Rappel du premier message :




Il y a plusieurs choses que les gens n'aiment pas au château : celles qui font du bruit, et celles qui salissent. Malheureusement pour son propre bien, l'orc réunissait les deux en un. Il avait la malchance de mesurer au bas mot deux têtes et demi de plus que les enfants de son âge et de ce voir pardonner bien moins fréquemment ses incartades que ces derniers. Cette fois-ci, il avait eu la mauvaise idée de rentrer avec des bocs de glaise à la place des chaussures, et avait été puni à nettoyer quand ses petits camarades pouvaient encore jouer dans la boue. Du haut de ses cinq ans il criait à l'injustice (et essayait de ne pas pleurer...)(ce qui s'avouait particulièrement difficile).

La mauvaise foi gagnait de plus en plus en probabilité. Mais il n’userait pas Moira comme ça. « Fais-moi penser à te le rappeler la prochaine fois que tu manges du caramel. »

"Mais le caramel ça ne colle pas aux dents longtemps, ça disparait tout seul !"

C'était tout à fait logique comme argument, et ça l'éloignait de plus en plus en plus de cette histoire de pieds sales. Ce qui était une bonne chose !

Ne lancez pas une soigneuse sur les méfaits du caramel sur les dents. N’essayez pas, vraiment. « Je peux t’assurer qu’il y a toujours une couche qui colle aux dents et qui les ronge si tu ne te les brosses pas. » Bon, son analogie n’avait pas trop trop eu l’effet escompté. « Et c’est pareil avec la saleté dans les couloirs : on se dit qu’une petite couche n’est pas grave, puis ça s’accumule, ça s’accumule… et ça crée des problèmes. Et Rowan et les autres font en sorte d’éviter ces problèmes pour tout le monde, mais du coup c’est aussi à nous d’éviter de leur rajouter encore du travail quand on peut. »

"Mais puisqu'ils aiment l'enlever !"

Il essaie vraiment de comprendre, vraiment très fort, mais il n'y arrive pas. La démonstration maternelle n'étant pas à la hauteur de ses croyances d'enfants. Pourquoi on le grondait lui alors qu'il n'avait fait que donner un peu plus de travail aux gens ?

« Non, pas spécialement. » S’imaginait-il réellement que c’était pour le plaisir que ça procurait que certains membres du personnel s’échinaient à passer le balai, le chiffon et que sais-je encore ? Il est vrai que Moira, elle, avait choisi une profession qui lui plaisait. Cela faussait sans doute la perception de l’enfant. « Ils font ce travail parce qu’il faut bien que quelqu’un le fasse et parce que c’est le travail qui leur a été proposé pour vivre ici. Et certains le font parce qu’ils apprécient le résultat final. Mais je ne pense pas qu’aucun d’entre eux apprécie de faire le ménage pour faire le ménage. »

"Alors pourquoi ils le font ? C'est bête !"

Si on n'aime pas manger des épinards on n'en mange pas... Sauf si maman nous force quand même parce qu'il parait que c'est bon pour la croissance. Est-ce que le ménage est bon pour la croissance ? Si c'est le cas Asbjörn ne toucher jamais un balais, il est déjà le plus grand des enfants.

« Parce que c’est nécessaire, et parce qu’en échange ils peuvent vivre ici, où ils sont sûrs de manger à leur faim et d’être protégés contre les attaques de brigands. » Restait à voir si cette explication serait suffisamment claire pour l’enfant.

« Certains font ce choix, d’autres non. Ca dépend des personnes. » Un sourire mélancolique accompagna sa réponse. Elle avait fait partie de ceux qui avaient préféré une vie risquée et palpitante à une vie sûre mais morne. Si elle avait fait un autre choix, Ferghal serait peut-être encore en vie… mais elle serait une autre personne et elle n’aurait qu’un enfant au lieu de trois. Elle ne regrettait pas ses choix de vie, mais elle n’était pas immunisée contre les « Et si ? » occasionnels.

"Donc c'est qu'ils aiment faire le ménage."

Puisqu'ils le choisissent, c'est donc qu'ils l'aiment. On en revient au début de notre démonstration.

Une chance que Moira ait des réserves de patience plus que conséquentes. « Pas forcément. Mais ils considèrent qu’être en sécurité est plus important pour eux que faire des choses qu’ils aiment. Et ils se rattrapent en faisant des choses qu’ils aiment bien quand ils ne travaillent pas. »

"Mais c'est pas logique, ils ont qu'à chercher un travail qu'ils aiment faire ! C'est trop facile de râler après les enfants après, alors que c'est eux qui ont mal choisi leur travail !" il s'insurge.

C’était un peu facile aussi d’aller reprocher aux autres leur choix (ou non-choix) de travail pour échapper aux règles d’hygiène élémentaires. « Et qui fera en sorte que le chateau reste propre et bien rangé alors ? »

"Ceux qui en auront envie !"

Bien sûr. C'est logique, il y a des tonnes de gens dans le monde, et dans ce chateau, il y en a bien dans le tas qui aiment passer le balais !

Mais bien sûr, cela coulait de source. Comment diable n’y avait-elle pas pensé ? « M’est avis qu’on pourra attendre longtemps avant que le ménage se fasse, dans ce cas. »

"C'est pas bien grave, dehors on ne fait pas le ménage et pourtant c'est propre !"

Enfant du démon faisant l'apologie de l'oisiveté.

« Tiens donc ? Et la saleté sur tes pieds, elle venait d’où alors ? » Il avait une notion de la propreté très personnelle, mais ça n’était pas forcément une surprise à son âge.

"Bien de la cours !"

La cours s'était pas vraiment dehors vu qu'il y avait des murs autour et des gens pour la balayer, non ?

« Et la cour, c’est où ? » Clairement, Moira voyait la réponse d’Asbjörn comme une admission que l’extérieur est sale plutôt qu’un argument en faveur de sa théorie du dehors propre.

"Dans le château !"

C'est insupportable cette manière qu'ont les enfants d'avoir réponse à tout, cela faisait maintenant une bonne demie heure que Moira s'était assise à côté de lui. Plusieurs personnes étaient déjà passées près d'eux en levant les yeux au ciel, ou en lançant des regards ostentatoires.

Voilà une réplique à laquelle elle ne s’attendait pas. Elle fit naître des sentiments conflictuels chez Moira, et elle dut finalement contenir comme elle le pouvait un fou-rire silencieux. « C’est dans l’enceinte des murs du chateau, oui, mais c’est un endroit à ciel ouvert où on passe avec les bêtes et les charrettes. C’est tout autant l’extérieur que les routes ou la forêt. Et jouer dehors, ça salit, c’est normal. Mais c’est pour ça qu’il faut faire attention quand on rentre à enlever la majorité de la saleté pour la laisser dehors. Ca simplifie la vie à tout le monde. »

"Mais ça salit parce qu'on a décidé que c'était sale dedans, alors que dehors ça ne l'est pas !" répons monsieur j'ai réponse à tout.

Ah, la logique enfantine. Un jour elle et Asbjörn en riraient, mais pour l’instant ce jour était encore lointain. « C’est une interprétation très personnelle ça. C’est aussi sale dedans que dehors, seulement dehors c’est normal et accepté qu’il y ait de la saleté, mais pas à l’intérieur. »

"C'est bête !"

Il allait falloir calmer les ardeurs de ce petit bonhomme ! S'il continuait ainsi il allait glisser sur une pente savonneuse, et il n'aimait pas beaucoup le savon...

« Bête ? Et comment ça ? » « Je ne suis pas d’accord, mais je suis à court d’arguments » aurait été plus précis et correct, mais « C’est bête » était la solution de facilité plus accessible à un enfant de cet âge.