Rappel du premier message :



Les églises, implantées dans toutes la Russie catholique,  s'élèvaient fièrement  dans les cieux  et rythmaient la vie  des gens du commun avec les battements des cloches.  Des manifestations terrestres de la gloire de Dieu, de son Fils , des Anges et des Saints Martyrs pour les plus croyants,  Des bâtisses pour lesquels les constructeurs  avaient tenus compte des nombres d'or et de l'importance de la résonance des messes à l'autre bout de la salle pour les architectes.  Des murs sur lequel  étaient disposés des sculptures et des vitraux de  scènes  bibliques pour les artistes.

Le jeune lieutenant  Stanislav s'était arrêté   pour réaliser  des croquis d'un de ces grands établissements de la foi Catholique, il avait fait déjà nombre de reproductions au crayon de graphite à la mine taillée au couteau.  C'était une de ces heures où il prenait du temps pour lui,  loin  d'établir des rapports  et des listes de bâtiment vulnérables au terrorisme des démons. L'appellation moins officielle des zootropes. Il était entré  en silence  sans son couvre-chef en signe de respect à la souffrance du Christ, et promenait  son regard  appréciateur sur les arcades de pierres et les majestueux vitraux représentant des scènes bibliques et des saints.

"Je n'ai pas encore trouvé le mien."
Ruf fit de son mieux pour ne pas marmonner sa redite. C'était très mal de marmonner même si elle ne pouvait pas s'empêcher de le faire.
"Comment avez-vous trouvé le votre, monsieur ?"
Elle se disait alors que ceux qui avaient trouvé leur talent à onze ans étaient bien chanceux.

Elle ne l'avait pas encore trouvée ?  Elle n'avait pas à s'inquiéter à cet âge tendre ; il y avait encore du temps. Grâce à quelqu'un qui a voulu m'offrir une éducation. J'ai découvert que la géométrie et les mathématiques me plaisait et j'ai intégré une école d'architecte. J'aimerai  faire fabriquer des maisons pour les gens quand j'aurai fini mon service à la milice.  

Ruf connaissait vaguement le terme architecte, bâtisseur de cathédrales et de maisons, l'idée d'en rencontrer un l'impressionnait amis ensuite, l'homme avait mentionné appartenir à la Milice… Ces hommes faisaient beaucoup peur à Ruf. Ils étaient censés protéger les humains des démons mais Ruf se sentait très mal à l'aise en leur présence. Sans doute parce que leur attitude lui rappelait… l'autre.
"Pourquoi pas maintenant ? Combien de temps devez-vous... servir la Milice ?""

"Quel genre de solutions ?" demanda directement l'enfant.
À part lire la Bible, elle ne voyait pas d'autres solutions contre la violence.

Proposer des réparations par exemple, pour que le bâtiment, le pont soit plus sûr. Il n'était pas sûr de savoir expliquer les choses à une jeune fille. Que pouvait-t-il dire pour qu'elle puisse comprendre ? Mieux, fallait-t-il préciser que les propositions qu'il faisait n'était pas toujours pris en compte pour des raisons d'économies ou autres ?

Ruf ne s'attendait pas à une telle réponse, si matérielle. Traiter le mal à la racine lui semblait plus efficace même si elle n'aurait pas employé cette expression, ni su expliquer pourquoi elle pensait cela.
"Pour se protéger des démons, il vaut mieux lire la Bible, non ? Et inviter tout le monde autour d'une table pour discuter ? Cela… les chasse, non ?"

Il avait ses doutes, comment la Bible pouvait-t-elle protéger d'un coup de couteau, d'une balle, des explosions dont sont responsables les démons ? Tout juste, servait-t-elle à se rassurer quant à sa place au paradis en mourant. Et vu les explications de l'Eglise sur l'origine des démons, cela n'allait pas être simple d'inviter tout le monde autour d'une table pour discuter. Si la Bible suffisait à les chasser, on n'aurait pas besoin de la Milice, tu ne crois pas ?

Ruf ne savait que répondre car elle ne voyait pas en quoi la Milice était efficace. Tout ce qu'elle savait c'est que les gens avaient peur d'eux. Mais si elle le disait tout haut devant ce milicien, elle aurait certainement des problèmes… Et comme elle n'avait jamais suivi les miliciens, elle ne savait pas vraiment ce qu'ils chassaient.
"..."
Mais elle était certaine que les démons ne prenaient pas tous la forme d'un animal. Certains ressemblaient beaucoup à des hommes.

L'absence de réponse ne surprend pas Stanislav, la Milice mettait mal à l'aise pas mal de gens. Même ceux qui n'avaient pas forcément quelque chose à se reprocher. Ne t'en fais pas trop, ce n'est pas comme si les démons pouvaient être tous les animaux du quartier. Sans mentionner les pauvres animaux pris à tort pour des démons. La justice populaire des gens ordinaire était tout aussi impitoyable que la milice.

"Je n'ai pas peur des animaux qui sont les Créatures de Dieu !" s'offusqua Ruf.
C'était quelque chose qui interpellait beaucoup la petite Ruf. Aucun des deux Testaments n'évoquait le cas de démons changeant en bête. Ils donnaient des maladies, infirmités ou de la démence à des personnes pas si coupables ou mauvaises. Pour une obscure raison le Pape, les prêtres et les bonnes sœurs souhaitaient se débarrasser des pauvres victimes par le biais de la Milice.

L'officier sourit poliment, comme s'il était détenteur d'un grand secret. La peur des démons rendaient suspicieux et vigilants les gens vis-à-vis des animaux. S'ils remarquaient un comportement étrangement humain, ils se mettaient en chasse et tuaient le pauvre animal. C'est difficile de faire la différence entre les créatures de Dieu et les Démons, il n'y pas un signe distinctif et je crains que nous ne sommes que des hommes, sujets à l'erreur et à l'imperfection.

Mais Ruf n'avait pas peur, elle était intérieurement sure d'elle même si d'habitude, elle avait peur de déranger.
"Je fais confiance à Dieu, c'est Lui qui nous protège des démons. Je demand'rai à Dieu de vous guider ce soir. Votre dessin est beau, je suis sure que vous êtes quelqu'un d'bien."

C'est une bonne chose d'être résolue. Merci, je vais allumer une cierge pour toi. , dit-t-il en se levant pour prendre une chandelle, l'allumer puis fit une donation à l'église. Tu peux adresser une prière au Seigneur si tu veux.

La jeune Ruf joignit les mains et réfléchit à la prière qu'elle pouvait adresser au Seigneur.

Il fallait respecter les prières silencieuses à Dieu puisque c'étaient des affaires privées entre Dieu et le croyant. Stanislav espérait juste que cette prière s'exaucerait.

Mais la prière fut interrompue par un cri strident qui alarma tous les gens alentours. Il était rare de crier ainsi dans la maison de Dieu. La personne responsable semblait être la femme cramponnée à une chaise, la bouche grande ouverte, ses yeux exorbités dirigés vers le sol.
Une chose sombre s'y trouvait, petite chose de quelques centimètres avec six protubérances : une longue queue, une tête trapue de l'autre côté et quatre pattes. La fillette s'approcha.

Le cri strident détourna l'attention de l'officier Stanislav, une femme venait de crier... Elle était cramponnée à une chaise ; quelque chose avait dû l'effrayer. Une souris... ? , supposa-t-il bêtement.

Sauf qu'en s'approchant, Ruf pouvait bien voir qu'il s'agissait d'un lézard. L'animal tourne son corps d'un geste vif vers Ruf avant de déguerpir vers la sortie. La fillette eut une petite moue déçue parce qu'elle voulait toucher le lézard pour savoir comment était sa peau et le nourrir s'il avait faim.

Un lézard, se corrigea l'homme après avoir vu l'animal. Comment il est entré ici ? Comme tout le monde sûrement. Ou par une interstice de pierre de l'église.

La jeune fille revint vers le monsieur, son sourire évanoui.

Qu'est-ce qu'il y a ? , demanda Stanislav  en voyant le sourire évanoui de la petite fille.  Il se disait aussi qu'il ferait bien de chercher par où ce lézard a bien pu entrer.

"Je voulais voir s'il allait bien mais il est parti. Et j'ai jamais touché de lézard. Vous savez vous quel toucher ça a ? Si c'est doux ou rugueux comme la pierre ?"
Si c'était froid, chaud, piquant, lisse, granuleux, sec, humide…

Stanislav n'allait pas chercher à savoir quel était la texture d'un lézard, elle ne l'intéressait pas. Il se demandait plutôt comment il avait pu entrer dans l'église. Se poser la question ne l'aiderait pas à avoir la réponse. Si tu veux toucher un lézard, ne l'attrape pas par la queue, ils ont la capacité de s'en séparer et de la faire repousser. , répondit-t-il à la fillette.

"Oh ! Comment ça se fait ? Dieu est vraiment plein de surprises ! Et comment le savez-vous, monsieur Stanislav ?" demanda Ruf avec une jolie lueur d'enthousiasme dans ses yeux bleu-ciel.