Viholvärakuuna fils de Valkulohikäärme le Curieux, Qui Connaît le Dehors, l'Adversaire du Grand Aigle, la Terreur des Papillons ! Viholvärakuuna, donc, racontait pour la énième fois sa rencontre dan-ge-reu-se avec le Grand Aigle à son auditoire fraternel ; leur soeur s'était déjà éclipsée en bougonnant qu'elle préférait chercher de jolis cailloux.

"Et là, Grand Aigle est apparu telle une Ombre de cauchemar et a foncé sur moi ! Mais j'ai redressé la tête pour lui faire face et, plus rapide que l'Ombre elle-même, je me suis faufilé entre deux rochers où il s'est tapé le bec avant de repartir. Ainsi ai-je gagné ma bataille contre Grand Aigle !" pépiait-il d'un air surexcité à ses deux frères en sautillant autour d'eux en quête de leur intérêt... et de leur approbation.

Il n'avait même pas menti en plus, il était fier de lui. La vérité était enjolivée mais il avait réussi à ne pas se faire mal à la tête. Mère serait sans doute fière de le voir devenir ce grand chante-mage qu'elle présageait en lui. Mais ses deux frères ne semblaient pas intéressés... Pourtant, il avait fait le PREMIER ce qu'aucun d'entre eux n'avaient encore osé ! Ce n'était pas parce qu'ils étaient plus gros, plus grands et plus forts qu'ils devaient l'ignorer.

Viholvärakuuna crachota des flammèches en s'asseyant. Sa moue boudeuse s'illumina soudainement d'un air goguenard. "Vous avez peur en fait, c'est ça ? Peur du Dehors ! Bouh ! Froussards !"

Je ne comptais plus les fois où la Crevette nous avait raconté son aventure. Au début c'était bien, mais maintenant... Je commençais à avoir pitié de lui de n'avoir que ça pour faire le malin. Toutefois, je ressentis quelque chose d'assez désagréable quand il eut fini son histoire : comme une grosse piqure suivie d'une vague de peur venue de nulle part. Je chassai immédiatement cette sensation, je ne voulais pas avoir peur face à lui, et me fis le plus gros possible. "Moi aussi je vais explorer l'extérieur !"

Ah ! Viinamenähto avait mordu à l'appât ! Les naseaux de Viholvärakuuna se gonflèrent de vapeur satisfaite alors qu'il zieutait d'un air goguenard l'autre frangin. Mais le dragon bleu ne fit que renifler en se levant pour partir d'un air digne vaquer à ses affaires. "C'est bien !" pailla Viholvärakuuna en se flanquant aux côtés de Viinamenähto, bombant le poitrail. "Laisse aux Flamboyants l'Art de briller au Soleil." Le dragonneau regardait son frère avec espoir : avaient-ils enfin trouvé un terrain d'entente ?

"Te colle pas à moi comme ça, et oui j'ai envie d'explorer le Dehors." Répondis-je sans vraiment capter ce que voulais dire sa dernière phrase. Je m'éloignai alors de lui, sans lui jeter un coup d’œil, et me dirigeai vers l'Extérieur. Même si je me montrais fort devant mes frangins, en vrai j'avais la trouille. Je bombai le torse pour me donner du courage... Je me tournai une dernière fois vers le nid. "Bon, tu viens la Crevette ? Parce que je vais pas t'attendre !"

Peu découragé par le rejet de Viinamenähto, le petit dragon trottina à la suite de son frère et continua de se poster à ses côtés. De minuscules flammèches léchèrent ses naseaux au surnom ridicule. "Je ne suis pas une Crevette mais Viholvärakuuna le Curieux, Qui Connaît le Dehors, l'Adversaire du Grand Aigle, la Terreur des Papillons ! Et MOI, j'ai déjà vu le Dehors. Suis-moi si tu ne veux pas te perdre, Frère." Et sans hésiter, car il ne pouvait plus se permettre d'avoir peur maintenant, Viholvärakuuna sauta hors de la Grotte pour retrouver le chemin qui l'avait déjà mené au Dehors.

Je ne pus pas m'empêcher de soupirer et de rouler des yeux quand je l'entendis déballer tous les grands titres qu'il s'était inventé. C'était nul."Ouai ouai, si tu veux... J'arrive." De toute façon si je ne le laissais pas faire, je sentais qu'il allait m'emmerder tout le temps. Bref, je sautai à mon tour hors de la grotte et suivis le chemin montré par la Crevette. Au bout de quelques minutes, nous arrivâmes à l'extérieur et je me stoppai net. C'était donc ça l'extérieur !

Une fois au ras de la Grotte, Viholvärakuuna se tourna vers son frère avec un sourire goguenard. "Oseras-tu me suivre dans le Dehors, Viinamenähto le Doré ?" susurra-t-il avant de bondir hors de vue, se faufilant entre des rochers qu'il connaissait bien. Le Crevette ne passait toujours pas. Viinamenähto allait comprendre qu'il n'en était pas une ! Le petit dragonnet mit à profit la disposition des lieux pour émettre par des échos les grognements d'une sombre bête.

"T'en as d'autres des comme ça ? Bien sûr que je vais te suivre !" Je commençais vraiment à en avoir marre qu'il fasse le malin avec ça. Comme s'il était plus courageux que moi... Soudain un cri retentit et je tremblai de part en part. On aurait dit le cri d'un monstre, bien qu'il tendait légèrement dans les aigus. Cependant, je n'eus pas le temps de me poser plus de questions que quelque chose tomba juste devant moi. C'était un pic de roche ! Et ce n'était pas le seul, il y en avait tout pleins qui tombaient et je n'eus pas d'autre choix que de foncer vers la sortie...

Un ricanement incontrôlable avait pris possession du dragonnet qui se tortillait par terre sous l'effet de sa méchante hilarité. Le museau effrayé de son frère allait rester un moment gravé dans sa mémoire. Et ce n'était pas de sa faute si les pics étaient tombés ! Viinamenähto n'avait qu'à pas s'être mis sous une zone aussi dangereuse, aussi. Il ne pouvait pas tout prévoir.

Je m'échappai de la grotte sans m'arrêter, même quand je croisai Viholvärakuuna je ne jetai pas un seul regard en arrière. Tant pis s'il se prenait un pic de roche sur la tête, ce n'était pas mon problème. Au bout d'une bonne minute de course, je me retrouvai à l'extérieur et je me stoppai net. J'étais bouche bée. Ici tout était vert et lumineux, pas comme dans notre nid où il faisait toujours sombre et humide. Ici, il faisait chaud et il y avait pleins de nouveaux bruits !

"Attends-moi !!!" piailla Viholvärakuuna en voyant que Viinamenähto s'enfuyait allait se balader sans lui. "C'est MOI qui connais le Dehors, pas toi. Attends-moi !!" Il percuta même son frère dans sa hâte pour le rejoindre et ronchonna en se tenant le museau douloureux : "Pourquoi tu t'arrêtes comme ça, d'un coup, Viinamenähto ?" Sa voix mua vers une note plus aiguë alors qu'une ombre les survolait. "Il ne faut pas rester à découvert ! Le Grand Aigle peut revenir." Même si ce n'était qu'un nuage pour le moment.

Toujours en admiration devant le spectacle de la nature qui s'ouvrait devant moi, je n'entendis pas les plaintes Viholvärakuuna. Il voulait que je l'attende, et puis quoi encore. Il me faisait une blague, de mauvais gout, et il voulait que je fasse comme il veut ? Il ne manque vraiment pas d'audace... En plus, il avait encore peur du poulet volant. "Ne t'inquiète pas, s'il s'approche trop près, je le grillerais sur place ton Grand Aigle." Qu'est-ce qu'il pouvait m'exaspérer par moment.

A la fanfaronnade de Viinamenähto, Viholvärakuuna renifla. "MES flammes sont plus belles que les tiennes, d'abord." Et c'était Vrai... car il appelait aussi un Mot de Chaleur quand il crachotait son Feu intérieur. Mais son frère n'avait pas besoin de savoir ce détail. "Le Grand Aigle est bien plus gros et fort que toi, il t'emporterait si tu t'éloignes trop de moi." A deux, ils apparaissaient plus forts alors qu'isolés, ils ressemblaient à des proies. "Viens, je sais comment descendre dans la vallée." couina le dragonnet à son frère avant de se faufiler dans un chemin étroit.