Originaire d’une banlieue dans l’État du Texas, Savannah avait grandi dans une famille de cinq enfants, dont elle est l’avant-dernière. Sa mère, femme au foyer, s’occupait d’eux ; elle était une bonne mère, qui nourrissait et éduquait bien ses enfants, mais elle montrait une certaine indifférence envers eux. Son père, au contraire, passait le plus clair de son temps libre avec eux, leur inculquant ses idéaux et leur donnant une attention salvatrice, bien qu’il n’exprimât pas son amour pour eux par des gestes. Auprès d’eux, Savannah apprit ce qu’était le travail et son importance, le partage et la charité, le devoir et les responsabilités, mais également ce que les « connards de blancs » avaient fait subir à toutes les personnes de couleur.
Durant sa jeunesse, Savannah était persuadée que son père disait la vérité, et elle ne se mêla jamais aux blancs.

Rien, jusqu’à son adolescence, ne présageait ce jour fatidique où elle découvrit ce qu’elle était. Elle jouait avec sa petite sœur, mais celle-ci, en courant, trébucha et tomba la tête la première sur le rebord de la marche du perron. En vérité, Savannah comprit aussitôt le danger, elle tendit la main, et la chute de sa sœur devint d’une lenteur telle que son grand-frère, l’aîné, parcourut les quelques mètres qui le séparait de sa cadette pour la rattraper. Il fit en sorte que la plus jeune ne se rende compte de rien, et il cessa le jeu. La jeune mutante se souviendrait toujours de l’expression d’horreur de son grand-frère, qui lui fit jurer de ne jamais révéler cela à quiconque ; et surtout pas à leur père.

Elle tint parole et grandit, apprenant en cachette ce qu’elle était et comment était traitées les personnes de son genre. Néanmoins, une chose en amenant une autre, un autre accident survint, durant lequel elle utilisa – par réflexe – ses pouvoirs. Son père était là. L’année de ses 16 ans, son monde devint un enfer, son père la traitant de monstre et la forçant même à manger dans une autre pièce. Par chance, il vit comme une honte de révéler aux voisins ce qu’était sa fille – elle put, à la sortie du lycée, s’enfuir et se fondre dans la masse.

Savannah apprit à vivre seule, ne rechignant pas au travail, mais elle garda une forte rancœur envers son père. Cet homme, qui détestait les blancs pour avoir brimé leur peuple durant des siècles, faisait la même chose qu’eux avec les mutants. La jeune femme voulait se battre pour ce qu’elle était – un peu comme Rosa Parks. Mais elle ne connaissait personne de sa condition, aussi apprit-elle à utiliser Internet intelligemment. Là, elle se fit repérée par un groupe qui lui proposa de la rejoindre. En échange, elle ne demanda qu’une chose : une arme à feu.
Grâce à ses dons, elle put mettre en erreur les scientifiques sur l’heure de la mort de M. Parks, lui offrant un alibi en béton. De plus, ils ne retrouvèrent pas l’arme du crime, et ne trouvèrent aucun achat de ce type dans sa famille. Elle était dans le train, munie d’une maigre valise, en direction de l’État de New York.

 

 De ce qu'on lui a raconté, Thérèse était née dans un hôpital et elle aurait été envoyée aux services secrets pour qu'on la dissèque, si ses parents n'avaient pas été très pieux. Ils ont préféré laisser le monstre dans un convent, auprès de Dieu, afin que Sa bonté et Sa miséricorde l'accompagnent – enfin les conneries habituelles pour ne pas avouer qu'ils trouvaient leur fille dégueulasse à voir.
Maria Snyder, une sœur d'une trentaine d’années, avait accueillis les parents, puis recueillis l'enfant. Bien que toutes les sœurs du couvent s'occupèrent de l’enfant, c’était Maria qui passait le plus de temps avec la mutante. De fait, le choix du nom lui était revenu : bouleversée par l'apparence de ce bébé qui, elle le savait, serait un lourd fardeau, elle avait décidé de la baptiser du même nom que Sainte Thérèse de Lisieux, qui prônait jadis un amour et un dévouement simples à Dieu.

Les premières années de sa vie, Thérèse ne sortit pas une seule fois du couvent et de ses environs. Elle n'en ressentait pas le besoin, et les sœurs s'occupaient bien d'elle, lui offrant amour et apprentissage. À cause de son apparence, elles décidèrent d’un commun accord de ne pas l'envoyer à l'école publique, aussi faisaient-elles son éducation. À vrai dire, bons pédagogues ou bon élève, toujours était-il que Thérèse était en avance sur son âge – cependant, je vous épargnerais l’épisode du « Comment on fait les bébés », qui fut folklorique.

Tout aurait pu continuer à bien se dérouler, mais un jour, la petite Thérèse, qui grandissait et voulait voir le monde, demanda à aller à l'école – elle avait alors 8 ans. Cette demande avait créé une panique chez les sœurs, qui ne voulurent pas refuser une demande si légitime, mais qui connaissaient les risques. L'intelligente enfant, voyant l'agitation, avait littéralement écouté aux portes lorsque Maria, sa mère, s'était entretenue avec la Mère Supérieure.
« C'est une enfant de Dieu, comme nous toutes, et elle mérite de découvrir le monde dans lequel elle vit, avait plaidé la bonne sœur.
_ Je le sais, et nous le savons tous. Mais les autres enfants ne le savent pas, et ils ne verront que son apparence extérieure, ils n'arriveront pas à l'accepter parce qu'elle est différente. »

Néanmoins, à force d'insistance, Thérèse put aller à l'école avec les autres enfants. Ce jour-là, elle avait été si heureuse, que sa chute fut vertigineuse.
« C'est un monstre ! »
« Elle est laide ! »
« Elle a pas sa place à l'école, elle devrait plutôt aller au zoo ! »
Mais, la pire de toutes ces remarques, avait été celle d'une jeune fille qui était venue lui dire bonjour, et qui avait alors dit, d'une voix gentille et compatissante :
« Tu as mal ? Est-ce que tu es gravement malade ? »

Des années plus tard, cette unique journée d'école demeurait toujours un puissant traumatisme pour Thérèse. Lorsqu'elle avait demandé à Maria, celle qu'elle considérait comme sa mère, si elle était une enfant du diable, la mutante avait reçu cette réponse : « Non, tu es et demeures une enfant de Dieu. Mais s'Il t'a faite ainsi, ce n'est pas pour te punir, ou te mettre à l'épreuve, mais c'est pour mettre l'humanité à l'épreuve. »

Mettre l'humanité à l'épreuve : ces mots l'avaient marquée.
À l’âge de 14 ans, alors que Thérèse ne savait plus quoi faire, tant le monde extérieur lui faisait peur, une voiture luxueuse mais griffée de tous les côtés s'arrêta devant le bâtiment. Un vieil homme et une belle femme en sortirent, et ils ne demandèrent qu'un maigre repas. Or, par un beau temps, Thérèse était dehors, et aidait dans le potager. Malgré la distance avec les bâtiments, sa peau avait su attirer l'œil de la femme. Cette dernière était alors sortie.
Grâce à sa langue bifide, la mutante avait senti qu'une inconnue s'approchait d'elle. Comme à son habitude, elle avait cherché à fuir, mais quand elle comprit que l'autre la suivait, elle s'était cachée derrière un arbre. Les bruits de pas s'étaient arrêtés, et Thérèse priait Dieu pour qu'elle s'en aille. Elle ne voulait plus être traitée de monstre, d'animal ou de personne malade. Hélas, la femme ne semblait pas décidée à partir.
« Pourquoi te caches-tu ?
_ Parce que je ne veux pas que vous me voyiez.
_ Pourquoi ?
_ Parce que je suis différente.
_ Moi aussi, je suis différente. »
Lorsque Thérèse sortit de sa cachette, elle vit la femme devenir bleue. Ce qu'elle ressentit à ce moment-là fut d'une telle force que la jeune fille vit son monde basculer sous ses yeux. Au couvent, la télévision n'était pas très appréciée, aussi croyait-elle être la seule avec une telle apparence. Mystique eut un sourire.
« Tu es une jolie fille. » lui dit-elle.

À partir de ce jour, Thérèse voua à ces deux personnes une admiration sans faille. En tant que mineure, elle continuait à habiter au couvent, mais elle voyait ses frères mutants régulièrement. Mystique lui apprit à s'aimer telle qu'elle était, et Magneto la convainquit de ses idéaux avec une facilité déconcertante – cela faisait trop longtemps qu'elle doutait de Dieu, il ne lui fallait qu'une nouvelle foi pour abandonner l'ancienne. Bien évidemment, si Maria avait vu cette amitié d'un bon œil au début, elle avait compris plus tard que sa fille n'était plus une enfant de Dieu.

À sa majorité, Thérèse rejoignit le camp de Magneto, et elle se battit à ses côtés. Avec sa force naturelle, la mutante était devenue redoutable au combat au corps à corps. Très vite, elle prit goût au fait d'étrangler ses ennemis – ce qui lui avait valu son surnom, le Boa constrictor. Bien qu'elle râlât pour la forme, elle appréciait ce nouveau nom. Et puis, Thérèse c'était tellement démodé…