Rappel du premier message :


C'est une fraîche journée d'été. Lumi et Ilma reviennent de mission en dehors de Moscou et sont contentes de retrouver la capitale. Enfin, pas autant que leur village natal de rebelles pirates de l'air ! Pour Lumi, c'est toujours l'occasion de se renseigner sur les poupées léguées par ses parents. Pour Ilma en revanche qui ne parle pas bien russe la ville est stressante, heureusement certaines personnes égayent cette ville à commencer par Lumi mais pas que.

Les filles ont rencontré une autre pilote de dirigeable. Elle n'a pas son propre dirigeable à vingt ans mais a vocation de l'avoir. Cette femme s'appelle Natacha Vasilievna Azarova et se trouve justement au même port que les filles. Ces dernières la saluent chaleureusement.

"Aujourd'hui, nous allons visiter la ville avec Ilma ! Est-ce que vous connaissez des coins sympathiques par hasard, madame Azarova ?"

En dernier recours, Lumi hausse les épaules. Elle a donné son avis, les jumelles font ce qu'elles veulent ensuite. Et il est temps de retrouver la terre ferme, les filles n'ont pas vu le temps passé. Le loueur les interpelle :
"Alors, comment ça s'est passé, mesdemoiselles ?"

Les jumelles sourirent avec enthousiasme au loueur : « C’était superbe, merci ! » Celui-ci était depuis le temps habitué à leur bonne humeur et regarda les deux adolescentes qu’il n’avait pas encore vues pour recevoir leurs impressions à elles.

Comment l'homme peut-il ne serait-ce que douter de la satisfaction des deux finnoises ? Les deux filles affichent un grand sourire et leurs yeux pétillent.
"C'était superbe, merci !" dit-elle en essayant de coller au mieux à l'accent de la jeune russe.

Si le loueur s’étonna d’entendre Lumi répéter mot à mot les paroles de Raïetchka, il n’en laissa rien paraître. Une fois un peu éloignées du lac, Raïetchka se tourna à nouveau vers leurs nouvelles amies : « Vous voulez voir les cerisiers ? Ils sont magnifiques, et ils ont des fleurs et du fruit toute l’année ! »

"Toute l'année ? Comment est-ce possible ? Les cerisiers ne fleurissent que le printemps normalement ! C'est trop tard, s'étonne Lumi qui est très calée en science du vivant. Allons voir ça !"

« Ils poussent dans une serre et leurs cycles de floraison ont été accélérés artificiellement en jouant sur leur environnement. Comme ça, ils sont toujours aussi beaux à longueur d’année ! » Tandis que Raïetchka donnait ces explications, elle et sa soeur s’étaient déjà mises en marche vers la fameuse serre du pas sûr de celles qui connaissaient le jardin comme leur poche.

"Oooh, ils sont au frais, c'est une bonne idée."
C'est vrai qu'on commence à étouffer à force de s'exposer au soleil d'été même si la verdure contribue à atténuer l'effet. Les pilotes ont retirés leur chaud manteau depuis longtemps. Le pauvre Hassel doit se cacher dans une poche ballotée par le rythme de marche.
"Est-ce qu'on peut manger les cerises ? Ah, ils ne doivent pas en avoir s'ils sont bloqués au printemps !"

« Au frais, au chaud, ça dépend de la saison. Toujours à la température idéale pour qu’ils restent beaux », précisa Raïetchka. Elle dut réfléchir un moment à la question sur les cerises. « Oh, ils en ont, je pense pas qu’ils soient complètement bloqués, mais je ne sais pas si on peut les manger. Peut-être que oui, tant qu’on ne quitte pas le chemin ? »

"Bien sûr que non ! La nature trouve toujours son chemin ! La vie est fait de changements en cercle, qui reviennent encore et encore ! s'enthousiaste-t-elle, oubliant un peu de polir son vocabulaire sous l'effet de la fougue. Un enfant finit toujours par grandir !"
Tenter d'immobiliser un arbre à l'état de petite plante, celle-ci deviendrait quand même un vieil arbre un jour.

L’envolée était aussi inattendue que passionnée et fit sourire joyeusement Raïetchka : « Exactement ! » Sa jumelle était plutôt amusée par l’échange, consciente que sa soeur était impatiente d’être enfin considérée comme une adulte. « Quelle que soit la technique qu’ils utilisent, le résultat est que les cerisiers sont superbes. »

Les quatre filles retrouvent donc la grande sœur des jumelles et c'est partit pour le chemin vers les cerisiers. Lumi s'extasie sur l'herbe encore verte malgré la chaleur du soleil et la bonne mine des passants.
"Comment aimez-vous rencontrer e nouveaux amis ?"
Question étrange puisque les filles faisaient amis de façon impromptue. En réalité, la rebelle voulait recueillir des informations sur la façon "normale" et passe-partout des filles ordinaires.

La question était inattendue, mais pas forcément bizarre aux yeux des jumelles. Après tout, elles soupçonnaient que les deux aviatrices menaient une vie bien différente de la leur et elles aussi étaient curieuses. « En général c’est via de la famille ou des amis de la famille. Pour nos leçons on a un précepteur, donc on ne va pas à l’école. Ah, et il y a notre paroisse et le catéchisme aussi où on a rencontré des amis. » Puisque c’était l’autre qui avait lancé le sujet, elle n’hésita pas à lui retourner la question : « Et vous ? Vous faites beaucoup de nouvelles rencontres pendant vos voyages ? »

Famille, amis de la famille, précepteur, école, paroisse, cours de catéchisme... Autant de moyens inaccessibles aux deux rebelles. Bon, peut-être pas la paroisse mais la compatibilité des personnes ne dénote pas particulièrement.
"Comme ça, nous discutons et au bout d'un moment, nous devenons amis puis nous nous séparons."
Un défilé d'amis de passage et non un cercle fermé et fixe d'amis, tout le contraire des filles russes.

« Et comment est-ce que vous gardez le contact alors ? » La question de Raïetchka fusa naturellement, candide. Car en effet, comment entretenir une amitié sans se voir régulièrement ? « Vous écrivez des lettres ? » Vu que les aérogares faisaient transiter une bonne partie du courrier russe, ce n’était pas complètement absurde comme suggestion.

"Non, pas du tout. Nous laissons la… Miten sanot "kaitselmus " ?* le Seigneur faire ou non," lâche-t-elle avec l'assurance des gens simples.
Seul compte l'instant présent.

* en finnois "comment dit-on providence ?"

Raïetchka n’était pas entièrement sûre d’avoir bien compris. « Donc vous ne savez jamais quand, ou même si vous allez revoir vos amis ? » Voilà qui lui semblait bien triste. Et s’il arrivait quelque chose à un ami ? Comment le sauraient-elles ? Comment pourraient-elles apporter leur soutien à ceux qui en avaient besoin ?

Et Raïetchka a parfaitement compris, sauf que Lumi ne trouve pas cela triste du tout. Chacun est libre de vivre sa propre vie de son côté.
"Non, nous sommes toujours heureuses de les revoir."
Les retrouvailles n'en sont que plus enthousiasmantes.

Aucune des deux aviatrices n’avait l’air triste, mais Raïetchka ne parvenait pas à imaginer une telle incertitude concernant ses amis. Elle hésita à lui demander si c’était pareil pour leurs familles, avant de se rappeler que c’était peut-être un sujet sensible si elles n’en avaient pas ou si elles avaient fugué. Après tout, des filles de leur âge qui travaillent dans l’aéronautique, ce n’est quand même pas très courant. « Oui, j’imagine que ça doit donner des bonnes surprises. Ca vous arrive souvent ? »

"Oui, quelques fois, dit Lumi qui n'avait pas du tout l'air attristée. Oh, est-ce les orange'ais ?"

« Quelques fois » ? Voilà qui semblait bien peu aux yeux de Raïetchka, mais qui ne paraissait pas perturber les deux autres adolescentes. Mais passons à des choses plus joyeuses : en effet, l’orangeraie (qui abritait bien plus que les orangers auxquels elle devait son nom) se dressait en effet devant elles, superbe bâtiment scintillant en verre et en métal. « Oui ! Vous allez voir, il y a des plantes du monde entier là-dedans ! », s’enthousiasma Raïetchka.

Dans tous les cas, les deux rebelles peuvent compter l'une sur l'autre ! Lumi a des étoiles dans les yeux à la dernière réplique des bourgeoises.
"Du monde entier ?! Même des endroits que je n'ai jamais vus ?!"

Question piège, ça, puisque les jumelles ne savaient pas où l’aéronaute avait déjà été. « Ben… du monde entier où il y a des plantes. Je ne pense pas qu’il y en ait des déserts arides ou des glaces du Grand Nord. » Deux endroits du globe qui, du moins sur les images de ses cours de géographie, lui paraissaient hostiles à toute vie.

"Oh si, il y en a, réplique Lumi pour la détromper. Connais-tu les perce-neiges ? Ce sont de jolies fleurs qui poussent à la fin de l'hiver. Et les edelweiss sont connues pour pousser en haut des montagnes. La toundra regorge de buissons et de mousses."
Les mousses se ressemblent un peu mais ce sont bien des espèces différentes et ne parlons pas des déserts qui regorgent de lézards, d'insectes et de petites souris toutes mignonnes.

Elle connaissait ces fleurs, mais restait coincée sur « à la fin de l’hiver ». « Mais l’hiver ne se finit pas vraiment dans le Grand Nord, si ? » Pas si elle en croyait les paysages perpétuellement gelés qu’elle avait vus durant ses cours de géographie.

"Bien sûr que si. Il y a bien un grand territoire de neige et de glace au fin fond du monde mais celle-ci rétrécit en été. Le reste du "Grand Nord" perd sa neige et l'herbe pousse tranquillement."
Pourquoi ne la perdrait-elle pas, sa neige hivernale ?
"Tu devrais venir dans le grand Nord pour voir !"
N'est-ce pas excitant, le voyage, la découverte de contrées lointaines ?