La population de la capitale est très diverse. Dans un quartier, nous pouvons trouver pêle-mêle elfes, humains, orcs, nains, gobelins et elfes noirs. Les trolls et les dragons n'y vont pas évidemment à cause de leur grande taille et de leur esprit particulièrement belliqueux.

Les dragons-fées sont rares également, une bonne colonie s'épanouit dans les lieux discrets et sont autonomes, ils n'ont pas besoin de faire commerce avec les autres espèces. Ce qui n'est pas le cas de Fotafilis, dragon-fée solitaire de son état. Par choix et par nécessité, ce dernier vend ses services de marabout à toutes les espèces de la capitale, sans distinction.

Après toutes ses heures de service, même le marabout le plus infatigable a bien besoin de repos, loin du brouhaha des marchés de la grande ville. Près de là justement se trouve un lac très agréable, apprécié par tous les citadins pour se reposer. Sa surface brillante est magnifique à voir. Le vent vient de temps en temps la rider et agiter les roseaux. Le marabout observe ce spectacle depuis la branche d'un arbre.

Avec grand frère, je suis partie à l'aventuure ! Là, il souhaite dessiner dessiner le lac. Ça fait longtemps qu'on est là et je ne sais pas trop quoi faire. Je finis par dire fort :

- Regarde là-bas, un tout petit oiseau !

Grand frère me prête aucune attention et je file en direction de la petite créature, toute curieuse. Mais il était trop haut ! Chut, je ne dois pas lui faire peur. J'essaie de faire des pas de souris, pour pas lui faire peur et m'approche discrètement.

Le "tout petit oiseau" n'a pas des oreilles si petites que ça et entend l'exclamation bruyante de l'humanoïde. Il tourne lentement la tête dans sa direction et observe du coin de l'œil le nouvel arrivant : un jeune elfe à en juger par la forme des oreilles pointues et la couleur rose de la peau. Il lui fait face et l'observe depuis sa branche, attendant un peu avant d'engager la conversation. Peut-être ne veut-il pas nécessairement lui parler, juste l'observer.

Il me regarde. IL ME REGARDE ! L'oiseau m'a vu ! Je lui souris et lui fait signe de la main. Je suis certaine qu'il va rester là pour que je le regarde... Peut-être que je devrais faire comme grand frère et le dessiner ? Oh... OUI ! Je vais le dessiner ! Je me retourne pour chercher mes choses et je me mets à courir en direction de notre équipement.

...Je n'ai pas vu la petite motte de terre...
Je tombe soudainement, face dans l'herbe.
Je pleure... Juste un peu...

Fil n'est pas devenu marabout par hasard et entendre cette plainte lui est désagréable, pour ne pas dire qu'elle lui déchire le cœur. Il s'envole donc pour rejoindre le petit elfe.
"Faites-moi voir votre plaie, je suis marabout, je vais vous soigner."
Il vouvoie car il n'a pas l'habitude de s'adresser à des juvéniles d'autres espèces.

Marabout ? Ça doit être ça le nom des oiseaux qui parlent ! J'ai sursauté quand il est apparu à côté de moi. Je m'y attendais pas du tout ! J'ai soudainement arrêté de pleurer. J'hésite un moment parce qu'il ne faut pas parler aux inconnus. Mais il veut m'aider, alors ça va ?

Je lui montre donc mon genou rougit et à la peau un peu éraflée, puis j'essaie d'essuyer les larmes qui coulent sur mes joues.

- Comment vous allez soigner si vous n'avez pas de mains ?

"Si, j'ai des mains avec des pouces opposables sur mes pattes même s'ils sont petits. Regardez comment je vais faire : je vais sortir la pommade de mon sac et enduire ton écorchure."
Et il s'exécute, appliquant un baume cicatrisant et anesthésiant sur la plaie.

- Oh...

Je ne suis pas certaine de tout comprendre, mais ce n'est pas grave ! Je ne sais pas ce que sont des pouces "opposables", il faudrait que je demande à grand frère tout à l'heure. Ce qu'il met sur mon bobo fait du bien, même si j'ai une légère grimace qui montre surtout ma surprise.

- Merci beaucoup Monsieur oiseau ? Vous êtes quel oiseau ?

En fait, je ne suis plus trop certaine s'il est un oiseau ou eum... Je ne sais pas...

Fotafilis est content d'être venu en aide à un autre individu et le peu de pommade qu'il a utilisé ne lui a rien coûté.
"De rien. Je ne suis pas un oiseau, je suis un dragon-fée."
Doit-il expliquer à l'elfette (si c'est bien une elfette) ce qu'est un dragon-fée ? Ou demandera-t-elle pourquoi il est seul alors que les dragons-fées vivent en colonie ?

Un dragon-fée ? Mmh... Est-ce que grand frère m'en a déjà parlé ? Je baisse les épaules, je me souviens plus du tout ! Je suis un peu découragée de ne pas être capable de m'en souvenir. Je préfère regarder le sol, pas trop certaine de ce que je dois dire. D'une petite voix je lui dis, les joues rouges :

- Je me souviens plus c'est quoi un dragon-fée...

Je me dandine un peu, montrant toute la gêne. Grand frère me gronderait pour ça, je n'ai pas retenu cette leçon-là.

Le dit-dragon-fée remarque le malaise de l'enfant, heureux d'avoir assez vu de bipèdes pour ce fait.
"Il n'y a pas de problème. Votre question est tout à fait légitime. Un dragon-fée est un être vivant pourvu de quatre pattes et d'une paire d'ailes minimum. Il en existe une grande variété d'espèces. Ils ont pour point commun leur taille et… de vivre en colonie."
Fil se piège tout seul mais il n'aime pas cacher la vérité.

- En colonie ? Comme les fourmis ? Tu vis avec les fourmis ? Mais les fournis n'ont pas d'ailes comme toi. Enfin, je crois.

Je me gratte la tête, encore un peu mélangée. Peut-être qu'il protège les fourmis ? C'est peut-être leur ami ? J'ouvre la bouche pour poser pleins de questions, mais je me dis que c'est peut-être mieux de le laisser parler d'abord. Je m'assis pour l'écouter, comme s'il était un enseignant.

"Les fourmis-reines ont des ailes mais pas les ouvrières et je ne vis pas avec les fourmis. Je vis comme elles."
Ce n'est toutefois pas vrai, Fil ne vit plus avec les siens comme les fourmis qui ne quittent la colonie qu'en mourant.
"Et vous, avez-vous une famille ?"
Les bipèdes ont un rapport totalement différent avec la famille. Le couple reproducteur a peu de descendances et s'en occupe lui-même, consciencieusement.

- Ooooh...

J'ai envie de poser d'autres questions, mais il me demande si j'ai de la famille et je me mets à gigoter dans tous les sens.  

- J'ai un papa, une maman et un grand frère ! Mon grand frère est juste là-bas. Il voulait venir dessiner ici aujourd'hui et il ne voulait pas que j'embête les parents.

Après avoir pointé mon grand frère du doigt, je reporte mon attention au Monsieur.  

- Si vous avez des ailes, c'est que vous vivez dans les nuages ?

Passer du temps avec un frère, de façon agréable, une notion toujours aussi étrange à se représenter.
"Non, je dois bien me reposer de temps en temps. La magie pourrait bien me permettre de voler sans support mais cela me demanderais de l'énergie, il est bien plus simple pour moi de me faire un couchage solide."

Je fais « oui » de la tête, j'écoute le Monsieur Dragon-fée, comme s'il me racontait une grande histoire. Je trouve ça dommage qu'il ne vive pas dans les nuages, comme les baleines volantes qui sont dans les histoires de mon frère.

- Vous faites quoi durant vos journées, Monsieur Dragon-fée. Je veux tout savoir sur vous et vos amis comme vous !

Son interlocutrice est si sincèrement curieuse et agréable que le dragon-fée est ravi de lui répondre, du moins sans parler de ses « amis comme lui ».
"Je soigne les gens, de leurs blessures ou de leurs maladies et je mange ou je dors entre-temps. Tout à l'heure, je me reposais."

OH NON ! JE L'AI DÉRANGÉ ! PENDANT QU'IL DORMAIT ! OH NON, NON, NON !

- Aaaaah ! Je vous ai dérangé ! Désolée ! Désolée beaucoup !

Je me cache mon visage dans mes mains. Si je dis ça a maman ou papa, il va me disputer parce que j'ai dérangé quelqu'un... Parce que je dérange souvent, beaucoup les gens. Je finis par regarder encore le Monsieur dragon et ajoute rapidement :

- Vous... vous n'allez pas le dire à mon grand frère, hein ? Hein ?

"Il n'y a pas eu de mal. Je suis ravi de discuter sereinement avec une personne enthousiaste."
D'ordinaire, Fotafilis n'aime pas vraiment les personnes trop enthousiastes mais cette petite est adorable et ne l'ennuie nullement.
"Vous avez dit que votre frère venait pour dessiner. Avez-vous trouvé un talent à vous ou une activité qui vous plaît ici ?"
Fotafilis ne peut pas vraiment se vanter d'être bon en chant mais au moins aime-t-il le perfectionner régulièrement.

Je pousse un gros soupir de soulagement. Je suis tellement contente qu'il ne le dise pas à mon frère ! Sinon... je serais partie en courant ! Il dit des grand mot. « Sereinement ». Je ne suis pas certaine de savoir ce que ça veut dire. J'hausse les épaules.

- Moi je n'ai pas encore de talent. Papa dit que je suis douée pour avoir des ennuis... Mais je ne pense pas que ce soit un talent.

Je fais la moue, la mine basse. J'aimerais bien être aussi douée que mon frère.

Fotafilis se reconnait en la petite puisque ses talents étaient bien inférieurs à ceux de ses nombreux frères et sœurs royaux.
"Une activité qui vous plaît ? Si cela vous plaît, alors il s'agit bien d'un talent."
C'était un peu ce qu'il se disait pour se rassurer. Il était le seul prince à se tourner vers la médecine et il était tranquille alors cela lui plaisait et c'était devenu son talent.

Maintenant je sais ! C'est à cause de Monsieur Dragon-fée !

- Mmmh... AH JE SAIS ! J'aime bien jouer de la flûte ou encore aller livrer les commandes que papa a à la boulangerie. J'ai ma flûte avec moi, veux-tu que je te montre ? Mais je ne sais pas si je suis bonne...

Je retire mon sac que j'ai toujours sur moi, prête à sortir ma flûte si le monsieur dragon serait d'accord. En attendant, je sors ma peluche lapin au gros ventre pour la serrer entre mes pattes.

Fotafilis ne veut surtout pas montrer de doute quant au talent de son interlocutrice. Elle lui fait penser à ses jeunes espoirs d'antan, quand il cherchait lui-même à développer un talent dont il pourrait être fier. Quel étrange sentiment. Lui qui d'habitude n'est pas si doux avec les autres, peut-être a-t-il atteint l'âge d'accepter ses sentiments.
"Je suis certain que votre mélodie pourra être qualifiée de bonne et agréable à l'oreille. Allez-y.

OH ! Il a dit oui ! Enfin, il a dit que je pouvais y aller !

Je me mets à jouer de la flûte. Je joue une chanson que j'ai dans la tête depuis un moment. Je joue pendant, je ne sais pas combien de temps. Je ne me trompe pas. Je me trompe jamais. Je suis concentrée sur ma flute, je ne regarde pas le Monsieur dragon parce que ça me gêne un peu.

J'arrête de jouer quand ma chanson est finie, puis je regarde le dragon, les joues rouges.

- Puis! Puis ? Vous en pensez quoi ?

Les elfes ont ce talent naturel de réussir dans les arts, ils sont proches des dragons-fées. Fotafilis aurait pu trouver à redire mais ce n'était qu'affaire de goût. Il pourrait donner des conseils pour atteindre l'excellence inaccessible mais primo il ne se sent pas capable de l'égaler, deuzio, il voit bien que sa confiance est fragile et qu'elle a besoin d'encouragements.
"C'était très beau. Je ressens de la joie et de la légèreté dans votre mélodie."