Arior s'éveilla de bon matin ce jour là. Il se sentait... En forme. La nuit avait été agitée et passée en bonne compagnie, le vin avait coulé à flot et grâce à ces talent il n'avait aucune gueule de bois. Il se sentait la force d'avoir une journée bien remplie et productive. Il décida donc que cette matinée serait consacré à faire sa tournée des mauvais payeurs de la ville. Pas que celle-ci soit énorme et qu'il y ait beaucoup de clients mais... quelques uns se faisaient désiré dans le paiement de ses services.

Le soleil se levait et c'était l'heure parfaite pour aller faire le tour du marché et visiter une étale en particulier. Il marchait tranquillement dans le fraicheur du matin, ayant en ligne de mire l'étale concernée. Mais il se stoppa lentement en apercevant du coin de l'œil un petit être qu'il avait déjà vu. Chétif, sale, mais étrangement blanc comme la neige, le petit elfe l'intriguait depuis plusieurs jour déjà. Il semblait seul, à la rue, abandonnée et pourtant aussi sauvage qu'un petit animal. Il ne se laissait pas approché, se cachait, ne mendiait pas... Et il avait visiblement une idée dérrière la tête. Son intérêt tout concentré sur celui qui avait retenu son attention, Arior remit temporairement à plus tard son plan pour observer la scène.

Blanc et sale, l'enfant restait à l'écart de la foule, qu'il observait pourtant, de son regard perçant et noir. N'étant pas un modèle de discrétion par son physique et sa misère, il attendait vraisemblablement une bonne opportunité. Laquelle se présenta sous la forme d'un gracieux félin. Le visage pâle s'éclaira alors qu'il s'élançait à la poursuite du chat, comme le ferait n'importe quel enfant. Puis il bifurqua et tendit la main vers un étal... avant de disparaître.

Que va tu faire, petite souris ? Se demandait Arior. Jusqu'à assisté à la ruse ingénieuse de la petite chose. Le petit être n'était pas idiot, loin de là, titillant d'avantage sa curiosité. Qu'était-il ? Et que faisait dans un bourg aussi miteux, sans personne pour l'éduquer ?

Amusé, un léger sourire au coins de lèvres, Arior avança vers l'étal pour suivre le petit chapardeur des yeux alors qu'il détalait rapidement sur ses courtes jambes.

Sale petit... au voleur !

Le marchand lui non plus n'était pas dupe, mais la main leste avait été trop rapide pour qu'il puisse réagir, toutefois trop remarquable pour ne pas se faire voir. Déjà le bonhomme hélait les gens alentours pour rattraper le petit chapardeur, qui ne devait pas être loin.

Vous ne pouvez pas le manquer, il est blanc, blanc vous-dis-je ! Et sale comme un rat !

Arior était... et bien, amusé ! Il se joignit à la foule qui se mit à fouiner, héler, cherchant à débusquer le petit sauvage.

- Il là, je l'ai vu !

Un attroupement s'élança dans une direction.

- Non, ici !

Puis dans une autre. Arior ricana. Le petit les faisaient tourner en bourrique ! Malin, très malin. Mais à force de pirouette, les passants finirent par encercler la place et resserrer l'étau.

Le sale rat n'était qu'une ombre blanche, minuscule au milieu des adultes, trop rapide et fugitive pour se faire attraper. C'était sans compter l'excitation des passants, échauffés par les cris du marchand furieux. Mais le rat était aussi renard et savait exploiter son environnement.

Aaah !

Le cri outré d'une femme détourna une fois de plus l'attention.

Il y a quelque chose sous ma jupe !

L'enfant filait déjà dans la direction opposée. Ses yeux d'obsidienne croisèrent un regard de glace... pas si indifférent. Le sien était emprunt de détermination.

Arior se disait qu'il allait attendre de voir ce qu'il allait advenir du filou. Avant de croiser son regard. La contact fut furtif, mais suffisant pour qu'il y voit une motivation nécessaire pour intervenir.

- Il est là-bas !

Lança t-il, en pointant la direction inverse au petit. Puis il alla trouvé le marchand exalté, celui-là même qui lui devait de l'argent et qui grimaça en reconnaissant le mage.

- Vous avez mon dû ?
- Et bien...
- N'en dites pas plus. Je suis de bonne humeur. Je reviendrais demain. Je veux toute la somme. Enfin... vous pouvez décompter le larcin de cet enfant et ces deux fruits.

Deux gros agrumes charnus et sucrés.

Eeeh... bien sûr...

L'homme n'en menait pas large face à l'elfe noir malgré sa carrure. Il savait visiblement de quoi son interlocuteur était capable.

Alors que le mage s'éloignait, son récent achat en main, le marchand calma le public aussi enthousiaste face au voleur que perdu face au roublard. La fuite de ce dernier n'était plus ralentie, et il quitta prestement la place par les ruelles, sans un regard en arrière.

Arior se détourna et chercha le petit être de vue. Au moment où il pensait l'avoir perdu pour de bon, il aperçut un éclair blanc au coin d'une ruelle. Il s'y précipita pour suivre le chenapan. Tel un beau diable, ce dernier disparaissait rapidement, ne permettant à Arior de l'apercevoir seulement au dernier moment. Ils s'éloignait ainsi de la foule et de l'agitation, arrivants au abords moins fréquenté et plus pauvre du petit bourg.

Si l'enfant évitait les principales veines de la petite ville, une chose était vite devenue évidente pour son poursuivant : son parcours était plus long que nécessaire, et bien plus tortueux. Il cherchait à semer d'éventuels traqueurs, et était bien en passe de réussir.
Ne pouvant pousser son endurance au-delà de ses limites, l'enfant finit pourtant par s'arrêter. Il jeta un coup d'œil furtif vers l'arrière, et reprit sa course aussitôt qu'il rencontra les yeux d'azur.

- Attends !

Mais le petit était déjà reparti. Et à force de trotter comme ça, l’enfant qui connaissait mieux les lieux que le mage fini par le perdre.

Arior soupira et le chercha de-ci de-là sans succès. Mais alors qui était décidé à laisser-tomber, il aperçut quelques mèches blanches voleter derrière un muret. C’est avec prudence et silence qu’il s’approcha de lui. Il resta tout de même à bonne distance lorsqu’il l’appela.

- Hé, petit. Je ne te veux pas de mal.

Les dites mèches disparurent derrière le muret à peine la phrase commencée. L'enfant s'était recroquevillé derrière son refuge de fortune. Repéré comme un animal qui espère qu'on l'oublie, il ne bougeait plus. Pas plus qu'il ne répondit.
Après un moment il se décida à observer le fruit de son larcin. Un fruit, littéralement. Aussi chétif que lui mais très coloré. Il tenta de croquer dedans, sans succès. Avant d'arracher l'écorce depuis l'encoche réalisée par ses dents. Toujours silencieux, il mordit dans la chair acidulée aussitôt mise à nu.

Arior s’immobilisa en même temps que l’enfant. Il ne voulait pas l’apeurer. Au contraire. Il lui laissa le temps de se détendre assez pour bouger alors qu’il l’observait par dessus le petit mur. A voix basse, il fini par reprendre la parole.

- Tu aimes ça ? Tiens. Je t’en ai amené d’autres.

Il tendit le bras et posa les deux agrume sur les pierres qui surplombait le Petit et recula d’un pas.

- Ils sont pour toi si tu les veux.

Les yeux noirs de l'enfant regardèrent l'elfe au dessus de lui. Il était de toute façon trop tard pour s'enfuir. Apercevant les fruits déposés plus haut que sa tête, il retourna à son occupation du moment, à savoir éplucher et dévorer son propre fruit. Le jus coloré coulait comme du sang sur ses doigts.

Arior le regardait faire avec amusement. Il attendait qu’il prenne son offrande... ce qui n’arrivait pas.

- Allez, prends. Ils viennent du même étal où tu as chapardé tu sais.

Mais toujours rien. Arior s’interrogea. Il restait à distance, il donnait à manger à un petit être affamé alors pourquoi ne se jetait-il pas dessus ? Oh, peut-être que...

- Tu ne crains rien, il ne sont pas empoisonnés.

Arrêtant un instant de mâcher, l'enfant releva le regard vers son interlocuteur, le regardant du coin de l'œil sans forcer. Son expression n'avait pas changé.

Ca... j'en sais rien.

Sa voix encore fluette dénotait d'une certaine expérience, d'une enfance trop rapidement dérobée.

Un elfe noir n'agit pas sans intérêt.

Il revient à son repas sommaire, mais son corps gardait une certaine tension, attentif aux faits et gestes de l'elfe noir dans son dos.

Si Arior fut surpris de cette repartie, il le fut agréablement ! Cette petite chose était décidément étonnante ! Il haussa un sourcils, restant à sa place.

- Ah oui ? Parce que tu en as déjà rencontré ?

Pas que ce soit impossible, mais tout de même. Dans ces contrées, rencontrer des elfes noirs et en sortir indemne n’était pas si courant. Surtout si petit. A moins que cette rencontre explique sa situation actuelle.

Un nouvel arrêt, mais cette fois l'enfant ne parla pas tout de suite. Il ne regarda pas non plus celui qui l'interrogeait.

Oui.

Il pencha la tête, comme s'il hésitait à ajouter quelque chose, mais s'abstint. La question ne demandait, après tout, aucune autre réponse. Il croqua à nouveau le fruit, interrompu par un morceau d'écorce qu'il fut forcé d'enlever.

Expéditif. Ce qui soulevait chez l'elfe noir une curiosité accrue !

- Quel âge as-tu, dis moi ?

Il était si petit... mais peut-être était il plus vieux qu'il n'y semblait ? La malnutrition ou tout autre chose pouvait très bien lui donner un air plus juvénile qu'il ne l'était vraiment.

Les sourcils blancs se haussèrent à la question. Il sembla une nouvelle fois hésiter, mais trop peu de temps pour que cela passe pour de l'incertitude.

Moi.

Il avala une nouvelle bouchée de chair juteuse. L'écorce entre les mains, il ne resterait bientôt plus que ça.

Eh ?! Est ce que ce gamin venait vraiment de se payer sa tête ?! D'abord surpris, ce fut au tour d'Arior de froncer les sourcil en posant ses mains sur ses hanches, contrarié.

- Tu es inconscient ou tout simplement stupide ? Je te pensais plous malin que ça ! D'abord je te sauve la mise en empêchant les badaud de faire main mise sur toi, ensuite je t'offre à manger et tu te permet de te payer ma tête ? Sais-tu seulement qui je suis ?!

Son visage se releva vivement alors qu'il s'apprêtait pourtant à terminer son repas. Il ne semblait pas assez idiot pour négliger le danger perçu dans le changement de comportement de l'elfe noir.

Je ne sais pas.

Si une autre insolence lui avait effleuré les lèvres, il l'avait retenue.

Je ne sais pas non plus ce que tu veux.

Il tritura un instant la chair rougeoyante du fruit, avant d'en gober la dernière parcelle.

J'ai huit ans.

A son air, il n'en était pas certain.

Arior se radoucis. Finalement, ce petit singe savait se tenir. Au moins un peu. Que lui voulait-il ? Bonne question, le mage se le demandait lui même. Huit ans... il était vraiment jeune. Une simple maladie pouvait l'emporter dans ces conditions de vie.

- Et bien je t'ai remarqué. Depuis quelques temps. Je n'avais jamais vu d'être comme toi. Qu'est ce que tu es ?

Demanda t-il simplement, récompensant la réponse du gamin par la sienne.

Le morceau d'écorce finit comme les autres, dans le caniveau, attirant déjà quelques rats. Le regard de l'enfant s'attarda sur eux, avant qu'il ne fronce les sourcils. Il regarda alentour : il n'y avait personne d'autre qu'eux.

Je suis un elfe noir.

Le mage ne parvint pas à se retenir : il pouffa franchement de rire !

- Toi ?! Arrête de te ficher de moi ! JE suis un elfe noir mon petit, et regarde toi, tu es tout sauf ça ! Les elfes noir sont par définition, et bien... noirs. Et toi tu es aussi blanc que la neige du sommet de ton crâne à la pointe de tes orteils !