur, pourtant parfois habitudes et détresse sont les plus fortes. Comme aujourd'hui. Elle entre, se signe, n'ose pas dépasser la rangée du fond, passe le plus clair de la messe à genoux et boit les paroles du prêtre comme un élixir de salut. Le sermon parle d'eux. Il fait mal. Elle baisse la tête, craignant soudain que quelqu'un la reconnaisse, pourtant personne ici ne la connaît. Hormis peut-être le Médecin, à quelques places d'elle.

Elle sursaute à l'interruption, glisse un regard outré à l'homme. Son anglais est un peu rouillé faute de pratique, mais à la différence de ses voisins elle reconnaît l'essentiel, complète ce qui manque avec son russe natal. De quel droit reprend-il un homme de Dieu ? De quel droit se pique-il de mieux comprendre le Livre qu'un prêtre ? Elle a peur aussi, qu'il attire l'attention sur lui, sur elle, mais personne n'a compris l'anglais, et le saint homme ne s'interrompt même pas, habité qu'il est par son sermon.

Le Médecin recommence à commenter le Livre par le Livre, et cette fois c'en est trop pour la veuve. Croit-il être en droit d'intervenir, à voix juste assez haute pour défier le prêtre sans y prétendre ? Est-il docteur en anatomie, ou en théologie ?! "Prithee..!" Elle ne sait plus si ce "je vous en prie" indigné et prononcé à mi-voix s'utilise isolément, mais au moins il devrait comprendre et laisser le sermon s'achever dans le calme. A moins de rechercher un esclandre... mais quel intérêt ?

Et il sourit. Il a le culot de sourire ! Quel insolence. Elle ne devrait plus lui accorder un regard, mais elle ne le lâche des yeux que lorsqu'il replonge sagement dans son missel. Sur le parvis c'est encore lui qu'elle voit, trop près, et après quelques secondes à se mortifier davantage en écoutant les commentaires des uns et des autres, qu'elle partage de tout cœur qui plus est, elle ne peut s'empêcher de l'aborder - à voix basse et en anglais. "Vous prend-il souvent d'assister à l'office pour donner votre propre messe ?"

La réponse est immédiate. "Qui êtes-vous pour en décider, Docteur ?" L'insolence de tantôt l'agace, le sourire l'agace, la suffisance l'agace, tout l'agace. Il a au moins le bon goût d'être surpris de son intervention. Le sera-t-il de l'annonce de sa profession ? Exerce-t-il dans le civil ou seulement auprès des abominations ?

Dangereuse pente. "C'est lorsque les profanes lisent les ouvrages saints sans l'éclairage des hommes de Dieu que naissent les hérésies. Le libre arbitre n'a pas été donné aux hommes pour qu'ils salissent le nom de Dieu par leur ignorance, leur orgueil et le sang versé par leur mauvaise lecture des Evangiles." Iekaterina s'interompt et jette un coup d’œil discret aux dévots, inquiète qu'on puisse soupçonner leurs messes basses dans une langue étrangère.

"La Bible n'est pas un roman de gare, Docteur !" Elle est outrée, à mi-voix mais outrée. Et plus elle est outrée, plus il sourit, plus il l'outre. Passer outre ? Et puis quoi encore ! "Ce n'est pas une lecture "intéressante", c'est une lecture sacrée ! A quelles autres extrémités votre "esprit critique" vous pousse-t-il ?" Si elle l'avait rencontré avant, elle en aurait aussitôt parlé à son confesseur - il lui aurait sans doute conseillé de le dénoncer comme hérétique ou sympathisant des démons.

Elle ne le comprend pas. Elle n'est pas sûre de vouloir comprendre quel cheminement tortueux ses pensées ont bien pu suivre pour en arriver à pareilles conclusions. "Ainsi les Ecritures n'ont pour vous qu'un simple intérêt ? Aucun appel à la modération, aucun espoir de salut et de rédemption, uniquement la "célébration" aveugle et la contradiction des ministres du culte ?" Que votre vie doit être triste.

Spoiler:

L'inconnu a baissé d'un ton. Iekaterina se calme quelque peu. "L'erreur par ignorance est pardonnable, mais celle commise par orgueil l'est-elle ? Pourquoi sauriez-vous mieux que le clergé quelle est la bonne voie ? Et en quoi s'opposer à l'ordre établi fait-il avancer quoi que ce soit, hormis le chaos ?"

"Le peuple d'Israël était guidé par Moïse. Qui vous guide et vous donne l'autorité d'aller contre l'ordre établi et la parole du Vatican ? Un prophète ? Personne ? Vous prétendrez-vous alors prophète de ce siècle ?" Il n'en aura pas l'audace. Elle l'espère. Il a des idées dangereusement hétérodoxes, mais semble tout de même assez raisonnable. Le monde est bien assez troublé ainsi, il n'a pas besoin de faux prophètes semeurs de discorde et annonciateurs de chaos.

"J'en serais bien désolé mais en réalité, j'en suis heureux. Cela faisait longtemps que je n'avais pas pu converser dans ma langue maternelle" Pieu mensonge mais il n'était pas de ceux qu'un joli minois faisait tout oublier "Qui plus est sur un sujet aussi complexe et profond que la Foi et la religion. Mes pairs ne sont que rarement croyants. Ce fut un honneur et un plaisir de vous rencontrer demoiselle."

Plaisir non réciproque, est-elle tentée de répondre. Pourtant, quelque part, parler de ce sujet sérieux lui a fait plus de bien qu'elle n'aurait cru. "Avec votre permission, vos pairs ont bien tort. Où cherchent-ils secours, réconfort et sens à la vie ?" Quant à savoir s'il vaut mieux une foi biaisée ou pas de foi du tout... "Madame."