Rappel du premier message :




Quand orc veut, orc peut. Ou pour ainsi-dire, il peut essayer.

Ne me demandez pas comment Asbjorn avait entendu parler de Viholvärakuuna, il ne s’en souvenait pas non plus. Il se rappelait deux choses à son sujet, il ne devait pas mal prononcer son nom, et opterait donc pour un vouvoiement salvateur, et il avait un immense trésor. Bien entendu, la nature de ce trésor ne l’avait pas marqué le moins du monde…

Dans l’esprit simplet du Hulk en cape et en épées, si un dragon gardait un trésor, il devait s’y connaître en trésors. Aussi pourrait-il peut-être le renseigner sur l’origine de l’anneau qu’il portait autour du cou ! C’est sûr et c’était-même certain ! On lui avait dit que ce serait dangereux, il avait traduit en ‘amusant’.  

Quand il avait quitté l’auberge où il séjournait, il avait un grand sac à dos et beaucoup d’espoir. Maintenant, et bien son sac était plus léger et il s’était fait une ampoule en un endroit bien peu stratégique, si bien qu’en progressant dans la forêt où il se trouvait, il grognait environ un pas sur trois.

Viholvä déroula ses griffes de l'orc, ne prenant pas garde au fait qu'il le tenait un peu plus haut que le sol (c'est qu'il ne voulait pas l'écraser), et bondit sur la plateforme pour trôner majestueusement dans la salle... à sa taille. L'orc paraissait encore plus petit maintenant. "Oui, c'est ma Demeure. L'Honneur que je t'accorde est grand, et rare. Ne t'avise pas de toucher à mes Papillons." Ses yeux étincelèrent de menace. Satisfait de l'avertissement, le dragon serpenta de l'autre côté du rocher pour farfouiller entre ses fissures à la recherche d'un champirêve. "Sais-tu méditer, Orc ?" demanda-t-il. A tout Hasard.

Il n'a pas assez d'yeux pour tout voir, il en est certains et de toute manière il finit par loucher quand un papillon vient se poser sur le bout de son nez. Est-ce que ça compte si c'est le papillon qui le prend pour une fleur ? Il retient sa respiration et demande tout doucement pour ne pas faire fuir le papillon (qui pourrait être son bouclier contre le feu dévastateur du dragon) :

"Euh... Pas trop, pourquoi ?"

Viholvä renifla mais il n'en était pas très étonné : il s'agissait d'un orc, et il était déjà surpris de le voir enchaîner des phrases bien construites. Le dragon fourra son museau dans une cavité et en ressortit un gros champignon luisant d'un bleu surnaturel. Il se laissa glisser de son promontoire pour atterrir devant l'orc et posa le champignon entre eux. "Je ne saurai pas dire l'effet d'un champirêve sur une créature de ton genre, Asbjörn fils de Personne. Mais une volvä dans le Passé nécessite un profond état de détachement entre le Corps et l'Esprit. Souhaites-tu essayer la méditation en premier lieu ?"

Les relations qu'il entretenait avec la méditation n'étant pas au beau fixe, l'orc secoua négativement la tête en regarda avec attention les fins aiguillons du champignon. L'idée d'en manger ne lui semblait pas si dégoutante, il avait l'air bien plus appétissant que nombre de ses confrères des doigts. L'orc ne perdit pas son temps à demander quelle dose il devait en prendre, le dragon avait été clair : il ne connaissait pas les effets exacts sur ceux de son espèce. Il en prit une petite bouchée, ça avait un gout acidulé... C'est tout ce qu'il put penser avant de ne plus être.

Le dragon resta décontenancé par la stupidité de l'orc. Il ne savait rien des champirêves. Il ne savait rien de l'Entremondes. Il ne savait rien de la volvä. C'était du suicide !! Dans un rugissement de frustration, Viholvä croqua un champirêve, faisant fi de la méditation, car s'il tardait trop, il n'y aurait plus d'orc à aider. Son Esprit aurait déjà été consumé par l'Entremondes.

Ce furent en effet des couleurs furibondes qui l'accueillirent. Un Esprit mal préparé, et surtout ignorant, n'y était jamais le bienvenue. Il heurtait leur existence par son incrédulité. Mais l'arrivée du Chante-Mage ramena de la douceur dans leur chaos.

HRP:

Des couleurs partout.

Il n'a pas assez de sens pour comprendre tout ce qu'il se passe quand au dessus de ses pieds se trouve le toucher et en dessous le goût. C'est grisant tout va à cent à l'heure puis tout ralentit dans un battement de coeur. Peut-être que quelqu'un de plus intelligent qu'Abjörn deviendrait fou, mais lui a accepté depuis longtemps de ne pas tout comprendre. Alors il accepte simplement.

Après une seconde d'éternité, Viholvärakuuna le trouva enfin. Et ce ne fut pas trop tôt - ou trop tard - car les ombres riantes des Hiisi s'amassaient autour de lui. "Il est sous MA Protection !" rugit le Chante-Mage et sa voix claqua comme un coup de tonnerre. Elle foudroya les Hiisi de sa Puissance et entoura l'orc d'un délicat torrent qui le remit sur pied dans le désordre de l'Entremondes. Il se laissa tomber et remonta vers eux en une explosion de Chaleur et de Rouge, d'Ecarlate et de Feu, dans la Flamboyance d'un Soleil. "Je suis Viholvärakuuna, fils de Valkulohikäärme, et sous ma Splendeur, vous n'avez pas votre place, Hiisi !"

.sefle sel ruop tse'c erdnerpmoC pensait l'orc alors que de sombres silhouettes tentaient de chasser ses couleurs. Subitement tout retrouva un sens. Plus où moins. Mettant fin au meilleur trip de sa vie si on lui avait demandé son avis.

"Que fait-on maintenant ?"

"Ce qu'on fait maintenant ?" Le dragon en trompeta d'outrage. Il devint subitement aussi immense que l'Eternité et sa gueule n'était qu'une Fournaise aux Flammes d'or et d'ivoire et sa voix charriait la Foudre et le Tonnerre ; et il parlait aussi en des Murmures dans les oreilles de l'orc, plus minuscule qu'un grain de poussière. Il était Partout et Nulle Part à la fois. "Que croyais-tu accomplir en sautant dans le Vide sans aile, Orc ! Le contre-don que tu me dois va s'avérer plus ardu à contenter car je n'avais point promis de te sauver de ta Folie ! Tu as failli me mettre en Faux à ma propre Parole, Stupide Orc !"

"Je ne suis pas d'accord, on ne revient pas sur un marché parce qu'il s'avère plus difficile à accomplir qu'escompté."

L'orc parle avec plus d'éloquence qu'il ne l'a jamais fait, un contre-coup du champirêve ou d'une ouverture des chakras un peu violente.

Il était un Maître dans l'Entremondes. Il cracha soudainement les couleurs en un Souffle de Mort. Elles frappèrent le malheureux de leur Fougue et de leur Chaleur et il souffrit mille tourments sans être blessé. "Comment oses-tu ?!" rugit la Voix qui emplissait tous ses Sens. "Je suis Maître des Mots, une Voix qui Lie le Pouvoir, le Mensonge et la Tromperie ne sauraient entacher ma Puissance. Ce que je dis est Vrai, ce que je fais est Vrai, ce que je demande est Vrai ! Tu passeras toute ta misérable Vie à me trouver le plus beau Papillon que j'aie jamais vu, ou par le Nom de Viholvärakuuna, je te Maudirai des Mille Hiisi de l'Entremondes !"

"C'est l'accord que nous avons passé, et il me semble toujours aussi juste."

Et si par mégarde sa vie prenait fin maintenant, et bien le dragon perdrait un super chasseur de papillons ! Ne pas se laisser emparer par la crainte tenait sans doute de la folie, mais aussi... d'une certaine sagesse. Il était à la merci du dragon et de cet univers, alors autant rester sincère avec lui-même.

"C'est remettre en question la Justesse de mes Mots qui pourrait te coûter cher, Asbjörn fils de Personne." gronda l'Immensité de Fournaise avant de refluer dans la forme d'un dragon. Dans l'Entremondes, il brillait de mille feux, ses écailles luisant ded nuances de Rouge, de Roux, d'Orange et de Jaune, d'Or, d'Ocre, de Cuivre et d'Ecarlate, et de Flammes. Et sa Voix portait la Puissance des Mots.

"Couleurs et Sons, et Mouvements
Obéissez à ma Parole !
Ma Chante-Voix qui vous Commande !
Entre les Mondes et les Temps.

Couleurs ! Formez la Terre Brune
Et les Herbes chantant le Vent
Et les Cimes dansant de Vert ;
Je Nomme une Île d'Amarre."

Pas tellement la justesse de ses mots que celle de ses actes pensa l'orc, pour qui un serment ou un contrat était quelque-chose d'inviolable une fois qu'il était passé.

Les couleurs s'organisèrent en un chemin d'écumes qui les mena au centre d'une île. Elle paraissait étroite et immense à la fois, rien n'avait réellement de sens de l'écume des jours aux cadavres exquis pendant sur des arbres-écumoires... Tout semblait différent.

"On est d'accord que si je pars en exploration ça ne va pas vous plaire ?"

"Je t'entends !" ronchonna Viholvä en se posant sur l'île. Il agita une patte nonchalante vers l'immensité chaotique de l'Entremondes. "Si je disais "A ta guise.", ton Esprit serait lacéré par l'Entremondes et j'aurai rompu ma Parole. Alors, oui, je serai fort courroucé d'une escapade." Le dragon renifla. "Une volvä dans le Passé est un exercice complexe, quoique moins que de questionner les Avenirs. Il faut que tu restes près de moi, car je suis ton Guide et, sans moi, tu ne feras qu'errer pour l'Eternité. Un sort peu enviable, n'est-il pas ? Maintenant, concentre-moi, et fais apparaître l'Anneau tel que tu le vois dans ton Âme."

Il ne sait pas si ce serait réellement dommage, c'est quand même vachement beau comme endroit... Mais soit, il restera près du dragon.

Par contre faîre apparaître un anneau, c'était clairement compliqué quand on avait la concentration d'une huître cuite. Il ferma les yeux pour ne pas être déconcentré par la danse des couleurs et pensa très très fort au petit anneau sur lequel était gravé des symboles inconnus. Il l'avait regardé tant de fois qu'il en connaissait le moindre détail maintenant...

"Tu peux ouvrir les yeux." La voix du dragon sonnait comme le roulement d'une cascade et les bruissements d'aile d'un papillon. "Concentre-toi sur cet Anneau. Concentre-toi sur ce que tu veux savoir. Concentre-toi sur ce Passé... et là, oui, tu peux sauter. Je t'accompagnerai et de Guiderai."

Se concentrer, il en avait de bonnes ! Même les yeux fermés l'orc voyait encore une myriade de couleurs et de formes. En fait ses paupières ne ressemblaient plus à des paupières. Il essayait très très fort de ne penser qu'à l'anneau, mais son esprit s'évadait vers Moira, vers ses véritables parents, vers la peur de ne rien trouver, vers le peur de trouver. C'était compliqué, mais si ses parents étaient juste les deux orcs qui avaient tué le mari de Moira, il ferait quoi ? Il se sentit soudain perdre pieds. Il chutait.

Il le perdait ! Ces humanoïdes étaient vraiment les esclaves de leurs émotions et de leurs doutes. Pas comme les dragons !

Mais Viholvä s'égarait. Il avait un orc à repêcher. Le dragon jeta un regard lassé sur la silhouette de l'orc qui s'écartelait parmi les couleurs puis claqua de la langue.


Les Hiisi cachés derrière les couleurs délirantes grognèrent de dépit mais lâchèrent leur victime qui retomba ou remonta ou aussi tourniboula jusqu'aux pattes du dragon. "Reprenons, veux-tu ? Qu'on donne une parenté à cette Personne."

Que venait-il de se passer ? C'était une question des plus complexes, et une de celles auxquelles l'orc décida que trouver la réponse lui prendrait trop d'énergie et de temps. Le dragon lui demandait de reprendre, et aussi étonnant que cela put paraître l'orc ne bougonna pas qu'il n'avait pas arrêté. Certes il continuait à penser à l'anneau et aux conséquences qu'auraient sur lui de retrouver ses origines. Si le dragon s'attendait à autre-chose il avait intérêt à lui donner des instructions plus spécifiques...

Au moins, l'orc était-il un étudiant obéissant, à défaut d'être suffisamment bien pensant pour comprendre tout ce qui l'entourait. Il s'en sortait mieux que la plupart cela dit car il s'arcqueboutait pas contre le chaos de l'Entremondes. Viholvä put donc laisser son esprit dériver dans la volvä sans craindre de le perdre une seconde fois - il semblait maîtriser ses doutes dorénavant. Les murmures d'Ääni le guidèrent dans les souvenirs de l'orc. Le décor changea autour d'eux, comme si une brume prenait vie et couleurs, ou comme la surface de l'eau qui reflétait un autre paysage. Ils y virent une femme humaine entourée d'enfants.

Moira. "Non maman !" répondit la femme qui semblait bien plus jeune que la dernière fois qu'il l'avait vue, pas encore usée par les crises d'adolescences de ses trois marmots. Tu sais ce que je veux dire. "Et toi sais tu ce que je veux dire ?" Le visage de la femme s'estompe et la scène s'étiole, l'orc a le vague à l'âme... Mais déjà les couleurs s'étiolent et l'univers se refont en un vague paysage inconnu.

"Mmh... Absjörn, fils de Moïra alors." La Voix du dragon retentit dans tous les Sens de l'orc. Il n'apparaissait nulle part tout en étant partout à la fois. "Dans quel désespoir dois-tu être pour te nommer Fils de Personne, petit Orc." Il n'y avait aucune moquerie dans cette Voix, juste un simple constat. "Je comprends mieux ta quête car cette Mère est Humaine et si tu lui dois ton Education, elle ne t'a pas donné Naissance. Suivons le courant d'Ääni vers un Passé plus profond." Il emmena leurs Esprits par la force de sa Volonté et ils plongèrent et remontèrent vers la lumière... puis entendirent des pleurs d'un bébé.

Il a de bons poumons ce bébé orc, il casse vos oreilles ! Personne ne va donc venir répondre à ses pleurs ? Que quelqu'un l'étouffe dans ce cas ! On n'a pas idée d'inventer des machines faisant tant de bruit qu'un poupon qui crie à gorge déployée.

"Faut le faire taire !" bougonne Asbjörn en appuyant ses mais sur ses oreilles.

"Certes, j'ai du mal à concevoir l'utilité de hurler aussi fort quand on est incapable de se défendre mais, néanmoins, Asbjorn enfant de Moïra, fils d'inconnus, c'est de toi qu'il s'agit." La voix du dragon était indéniablement amusée. "Et si tu veux enlever l'inconnu dans ton Nom, jeune Orc, je ne saurai trop te conseiller de cesser de refuser cette volva car elle te casse les oreilles. Laisse-toi porter par elle... La Vérité est proche."