Calypso, raconte-nous une histoire ! Mer 15 Aoû 2012, 06:59
Plop, voilà comme promis mon introduction de mon petit roman, je rappelle que celui-ci cible un public jeune, si vous voulez je mettrais le prochain chapitre par la suite (l'introduction est très très courte par rapport au chapitre)
Le monde inversé
Introduction
Première partie : the end is where we begin
Chapitre 1 : Plume de Sang
Vos commentaires sont les bienvenus !
Le monde inversé
Introduction
- Spoiler:
- Montreux, vendredi 24 juin 2017 – Jour J
Je m’appelle Solyane Berger, et en ce vendredi soir ma vie va se terminer. Je ne comprends pas comment tout ceci a pu arriver si vite, ni pourquoi c’est arrivé à moi. Il y a à peine dix jours, si vous m’aviez dit que j’allais devenir ça, je vous aurai ri au nez. Et pourtant… Grâce de ces ailes, me voilà sur un des nombreux pontons de Montreux, regardant le soleil se coucher. Une toute dernière fois. Un magnifique coucher de soleil, comme je les adore. Ils vont me manquer ces couchers de soleil. Si beau, si majestueux… Depuis 21 ans que je vis, c’est ici que je vois les plus beaux couchers. Malheureusement, une voix d’homme me ramène à la dure réalité
« Berger, faut qu’on y aille ! »
Je me retourne et m’avance sans empressement vers ceux qui m’attendent avec impatience, cachés à l’ombre d’un arbre. Chaque pas est un véritable déchirement pour moi. Il y a quelques heures, j’étais certaine que c’était la meilleure solution, que je devais quitter ce monde. Pourtant, ça fait quand même mal... Je porte ma main à ma bouche pour l’empêcher de crier, je n’ai plus le droit de pleurer ou de m’apitoyer maintenant. Je serre les poings et adopte un visage aussi serein que possible. Lorsque j’aurai atteint cette voiture, celle-ci m’emportera loin de Montreux, loin de ma vie de jeune fille heureuse.
Pour ma maman que j’aime, pour Hugo, mon amoureux, pour Marion malgré ce que tu m’as fait. Je ne vous oublierai jamais et vous aime pour l’éternité.
Nous nous envolons alors vers le portail au dessus de la tour d’ivoire de Montreux.
Première partie : the end is where we begin
Chapitre 1 : Plume de Sang
- Spoiler:
- Chapitre I : La plume de sang
10 jours plus tôt – J-10
« - Ouah baillai-je complètement endormie. Pardon Hugo, tu disais ?
-Je disais que le contrôleur arrive, sors ton AG »
Je me trouve actuellement dans le train qui m’emmène à Genève pour aller en cours. Comme tous les matins à 7h, je suis toute endormie… Et comme chaque lundi matin, Hugo est en pleine forme ! Il voit tout ce qui se passe dans le train, même le contrôleur moustachu – que l’on surnomme Luigi, par son accent italien et sa moustache noire et touffue – à l’autre bout du wagon. Hugo passa un bras autour de mes épaules et me dit d’une voix réprobatrice :
« - Alalala… Tu ne serais pas aussi fatiguée si tu n’avais pas geeké toute la nuit !
- Roh ça va hein, me défendis-je, j’ai pas été trop longtemps à l’ordi hier en plus !
- Ah bon ? Demanda mon copain en haussant les sourcils. T’as éteins à 21h, comme une gentille petite fille sage ?
- Non… soupirai-je
- Haha, avoue alors ! Quelle heure hein ? Dis-moi tout !
- 3h du mat’… dis-je, un peu honteuse. »
Hugo soupire et dépose un baiser du bout de ses lèvres sur mon front. Souriant et oubliant cette révélation dont j’étais peu fière, je me penche vers la fenêtre et regarde le beau lac Léman et ses rivages. Nous venons de passer la gare de Rivaz sans s’arrêter, ce qui est normal étant donné que ce train ne se stoppe pas avant Lausanne. Je remarque aussi les gouttes de pluie s’écraser avec acharnement contre la vitre, ce qui efface mon sourire.
Le temps n’était vraiment pas clément… J’avais jamais vu ça : en début juin, les températures avoisinaient les 40° avec un soleil éclatant ! Et ce jusqu’au 7 juin, mais depuis… De la pluie et des orages (si ce n’est pas de la grêle) sans répit, avec des températures de 10 à 15°C ! Le climat est vraiment trop bizarre, mais tellement passionnant ! C’est la raison pour laquelle je fais mes études à la station météorologique de Genève, afin devenir une météorologue ! J’ai envie de comprendre comment tout cela fonctionne, pourquoi il y a ce dérèglement climatique, pourquoi la prévision semble si compliquée… Et si tout va bien, dans un mois j’aurai mon diplôme !
« Bonjour mademoiselle, votre billet s’il vous plaît. »
Je m’excuse rapidement et sors avec empressement mon AG. Je revois vite fait la photo d’identité : les cheveux bruns clairs légèrement ondulés jusqu’aux épaules, des yeux bleus comme le saphir et une peau caramel sans impureté, il faut dire que j’ai un joli minois ! Par contre sur la photo, pas de sourire. Les photographes nous disent toujours d’être plus inexpressif que la chaise sur laquelle on est assis quand on fait des photos d’identité… Quel dommage !
Après avoir vu nos abonnements, le contrôleur nous laisse tranquille et continue sa tournée. Je me repose sur l’épaule de mon copain pendant que celui-ci pose avec douceur ses lèvres sur mon cou, sans rien dire. Ce petit bisou à cet endroit me fait toujours frissonner de plaisir, je me sens vraiment bien avec lui.
Hugo Marguet est grand, musclé, les yeux verts et de courts cheveux blonds, titulaire de l’équipe suisse de basket et un véritable amour! Il est vraiment très généreux avec moi comme avec les autres, toujours à protéger les faibles quand ils en ont besoin. Une sorte de Robin des bois version suisse ! Et surtout, il est toujours là quand je veux le voir…
« Putain mais tu te fous de ma gueule, connard ?! »
Ce cri me fait sursauter, il vient des sièges devant nous : le contrôleur est en face d’un voyou musclé et vraiment effrayant, dardant un regard de hyène sur le pauvre fonctionnaire.
« Je suis désolé Monsieur, mais si vous n’avez pas votre titre de transport, ni carte d’identité, vous devez soit venir avec moi, soit me payer sur le champ 200 CHF, s’explique le contrôleur. Ceci fait partie du règlement Monsieur.
- Ta gueule, j’en ai rien à foutre de ton règlement, lui réplique sans réfléchir le jeune aigrefin vraiment agressif. Casse-toi, bouffon.
- Souhaitez-vous venir avec moi ou payer directement sur place, Monsieur ? demande à nouveau le contrôleur d’une voix calme mais légèrement tremblante »
La racaille se lève et lui plante violemment le doigt dans le torse du contrôleur. Puis il lui hurle à 2 centimètres du visage :
« - J’ai pas de fric à te filer, mec ! Maintenant tu me lâches ou sérieusement je vais te buter !
- Mais … Monsieur… »
Mais quel imbécile ! Pensai-je Si le contrôleur insiste, il risque vraiment de mal finir ! J’ai beau sincèrement envie d’aider ce pauvre employé, je ne pouvais que serrer mes lèvres en espérant qu’il fuirait. Je ne suis qu’une jeune fille de 21 ans… Mais malheureusement, comme bien souvent, les contrôleurs ont pour mauvaise réputation de vouloir se prendre pour des héros.
Hugo cesse de me serrer dans ses bras et part se placer à côté du contrôleur, il sert l’épaule de la racaille avec sa main et lui dit d’une voix remplie d’assurance.
« Ecoute mon gars - ! »
À ce moment, le train freine à toute puissance avec de fortes secousses. Tous les passagers hurlent et manquent de tomber de leur siège. Par contre, les trois hommes se disputant sont jetés par terre à cause de la violence avant que Hugo n’ait pu finir sa phrase.----
Tous ont du se tenir pour ne pas tomber à cause du choc. Les moins angoissés essaient de se rassurer, et les autres crient ou se plaignent. Pour ma part, je suis à genou par terre me tenant fermement au siège devant moi et mes yeux cherchent Hugo avec inquiétude.
« Mesdames et messieurs, nous vous prions de nous excuser… blabla… Accident de personne sur les voies… blabla… Notre train redémarrera dans quelques instants. »
Chacun vérifie que personne n’est blessé, sans vraiment prêter attention au message du conducteur via le magnétophone. Les accidents de personnes, c’est-à-dire les suicides sur les voies ferrées sont très à la mode depuis deux mois, il y en a une vingtaine par jours, rien qu’en Suisse… Je me redresse, cherche Hugo et vois ses jambes, par terre, deux rangées plus loin.
Peur.
Hugo ne semble pas vouloir se relever, je n’entends pas le voyou en train de le secouer, paniqué. Je n’entends plus que mon cœur qui bat la chamade. Je m’avance fébrilement en me tenant aux sièges pour ne pas défaillir.
J’ai peur. Peur qu’il soit arrivé malheur à mon âme-sœur. Après deux pas, je vois maintenant le bas de son corps, totalement inerte. Je repousse le contrôleur de mon chemin.
Je vois Hugo.
Mon corps tremble, des frissons de détresse me parcourent le corps, mon cœur s’affole, mes jambes s’accroupissent vers la tête de mon amant. Refusant de croire ce que voient mes yeux, je perçois mes mains se déposer doucement sur ses cheveux blonds et sur le côté droit de son visage pâle. Je ferme les yeux. Les larmes qui les inondaient débordent sur mes joues.
Je sens quelque chose de chaud couler sur la paume de mes mains.
J’ouvre les yeux à nouveau. Je retire mes mains et vois qu’elles sont recouvertes de sang. Le sang de Hugo. C’est comme si c’était la première fois que je voyais du sang. Cette essence de la vie, celle qui fait tant peur à tout un chacun. Pourquoi ce fluide collant et nauséabond est-il si effrayant ? Sa couleur est pourtant si jolie… Mais il était à Hugo, ceux qui le perdent souffrent et tous se devaient de le garder pour que son âme ne s’échappe de sa prison de chair.
Si Hugo mourrait… Que deviendrai-je ? Cela fait 4 ans que nous sortons ensemble. Nous nous aimons chaque jour un peu plus, nous trouvons chaque matin dans le train, et chaque soir au retour aussi. Le week-end, je vais dans son appartement, je cuisine pour lui le soir et en échange il fait la vaisselle. Le matin il va chercher le pain et m’apporte le déjeuner au lit. Si nous ne nous voyons pas le soir, nous passons des heures au téléphone. Cet Homme est toute ma vie. S’il mourrait…
Je ne pourrai pas le supporter.
Mes mains tremblantes de sang se posent sur mon visage, comme si je voulais arrêter le cri de mes larmes brûlantes… Je sanglote. Il n’avait pas le droit de m’abandonner, pas lui. N’importe qui d’autres, j’arriverai à accepter sa mort, mais pas lui.
Pas mon Hugo.
Pourquoi est-ce qu’il a fallu que ça arrive à lui ?! Ma bouche se déforme en un rictus de dégout. À cause de mon incapacité à sauver l’être qui m’est le plus cher au monde. Je me mets à crier aussi fort et aussi longtemps que possible. C’était un cri de dépit, de rage et d’impuissance. Ma moitié allait mourir, et je ne pouvais rien faire.
Pendant que je criais, je n’ai pas entendu pas le voyou dire que Hugo était encore en vie, ni un passager appeler les secours.
Et encore moins la vitre qui se brisait à cause de la puissance de mon cri.-----
CHUV , le même jour dans la soirée
Je suis assise dans une salle d’attente, avec mes parents et ceux de Hugo. Personne ne parle. Les secours sont venus une heure après l’appel du passager. Selon les médecins, il a subi un traumatisme crânien, son état est donc critique. J’ai arrêté de pleurer il y a une heure. Pour cause que je n’ai simplement plus de larmes, mais mon cœur continue à pleurer.
Les parents de Hugo étaient arrivés vingt minutes après moi, sous le choc eux aussi. Les miens, quant à eux, sont venus dans l’après-midi. Nous n’avons pas beaucoup parlé, nous étions tous tétanisé d’inquiétude.
Le médecin entre et demande à parler aux parents du blessé. Ceux-ci le suivent inquiets hors de la salle d’attente.
Je cache ma tête dans le creux de mes mains, en l’attente du verdict du médecin. Ma mère passe son bras autour de mes épaules et m’adresse des paroles de réconfort. En vain, je m’appuie contre elle, mais ne réponds rien, toujours perdue dans mes tristes pensées.
Les parents de Hugo reviennent. Je me redresse d’un coup et m’approche d’eux, je me sens sur le point de défaillir en voyant leur expression. La mère est en larmes, appuyée contre son mari, impassible. Il racle sa gorge et nous annonce la nouvelle :
« Hugo est tombé dans le coma. Les médecins sont incapables de nous dire si il se réveillera. »
Mes jambes se dérobent sous moi, je me retrouve à genou, visage aussi inexpressif que sur la photo de mon AG. Je sens la surprise, l’espoir et la peur. La surprise, car avant cette révélation j’étais sûre que tout était fichu. L’espoir qu’il allait se réveiller. Il devait absolument se réveiller. Et la peur…
La peur qu’il m’abandonne à jamais.-------
J-6, 9h36 – Genève
« Et c’est ainsi que les cumulus se forment ! … »
Cela fait maintenant 4 jours que mon amoureux est dans le coma. J’ai pleuré encore toute la journée qui a suivi l’accident. Ensuite, malgré mon chagrin, je me suis résolue à aller de l’avant. Hugo allait se réveiller, c’était certain. Alors le 3ème jour je suis parti en cours, presque en souriant, mais c’était dur. Je ne peux pas m’empêcher à chaque pause de regarder si j’ai reçu un SMS de la part de Mélodie, la sœur de Hugo. Elle m’a promis qu’elle m’écrirait s’il y avait du nouveau…
Il est 9h37, je suis une conférence sur les propriétés des cumulus. Assise au premier rang comme toujours, je ne prends aucune note. J’ai toujours eu une excellente mémoire auditive : jamais eu besoin de prendre des notes et toujours d’excellents résultats aux examens. Tout ce que j’entends, je ne l’oublie jamais. Comme ce que je prononce d’ailleurs, mais ça c’est normal. D’ailleurs je me rappelle encore mes dernières paroles à Hugo. Je souris : « 3h du mat’ » furent mes dernières paroles. Quel romantisme ! Enfin, je secoue la tête et me replonge dans la conférence. Il se réveillera surement aujourd’hui, me dis-je confiante.
Deux heures plus tard, la conférence vient de se terminer.
« - Coucou Solyane, on va manger à la cafet’ aujourd’hui ? Me demande une voix féminine dans mon dos.
- Ah Marion ! Dis-je en reconnaissant une amie que je connais depuis que j’ai 10 ans. Mais avec grand plaisir ! Laisse-moi juste finir de ranger mes affaires et je te rejoins dehors !
- Parfait ! Comme ça tu pourras me dire ce qui ne va pas depuis hier, conclut-elle avec un clin d’œil. »
Je souris doucement en la regardant s’éloigner. Sacrée Marion… C’est toujours la première à remarquer quand j’ai des soucis… Ca va me fait du bien de lui parler.
Je range ma bouteille d’eau, ainsi qu’un document sur les cumulus dans mon sac et pars ensuite vers la sortie pour y retrouver mon amie. Je la surprends d’ailleurs en train de discuter avec un élégant jeune homme en complet noir. Je ne vois que le dos de l’inconnu tandis que le visage de Marion me fait face.
D’ordinaire, elle a toujours un sourire sur son visage et son regard est toujours chaleureux. C’est le genre de personne avec qui on se sent toujours de bonne humeur, qui nous remonte le moral rien que par sa présence. Mais là, son expression semble … Effrayée ? Non, ce n’est pas possible. A ce moment Marion me voit, et la surprise apparaît sur son visage. Elle fait un bref signe de main à l’homme pour lui dire au revoir et vient me prendre le bras.
« Ah Solyane ! Me dit-elle rayonnante à nouveau. Je commençais à avoir faim ! »
Nous passons à côté de l’homme qui me fixe, apparemment ébahi. Je le vois mieux à présent : il a les cheveux bien peigné en arrière, entièrement noir. Mais ce n’est pas ce qui m’a le plus surpris en le voyant la première fois. Ses yeux : ses iris sont entièrement noirs. Il s’agit assurément de lentilles, mais je comprends pourquoi Marion semblait si effrayée : les types comme lui ne sont jamais net. Sa peau est blanche, presque trop blanche, aucun grains de beauté non plus. Il a une allure d’athlète, bien que je ne voies pas sa silhouette à cause du costard trop ample, ses épaules sont très larges. Il est aussi très grand : à peu près un mètre quatre-vingt-dix … Je secoue ma tête en faisant onduler mes cheveux légèrement bouclés pour éloigner cet homme de mes pensées et continue mon chemin en silence avec Marion.
A la cafétéria – 12h30
Nous avons eu droit à une entrecôte parisienne avec des pâtes et une salade verte arrosée de sauce blanche ! Ma foi, je ne me plains pas ! Mais après, j’ai dû tout raconter à Marion, et cela fut bien plus dur… Ma gorge a été serrée durant tout mon récit. C’est un miracle que les larmes n’aient pas coulé ! A la fin de mon explication, Marion pose sa main sur la mienne et me réconforte avec douceur.
« -Je comprends… ça doit être vraiment dur pour toi, commence-t-elle avec un sourire. Mais je suis sûr que Hugo s’en sortira ! Il est fort, mais je suis sûr que tu le savais déjà.
- Oui, bien sûr que je le sais, mais... »
J’allais dire que je ne pouvais pas m’empêcher d’imaginer le pire, lorsque mon portable vibra dans ma poche, ce qui m’interrompit brutalement. Je le sors à toute vitesse. Un nouveau message reçu :
Je t’ai enfin trouvée, Ena.
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J-5 Montreux, 02h12
Je suis couchée à plat ventre sur mon lit avec mon portable en main. Je relis pour la énième fois le message étrange d’un expéditeur inconnu que j’ai reçu à midi. Ma première réaction était qu’il s’agissait d’un faux numéro, ou à la limite d’une farce et je m’en suis même convaincue, alors je l’ai vite oublié.
Pour un certain temps du moins… Pendant toute l’après-midi pendant que je travaillais à la bibliothèque, j’ai eu la désagréable impression qu’on m’observait. De même que sur le trajet du retour dans le train. Suis-je vraiment … Surveillée ? Je souris. Depuis que mon copain est dans le coma, je deviens complètement parano. Bientôt je penserai que mon chat est en fait un assassin qui veut m’égorger pendant mon sommeil ! C’est assurément un faux numéro. Je pose mon téléphone et me tourne sur le dos.
Aïe, mauvaise idée. Je fronce les sourcils. Pourquoi est-ce que le haut de mon dos me fait si mal ? Je me redresse et vais face au miroir de ma chambre.
Le reflet qui me fait face dans le miroir fait peine à voir … Certes, ma peau a toujours son joli teint caramel, mais mon corps est un rien trop maigre, sûrement dû au fait que je ne mange presque plus rien depuis l’accident. Le bon côté est que mes jambes d’ordinaire un rien potelées sont maintenant sveltes ! Par contre mes bras, qui étaient déjà maigres avant, sont maintenant presque squelettiques… Mis à part ça, mon corps reste joli. Cette pensée fait naître un sourire satisfait sur mes lèvres pendant que je me tournais pour inspecter mon dos.
Dans le miroir, mon faible sourire de satisfaction brise en un instant et mes yeux s’agrandissent : sur chacune de mes omoplates repose une grosse bosse rose. Comme une sorte de piqure de moustique, sauf qu’il n’y a aucune trace de piqure et que cela ne gratte pas. Au contraire, dès que je touche, ça fait mal, très mal et l’endroit est très dur, comme si il y avait un os entre l’omoplate et ma peau. C’est aussi la première fois que deux gros boutons (est-ce vraiment des boutons ?) apparaissent sur mon corps sans raison. De plus cela ne peut pas être de l’acné, je n’en ai absolument jamais eue. A ce que je sache, les boutons d’acné ne font pas dix centimètres de diamètre !
J’allume mon ordinateur portable et essaie de voir si quelqu’un a déjà eu quelque chose de semblable. Peut-être que ce phénomène a-t-il déjà existé et qu’il est décrit sur la toile ? Mais après quinze minutes de recherches infructueuses, je me rends à l’évidence : ce n’est pas sur internet que je trouverai la solution. Je le montrerai à mon dermatologue dès que possible.
A ce moment, mon portable vibre à nouveau.
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J-4, Eglise de Clarens (Montreux), 20h22
« L’enterrement a lieu après demain à 20h à l’église de Clarens. Mélodie »
Nous sommes une cinquantaine dans l’église de Clarens, je suis assise au premier rang à côté d’Elodie, 15 ans, petite sœur de Hugo. Je porte une longue robe noire et ai mis des lunettes de soleil les plus sombres que j’ai trouvé, bien qu’il pleuve fort et que le ciel est gris. Pour que personne ne voit mes yeux rougis par les larmes.
Pleur de chagrin. Mon Hugo n’est pas sorti du coma, et n’en ressortira jamais. Il nous a abandonné. Il m’a abandonné, pensais-je en serrant les poings en faisant pâlir mes phalanges. Il n’avait pas le droit… Tout ça pour quoi ? Parce qu’il voulait aider ce pauvre contrôleur dans le train. Parce que cet employé était trop faible pour se défendre tout seul face à Monsieur le voyou ! Je ne leur pardonnerai jamais. Je ne le pardonnerai jamais à Hugo non plus de m’avoir abandonnée.
Je baisse la tête, mes yeux relâchant malgré moi des larmes d’affliction. Ma gorge se serre, mon cœur me fait mal. Je souffre, j’ai de la peine à respirer. J’entends le prêtre dire que Hugo est maintenant dans un monde meilleur, auprès de Dieu… La bonne blague ! Le bon Dieu tout-puissant ? Bénissant les gentils et maudissant à mille souffrances les méchants ? Vous vous foutez de moi ?! Hugo était la meilleure personne que ce bas monde n’ait jamais eue, et voilà sa récompense ?
Je tremble. Mélodie se tourne vers moi, mais je ne la remarque pas. Je ne tremble non pas de tristesse, mais de colère. De colère contre Hugo qui m’a abandonné sans avertissement, je le déteste. Je me déteste aussi de tant l’aimer. Ma bouche se tort en un rictus de souffrance, je craque.
Tout mon corps pleure. Mon cœur souffre comme il n’a jamais souffert, ma gorge se serre violemment, ma bouche hurle ma peine au monde par des gémissements de pure détresse. Je me recroqueville sur moi-même et ne me retiens plus de pleurer. Le prêtre se tait un instant, puis reprend son monologue mortuaire. Je me perds dans mes larmes, je n’ai plus de notions du temps.
Je voudrais mourir moi aussi, pour me réfugier dans les bras de mon tendre amour.
22h00
Je vois la voiture mortuaire s’éloigner avec Hugo. Tous ses proches sont avec moi. Tous souffrent comme moi. Non, pas comme moi. Personne ne peut avoir mal comme moi, ce n’est simplement pas possible.
La pluie s’abat sans répit, ni pitié sur mon corps douloureux pendant que la voiture s’éloigne inlassablement de moi. Lorsqu’elle a disparu, je devrais pleurer, mais rien ne coule. Plus rien ne pourrait couler, mes yeux sont à nouveau asséchés. J’ai envie de crier, mais ma gorge me fait tellement mal que je n’ose même pas ouvrir la bouche. Et mon cœur. Il me serre tant que je peine à respirer, c’est comme si on m’avait arraché une partie de mon âme. Je ferme les yeux et pense de toutes mes forces :
S’il-vous-plait, que quelqu’un me donne la force de surmonter cette épreuve, ou permettez-moi de rejoindre mon Hugo…
Au moment où j’ouvre les yeux, ce que je vois de l’autre côté de la route me fait oublier la douleur un court instant pour la remplacer par la stupeur : l’homme aux pupilles noires est là, de l’autre côté de la route. Trempé, il me fixe en me tendant son téléphone portable. Un bus passe devant lui sans s’arrêter. Puis l’homme a disparu de ma vue, aussi vite et discrètement qu’il est arrivé.
Je reçois un SMS. Expéditeur inconnu à nouveau.
« Buffet de la gare de Montreux, demain à 08h00. Pour vos ailes. »
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01h17, à la maison, J-3
Mon dos. Il me fait atrocement mal. Je suis affalée sur mon lit, mon cœur saigne, ma gorge est toujours aussi nouée. Mais la douleur de mon dos est encore plus forte que ça. Je gémis.
Personne n’est là. Ma mère est rentrée chez elle après m’avoir raccompagné. Elle a accepté de partir, après lui avoir assuré que tout irait bien. Je voulais juste rester seule. Ce n’est qu’après que j’ai fermé la porte derrière elle que je ressentis à nouveau la douleur fulgurante de mon dos. Plus forte que jamais, je ne m’en étais pas rendue compte à cause de l’émotion.
Bon sang, mais qu’est-ce qui m’arrive ?! Pourquoi est-ce que je souffre autant ? La perte de Hugo ne suffisait pas ? Jusqu’à quand vais-je encore souffrir ? Je me lève péniblement, enlève ma robe et … Oh non, qu’est-ce que c’est ? Le dos de ma robe. Il est plein de sang. Je me tourne vivement et voit mon dos dans le miroir : il en est couvert. Ce liquide d’un pourpre si beau, si fascinant… Mais d’une nature si mortelle et vitale à la fois... Depuis quand je suis si fascinée par le sang, moi ? Et surtout, pourquoi ? La douleur reprend le dessus de mes réflexions, mon regard est attiré par la source de tout ce sang : mes omoplates. Comme par hasard, c’est là que la douleur est la plus vive. Quelque chose repose au dessus de celles-ci. J’approche péniblement une de mes mains. Difficile de définir ce que c’est : une sorte d’amas de chair et de sang… Je distingue aussi comme quelque chose de duveteux. Je fronce les sourcils en guise incompréhension et décide d’essayer de toucher cet amas. Ma main droite touche celui de gauche. Douleur intense. Je tombe à genou. Cri de douleur. Je manque m’évanouir, mais j’agrippe tant bien que mal l’amas et tire. Je n’arrive pas à tout arracher, mais simplement un bout. Je tombe à quatre pattes avec mon trophée ensanglanté dans mon poing.
Je vacille encore quelques minutes, entre l’éveil et l’inconscience, apercevant le sang dégouliner au compte-goutte sur le sol, après avec ruisselé le long de mon ventre. Je transpire, je suis épuisée, la douleur continue comme jamais. Quelques minutes plus tard, je me redresse sur mes genoux et pose mon regard sur ma main. Je l’ouvre.
Je vois une délicate tige effilée. Tout le long de celle-ci, des longs poils fins, durs et droits en sortent de deux côtés opposés. Tout de la couleur rouge. Le rouge du sang. Je panique en comprenant de quoi il s’agissait, puis je perds connaissance.
Une plume de Sang.
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Dernière édition par Calypso le Mer 15 Aoû 2012, 15:06, édité 2 fois
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