Sixième dans la file d'attente. Emmett se trouvait derrière un couple de petits vieux. La dame se tenait au bras de l'homme, qui restait debout grâce à sa canne. Il les observa en silence, faute d'autres divertissements. Peut-être que dans une vie parallèle, lui aussi aurait pu se retrouver comme ça, un lundi soir, les bras noués avec son ex.

Till death do us part.

Finalement, leurs voeux matrimoniaux avaient été respecté ; ils n'avaient tout simplement pas spécifié que la mort qui les séparera ne serait pas celle des époux. Arrête de te torturer. Ses doigts glissèrent par automatisme autour du jeton qu'il avait mérité pour sa sobriété, comme d'habitude quand ses pensées virèrent vers le trou noir qui risquait de l'absorber trop rapidement. Ses livres d'auto-assistance prenaient de la poussière. Il était peut-être temps de retourner à un meeting, ou au moins de parler à son sponsor.

Les cris de panique le replacèrent les deux pieds sur terre. Il n'avait pas vu ce qui avait provoqué l'agitation, mais quand il se retourna, tout devint clair. Quatre hommes masqués, armés de fusils, bloquaient l'entrée de la banque. Ils semblaient avoir trouvé amusant de choisir des masques d'Halloween.

Est-ce que je dois me répéter ?! hurla le clown. Tout le monde par terre, les mains derrière la tête ! Le premier qui tente quelque chose... Le reste était sous-entendu.

J’avais pas l’air con avec les bras relevés comme ça. Comme si j’étais pas déjà assez grand comme ça ! J’aurais dû paniquer, mais j’étais juste saoulé. Journée de merde depuis le levé. Mon portable en rade (tombé dans les toilettes de bon matin), ma godasse qui se troue, mon écharpe introuvable et le distributeur HS qui me force à entrer dans cette banque pour me faire prendre dans un braquage. Super. Vraiment !

- Contre le mur et à genoux ou je vous descend !

Beuglait l’autre, faisant trembler et pleurer les femmes. Le petit troupeau obéit (moi comprit) et un type nous mit en joue pendant qu’un autre allait harceler l'hôtesse.

Quand il remarqua que les p'tits vieux qu'étaient devant lui avaient du mal à se mettre à genoux, Emmett les donna un coup de main. Ca ira, chuchota-t-il pour calmer la mamie qui tremblotait, avant de se placer à genoux à leurs côtés.

Ecoutez bien : mon ami, gorille, va passer vous voir avec un sac. Vous allez placer vos téléphones portables dedans, vos portefeuilles, vos montres et tous les objets de valeur. Si on découvre que vous avez "oublié" quelque chose quand on vous fouille par après... on vous bute. Capiche ?

Le type commença au bout de la foule à amasser les maigres richesses de chacun. J’aurais bien dupliqué mon téléphone pour m’en planquer un exemplaire mais j’en avais plus depuis ce matin ! Je tournais légèrement la tête vers le type à ma droite qui semblait moins terrorisé que les autres.

- Prêtez moi votre portable.

Je me faisais le plus discret possible. Mais pour une fois, ma haute stature serait peut-être un avantage. L’autre typé n’était pas petit mais je pouvais facilement le planquer, au moins pour partie.

- Allez, s’vous plait, filez le-moi ! J’vous le rend !

Je chuchotais autant que possible en me faisant insistant.

Ce n'est pas qu'il voyait la vie en rose, mais si Emmett n'était pas terrorisé comme la plupart des gens, c'est parce qu'il était confiant que ce genre de situations se terminaient toujours avec les braqueurs en menottes et un minimum de victimes. Avec un peu de chance, une des hôtesses avaient déjà appuyé sur le bouton d'alarme silencieuse pour alerter le NYPD. Vous êtes dingue ? Ne tentez rien. Vous allez mettre votre vie en danger. Ou celle des autres.

Je claquais de la langue en signe d’agacement. Putain de vieux  trouillard ! J’allais lui refaire ma demande, mais l’autre approchait et… oh… les volets en métal de sécurité de la banque s’abaissèrent comme lors de la fermeture. La pauvre femme au comptoire pleurait, avec le canon de l’autre con contre l’arrière du crâne. Le type avec son sac arrivait bientôt à notre hauteur et mes espoirs de voler un mobile s’envolèrent.

- Merde !
- Ta gueule ! File ton téléphone et tes bijoux !
- J’en ai pas…
- Menteur ! Lève ton cul !

Je soupirais et me levais pour me faire peloter. Oh, joie.

Qui n'a pas de téléphone de nos jours ? Emmett arqua un sourcil, quasi autant surpris que le braqueur. Alors que le jeune se faisait peloter, son regard vira vers le petit couple de vieux qu'il tentait de prendre sous son aile. La mamie était de toute fragilité. Elle semblait chercher son téléphone dans son sac, elle aussi, mais ses doigts tremblaient tellement qu'elle arrivait à peine à ouvrir la fermeture éclaire.

Quel putain de personne n'a pas de téléphone ?! Le gorille semblait arriver à la même conclusion qu'Emmett.

Voilà que l’autre s'excitait ! Faut dire qu’il aurait beau me tâter dans tous les coins, il trouverait rien.

- Je l’ai fait tombé dans les chiottes ce matin ! ça arrive à tout le monde !

Mais l’autre ne semblait pas me croire. Et au contraire, il s’énerva davantage en hurlant de pas me foutre de sa tronche. Il se recula de quelque pas pour me mettre en joue. Et je levais les mains, impuissant et un peu flippé.

- A poil ! beugla t-il et je haussais un sourcil.
- Sérieux, mec…
- J’AI DIT A POIL !

Glups. Ok. Me faire flinguer ou faire un strip-tease ? J’optais pour le show et me retrouvais bien vite en boxer.

Ils allaient loin pour découvrir le mensonge. En partie dû à l'insolence du jeune homme, certainement. Il avait trop de répondant pour la situation. Il n'a clairement pas de portable. Il intervient calmement, une main en l'air pour signaler qu'il "vient en paix et amitié", alors que l'autre présente son propre portable au braqueur. Y'a pas de raison de pousser ça plus loin.

Pas de raisons, comme disait l’autre. A part celle de m’humilier un peu plus. Le braqueur fini par se raviser et me dit de me rhabiller, ce que je fit avec un soupire de soulagement repris par d’autres otages. Je me remis à ma place à côté du type et lui glissait un “merci” alors que l’autre s’éloignait.

Dehors, étouffé, le son des sirènes de police se faisaient entendre. On était complètement isolé avec les rideaux fermé, mais au moins on savait qu’on était plus seul.

- Journée de merde… grognais-je tout bas.

C’était franchement peu de le dire.

Le NYPD est arrivé. Les caméras aussi, sûrement. Les négociations vont commencer, chuchota Emmett à son voisin. Les braqueurs étaient à l'autre bout de la salle désormais. Deux parmi eux avaient disparu quelque part à l'arrière. Si tout le monde reste calme on sera chez soi pour le dîner. C'est pas qu'il avait autant de confiance dans le NYPD, mais les braqueurs avaient l'air stressés et nerveux. Ils allaient certainement craquer sous la pression, non ?

Ouais, tu m'en diras tant ! Pourtant il y avait quelque chose de puant dans l'air. La tention ne cessait de monter et... BAM !

- Putain de merde ! m'écriais-je soudain en tournant la tête vers l'arrière du bâtiment ou avait disparu des braqueur et la pauvre hôtesse d'accueil.

C'était bien un coup de feu qui venait de retentir et qui fit suivre des tremblement, des gémissements, des sanglots et un mouvement de panique généralisé chez les otages. NYPD mon cul ! Il allait falloir faire quelque chose avant de tous crever ici comme une bande de glands !

- ASSIS ! FERMEZ-LA !

Il n'y avait pas que nous que ça avait stressé en tout cas.

Il ne s'était pas attendu au coup de feu. Emmett aussi avait sursauté. La mamie à côté de lui s'était couvert les oreilles au bruit et les tremblements de ses doigts n'étaient que trop évidents. Même à cette âge-là on peut avoir peur de la mort.

Merde. Peut-être pas rentré pour le dîner après tout ?

Ils sont trop nerveux. Pas un bon signe. La peur provoque l'impulsivité. Le mec à côté de lui allait devoir mieux contrôler les mots qui sortirent de sa bouche s'il ne voulait pas être le prochain sur la liste.

Puis, le téléphone sonna.

Tout le monde se figea. Braqueurs comprit. Les sonneries retentissaient et le type qui nous mettait en joue suait à grosses gouttes. Il recula, jetant des coups d'œil incertain au téléphone. Puis finalement il me pointa de nouveau avec son arme.

- TOI ! T'as l'air d'un bavard, va répondre !

Mais merde, qu'est ce que j'avais fais au karma pour mériter ça ?! Je me levais et allais saisir le combiné.

- Allo ! j'étais clairement blasé.

J'écoutais un moment la voix qui me parlait avant de me retourner vers le braqueurs.

- C'est les flics, ils veulent négocier. Genre, faites sortir les otages et rendez vous et on vous butera pas.

[insert mental facepalm here]. Ce mec allait tous les tuer. Les braqueurs étaient déjà nerveux. Si en plus l'autre traduisait les mots du NYPD de la façon la moins diplomatique possible... Ne comprenait-il pas l'incroyable opportunité qui venait de s'offrir à lui ?

Faites sortir les plus jeunes et les plus vieux au moins, proposa Emmett.

Je regardais mon ex-voisin, puis le braqueur. C'était une proposition à la "les femmes et les enfants d'abord" mais c'était loin d'être con. Je hochais la tête avec enthousiasme mais le braqueur avait l'aire d'une cocotte minute sous pression prête à exploser. Je sentais qu'il allait encore hurler un truc mais soudain, les deux disparus de l'arrière boutique refirent surface.

- Raccroche et va t'asseoir.

J'obéis et retournais à côté de maitre Yoda. Il y eu un conciliabule de quelques minutes entre les méchants avant qu'ils nous remettent en joue.

- Debout, l'un dérrière l'autre !

Et ils nous emmenèrent à l'arrière.

Pas un bon signe. Ils n'avaient pas réagis face à la proposition d'Emmett, ou du moins pas de la façon qu'il avait espéré. Pourquoi les isoler à l'arrière ? Un bébé commença à pleurer parmi les otages, alors que sa mère tenta de le calmer. Le regard d'Emmett glissa encore vers les hommes à masque, mais impossible de comprendre ce qu'ils pensaient avec ces costumes d'halloween.

Ca sent pas bon, marmonna Emmett à son voisin alors qu'ils se déplacèrent.

Tu m’étonnes que ça pue ! Ils allaient tous nous massacrer un par un et nous fourrer dans un de ces coffres ! Les flics étaient sympa mais il fallait qu’on sauve notre peau là ! Quand soudain... une ampoule clignota dans mon crâne. J’avais une idée foutrement lumineuse ! Je me penchais vers mon voisin pendant que personne ne regardait.

- Si on est plus armé qu’eux... genre si tous les otages ont un flingue on peut inverser la situation tu penses ?

C’était maître Yoda ce mec. Ses réflexions marchaient sûrement mieux que les miennes alors autant le consulter !

A quoi bon de faire des hypothèses sur des situations qui sont si peu probables ? Emmett arqua un sourcil. Tu penses vraiment que la situation va s'améliorer si tout le monde a un fusil ? En général ça devient plutôt l'inverse. Trop de gens ont la gâchette facile. Une meilleure situation serait pas de fusils du tout.

Ah, ben voilà, je le savais bien qu’il fallait que je le concerte ce mec ! Donc oui, idée merdique. Et les deux neurones étaient à court.

- Qu’Est ce qu’on peut faire ? On va pas juste attendre que ça se passe quand même...

J’essayais d’être discret et les braqueurs semblaient s’engueuler entre eux. Ce qui sentait encore plus le roussie !

Il n'y a rien à faire, tenta d'expliquer Emmett pour dissuader le jeune homme d'agir sur ses "excellentes idées" qui allaient tous les tuer. Tu restes calme, tu te tais, et tu fais ce qu'ils te disent. On ne lui avait jamais expliqué que quand tu te fais agresser, tu donnes ce qu'ils te demandent et tu ne rouspètes pas ?

- Mais je sais faire des trucs !

Contrais-je, un peu trop fort, attirant une nouvelle fois l’attention des braqueurs qui commençaient sérieusement à mal me regarder. Je restais sage comme une image le temps qu’ils reprennent leur discussion et reprit tout bas.

- Des trucs spéciaux, je veux dire... ça pourrait être utile... non ?

Des trucs spéciaux ? Serait-il... ? Emmett arqua un sourcil. Cela expliquerait certainement ses initiatives dangereuses sans se préoccuper de son environnement. Il comprenait également mieux la demande d'armer chaque personne sur place. Que pouvait-il faire ? Surtout pas. Dès qu'un mutant se mêle de quelque chose, la situation devient désastreuse. Emmett avait aucune envie de revivre un moment comme ça.

Vraiment ? Mais... c'était un avantage pourtant ! Mon regard fut clairement déçu et attristé. Je voulais faire quelque chose et au final j'avais l'impression d'être un gamin de 4 ans en train de se faire réprimander par son instituteur. Je soupirais et mes épaules s'affaissèrent un peu alors que le téléphone re-sonnait dans la pièce d'a coté. Un type répondit il fut question d'un hélicoptère, puis il revint dans la pièce et me pointa du doigt.

- Toi ! Viens là !

Je m'exécutais et il posa son arme sur ma tempe.

- Je bute un otage toutes les 10 minutes jusqu'à ce qu'ils nous donne ce qu'on demande !

Ah, génial, j'étais donc le premier.

Voilà quelque chose de complètement inattendu. D'où les braqueurs avaient-ils gagné en assurance au point de menacer la mort des otages ? La police avait-elle marché sur leurs orteils ? La vie d'Emmett et des autres otages était entre les mains du négociateur, mais pour le moment il n'y avait pas grand-chose de négocié. Vous ne pensez quand même pas qu'ils vont négocier avec des terroristes sans un signe de bonne volonté ? Si vous laissez sortir les enfants, au moins, vous feriez pencher la balance en votre faveur.