Rappel du premier message :


L'autre fille lui avait dit qu'elle habitait au quartier de St Pétersbourg et c'était un graaand quartier. Heureusement, elle lui avait aussi donné son nom de famille : Tselikovskaïa. Après s'être fait disputé pour être revenu à la maison le pantalon couvert de saletés, le garçon avait repensé à sa rencontre avec cette fille si sure d'elle et encourageante. Elle l'avait abreuvé de compliments sur sa dextérité lors de leur rencontre. Alors naturellement, le jeune garçon mourrait d'envie de la revoir, n'était-ce qu'un peu.

Quelques jours passèrent avant qu'une nouvelle opportunité de la revoir ne présenta. Le jeune albinos chercha donc la fameuse maison dans les beaux quartiers. Pour l'occasion, il avait choisi son pantalon préféré, à la fois robuste et présentable. Il portait toujours ses lunettes teintés et la teinture censées dissimuler son albinisme qui effrayaient tant de gens. Mais pas elle, car elle était aussi bizarre que lui mais ne s'en cachait pas !

Il finit par trouver la demeure, restait à savoir comment entrer. Le pré-adolescent décida de faire le tour et d'observer toutes les entrées, surtout les plus modestes et discrètes. Et s'il pouvait la voir dans le jardin, ce serait encore mieux.

Puis le doute s'installa : elle l'avait peut-être déjà oublié. Si ça se trouvait, ses louanges n'étaient que paroles en l'air… Se souvenait-elle de lui ?

Et il resta en selle, de peu mais quand même. La leçon se poursuivi donc et Maksim s'exécuta avec toute la minutie dont il pouvait faire preuve : c'est à dire beaucoup pour un garçon turbulent et caractériel de douze ans. Ce n'était pas parce qu'il était sur un cheval qu'il était à l'abri du ridicule. En s'assurant de maîtriser les pas, il saurait en imposer !

Elle le corrigea pour des détails minimes, plus dans l'idée de lui apprendre les bons réflexes que de le rabaisser. Les premières leçons étaient en général celles qui marquaient le plus et Ineska ne laissait rien passer. Puis Topaze était plus caractérielle que Neige, demandant plus de volonté pour la faire obéir. "Arrête-toi ! Maintenant vise un point du jardin, dis-moi lequel et rejoint-le."

La volonté, Maksim n'en manquait pas. Face à un jument, même caractérielle, son manque de confiance ne se ressentait pas vraiment. Elle lui avait dit (Ineska, pas la jument caractérielle) : sa voix compte plus que celle du cheval et cette idée lui donnait beaucoup d'espérance. Il ne se formalisa pas pour les quelques rectifications et s'appliqua au mieux pour qu'elle n'ait pas à les lui redire. Il choisit un banc qui se trouvait dans le jardin et le rejoignit.

Au moins il était conciliant et cherchait à apprendre, c'était agréable. Dans l'heure qui suivit, Maksim eut surtout à faire des exercices au pas, arrêter Topaze de différente manière en prenant garde à la position de son corps ou de sa voix, la tension dans les rênes ou la pression de ses jambes. Ils ne pouvaient pas augmenter l'allure dans la cours, pas avec le peu d'expérience qu'il avait si la jument décidait d'en faire à sa tête. Au moins, elle ne serait pas la seule à la fin de la séance à bien sentir le cheval...

Une heure sur une selle et Max se fatiguait malgré tout. Il avait envie de se dégourdir les jambes, de relâcher la pression et de ne pas réfléchir à chacun de ses gestes en faisant attention à équilibrer parfaitement la douceur et la fermeté.
"Est-ce qu'on peut faire une pause ? J'ai soif."
Et ce fut ce moment-là que son ventre choisit pour crier famine. Il fit faire un demi-tour à la jument pour cacher sa gêne.

Les yeux marrons et bleus brillèrent sous l'amusement. "On va arrêter là pour aujourd'hui. Ramène Topaze ici et rattache-la comme je te l'ai montré le temps que j'aille te chercher de l'eau. Tu feras ta vraie pause après quand tu auras fini de t'occuper d'elle et qu'elle sera bien pansée." D'abord la monture, le cavalier ensuite. Puis ce n'était pas comme si Topaze avait loin où aller dans le jardin si elle s'échappait.

L'expression "sa vraie pause" faisait comprendre à Maksim que le cheval était important. Si Max partait tout de suite, c'était comme s'il abandonnait la jument et il était bien placé pour savoir combien l'abandon était désagréable. Précautionneusement il descendit de selle et mena l'animal vers le mur des écuries en faisant attention à ce qu'elle ne tente plus de le lécher.

Ineska revint avec une plateau portant une carafe d'eau fraîche et deux verres. Elle posa le tout à-même le sol et fit le service avant de se redresser et de tendre un des verres au garçon. "Tiens" commença-t-elle à inspecter son travail. "Je ne vois pas d'erreur, tu t'appliques bien. Veux-tu essayer de soulever la selle pour la ranger ?" A voir s'il tenterait de l'enlever du dos du cheval mais.... il semblait un peu petit pour cet essai.

Le garçon de cent quarante centimètres de haut voyait bien qu'il peinerait à la retirer tout seul mais il allait tout de même tenter de se débrouiller en comptant sur son habileté. Après avoir desserrer les sangles, il décida de tirer la selle vers pour la réceptionner.

Sauf que la blonde ne prit pas le risque d'abîmer un objet qui était techniquement déjà vendu et vint l'aider dans sa manœuvre. Elle lui évita seulement de se la prendre de plein fouet, épargnant blessure potentielle et chute, et le laissa la prendre en main, reposant la sangle dessus pour qu'elle ne traîne pas au sol. "Pas trop lourd ?" eu-t-elle un sourire.

"Non !" répondit Max en dépit de la lourdeur effective de l'accessoire. Il serra les dents jusqu'à ce qu'arrive le moment où il devait la déposer à son emplacement de rangement.
"Veux bien un peu d'aide." avoua-t-il enfin, sa fierté blessée.

La belle ne fit pourtant aucun commentaire, ni eu un sourire moqueur, et prit simplement la selle de ses mains. "Je range le reste, commence à panser Topaze avec une brosse douce, comme je l'ai fait en petits cercles sur ses flancs et le dos." Cela lui permettra de passer un moment privilégier ente lui et sa monture, sans crainte qu'il se sente observé.

Maksim la remercia intérieurement de ne pas se moquer de lui. Les gens passionnés qui travaillaient avec les chevaux devaient tous être de la même trempe. Il lui tardait de devenir milicien ! Le voilà alors face à la jument qui attendait son bichonnage. Il fit donc des cercles avec la brosse. Une fois son institutrice partie, il commença à parler à la bête de sa journée puis de tout et de rien, plus pipellette qu'il ne l'avait jamais été depuis qu'il savait parler.

Ineska en profitait pour frotter et nettoyer le matériel utilisé, ça lui ferait ça de moins à faire quand la vraie propriétaire reviendra récupérer Topaze. Le soucis, c'est qu'elle n'aurait plus d'autres chevaux sous la main pour continuer les leçons de Maksim.... elle devrait l'aider à trouver un endroit où s'entraîner, peut-être devenir garçon d'écurie sur son temps libre. Il avait beaucoup de talents, ce serait vraiment dommage de gâcher ça.

Maksim se sentait bien mais genre trop bien. Même si l'animal cherchait encore à le lécher tandis qu'il babillait. La jument était resplendissante et rendait Makim fier. Bon certes il ne pouvait pas tout à fait voir correctement le haut mais cela restait du beau travail.
"Tu resteras toujours ici, Topaze ?"

La question lui était parvenue alors qu'elle remontait l'écurie et cela lui serra le cœur. Elle laissa un temps avant de se montrer, les poings sur les hanches. "Inspection générale ! mima-t-elle en fausse commandante. "Uhm... du bien beau travail sergent Maksim, mes félicitations. Retour au box et tu pourras te reposer.... te débarbouiller aussi, elle t'as fait de jolies bisous la canaille." Là, elle s'en amusait mais rien de méchant.

Sergent Bounine ?
Il serait sergent un jour, oui ! Et il espérait être plus irréprochable qu'en cet instant. C'était facile jusqu'à présent, il suffisait d'écouter et de faire ce qu'elle demandait. Et elle demandait peu de choses.
"Est-ce que vous mangez des huîtres ?"
Il avait adoré la fois où une jeune fille lui avait donné ces mollusques à manger... sur un bateau de plaisance.

"J'adore les huîtres !" s'illumina Ineska. "Mais nous n'en n'avons pas à la maison, mon père en ramène le plus souvent pour ses repas d'affaires et ma présence n'y est guère souhaitée." Acide ? Un brin. "Tu aimes ça ?"

"Oui ! Je n'en ai mangé qu'une fois. J'étais sur un bateau et...ne le répète à personne mais je n'étais pas vraiment invité."
La jument était maintenant face à son box.

"S'il t'arrive de bonnes choses en étant là où tu ne devrais pas être, j'ignore ce que cela peut présager.... Mais n'écoute pas ceux qui te disent que tu n'as pas ta place quelque part, ce sont soit des ignorants, soit des jaloux dans la plupart des cas." La jument ne se fit pas prier pour rentrer dans son box, heureuse de retrouver sa ration de foin. "A défaut d'huîtres, que voudrais-tu manger ?"

Personne ne lui avait dit de telles choses.
"Est-ce qu'il y a... du gâteau au lait d'oiseau ?" demanda-t-il avec une pointe d'espoir.

Haussement de sourcil. "Des ptichie moloko ? Pas de prêts mais je peux demander à notre cuisinière de nous en faire avec du thé le temps de nous laver. Hors de question de se reposer sans un brin de toilette, c'est inconvenant." Dit celle qui était sans aucun doute la plus sales des deux.

Maksim devait reconnaître qu'il sentait le cheval et que sa peau avait accumulé de la poussière (et des poils !). Il suivit Ineska avec toutefois un peu d'appréhension. Après tout, il n'était pas officiellement invité, n'est-ce pas ?
"Les gens ne vont pas me regarder de travers ?"
Cela lui faisait bizarre d'entrer dans une maison avec des domestiques. Sa propre famille était trop pingre pour verser un salaire à quelqu'un juste pour le prestige malgré son niveau de vie…

"Uhm.... il y a des chances mais mon père est absent et ma mère ne dira rien. Et puis, je t'avais bien dit que tu n'avais pas à te demander si tu étais à ta place ou pas, non ?" eu-t-elle un clin d'œil en pénétrant par la porte arrière, droit vers les cuisines pour passer commande.

Maksim sourit et suivit Ineska vers sa maison. Il se disait que Dieu avait peut-être bien décidé de lui accorder de l'espoir en la personne de cette grande amie si proche de lui.
Il ne la connaissait que depuis une semaine mais il ne voulait la quitter pour rien au monde.