Rappel du premier message :



A sa grande honte, il lui a fallu une journée entière pour cesser de se sentir mal dès que son dos se trouvait sous l'ombre d'un arbre. Leif a cependant dû se frayer un chemin dans la forêt pour relever ses collets, établir son besoin réel de viande fraîche et effectuer un premier repérage. La présence rassurante de son fidèle Krákagrár et les facéties de cet idiot de Puffífl y sont beaucoup dans sa récupération, ainsi que la douceur de la voix de Hind qui guide ses rêves loin des cauchemars.

Les prises sont mitigées. Il a dû trop tarder la vieille au camp et des concurrents sont passés avant lui ; il a repéré des traces de renards et, plus dangereux, d'un loup. Partager son territoire avec une meute ne le rassure jamais. Il n'a rien contre ces majestueux prédateurs mais il lui est difficile de dormir sur la seule oreille qui lui reste en craignant une attaque sur Krákagrár. Le petit cheval est tout à fait capable de tuer des loups mais une blessure, même superficielle, n'est jamais souhaitable dans ce monde ; il espère qu'il ne s'agisse que d'un loup solitaire de passage. A vérifier.

Pour l'heure, avec deux maigres lapins, il sait qu'un daim ne suffira pas s'il veut ramener une prise au Camp. Un cerf ou un sanglier semble plus indiqué. Peut-être deux proies, pour renflouer son stock de viande fumée tout en ramenant une belle prise au Camp.

Leif s'est donc posté au point de rencontre, attendant Dina.

Leif marmonne des jurons en islandais dans sa barde. Sa poche gigote dans son champ de vision, agitée par le rire de son elfe de maison. Certes, il est sur son territoire et... et si l'information parvient aux paranos du Camp, il peut toujours prendre ses cliques et ses claques et se barrer vers la Chine, comme il en conçoit le projet depuis un moment. Plus tôt que prévu, voilà tout. Alors il se tourne vers Ina qu'il fixe. "Bien curieuse... C'était une offrande aux gnomes. Ils nous ont aidé pendant la chasse et s'impatientaient de leur dû." Il hausse un sourcil. "Peut-on nous mettre à l'arc ?"

Ina perçoit bien l'agacement dans le regard et la gestuelle de Leif quand celui-ci lui répond. Et quelle réponse ! Une offrande aux gnomes, il croit à ces trucs qu'Ina n'a jamais vu de sa vie...
"Pourquoi ne m'as-tu pas parlé des gnomes plus franchement ? Je peux m'imaginer des choses bien pires !"
Les cachotteries, c'est mauvais signe, comme cacher le fait qu'on a été mordu par un zombie... Et puis, ne partageaient-ils pas une sorte d'amitié ?

"Que veux-tu savoir ?" demande Leif d'un ton plus doux, soudainement conscient de ce qu'elle a pu croire. "Que je suis un médium et que j'ai parlé à des elfes, des trolls, des gnomes et d'autres créatures du Huldufólk pour qu'ils vivent en harmonie avec les humains ? Que mon elfe de maison voyage avec moi, tout comme une huldre qui m'a sauvé la vie ? Que cette forêt est habitée par des gnomes bougons et des elfes farceurs ? Que je crains de voir apparaître un troll zombifié ?" Il se frotte le menton d'un air songeur. "Ou que je rends un culte à Freyja, Þórr et Óðinn ? Voilà, tu sais tout désormais."

"Euh... je..."
Cela fait beaucoup trop d'informations d'un coup pour Ina.
"Tu as un elfe de maison dans ta poche ? Et tu rends culte aux anciens dieux ! Eh beh, cela en fait des choses que j'ignorais sur toi ! Si tu veux, on commence par l'arc, comme ça ce sera fait."
Leif a tant insisté là-dessus que la jeune métisse croit encore que c'est sa priorité absolue.

La réaction d'Ina l'étonne plus que des morts qui essayent de le bouffer. "Lítill est invisible et impalpable pour les non-médiums mais il est là." Il touche doucement la poche de sa chemise. "Je suis membre de l'Ásatrúarfélagið depuis ma naissance, mes parents m'ont baptisé à la colline Öskjuhlíð de Reykjavík. Freyja est plus particulièrement ma protectrice. Mais il est intéressant d'avoir la sagacité d'Óðinn et la force de Þórr pour la vie que je mène aujourd'hui." Il prend le plus beau bâton du tas et lui tend. "Un corbeau m'a indiqué celui-ci, qu'en dis-tu ? Avait-il l'oeil d'Óðinn ?"

Donc Leif est un membre du néo-paganisme islandais et croit aux anciens dieux, aux elfes, aux trolls et autres créatures du folklore scandinaves. Ina ne sait absolument si le corbeau qui jouait près du branche pouvait avoir "l’œil d'Odin". Ina joue donc sur la flexibilité de la branche sèche.
"Ça ira, elle n'a pas de nœuds. Je vais donc t'expliquer comment le tailler. Première chose : tracer l'emplacement de la poignée. Et ensuite, trouver la courbure naturelle de la branche."

Ina le prend bien mieux qu'il ne l'avait craint et Leif se détend perceptiblement. Il sait qu'il a semblé, un moment, sur le point d'attaquer, comme un animal pris au piège et qui attendait le coup final. "Alors Óðinn m'a bien envoyé un corbeau. Je songerai à le remercier d'une offrande." Il se dirige chercher son couteau pour sculpter le bois et attrape le bâton pour l'observer. "Ne serait-ce pas bien de trouver d'abord la courbure naturelle du bois avant de placer la poignée ?"

"L'un avant l'autre, peu importe. Donc douze centimètres pile au centre et une fois fait, on cherche la courbure naturelle. Donc voyons..."
Ina sort un charbon de sa poche (elle en a toujours un pour écrire des messages aux murs) et trace ces douze centimètres puis se lève pour courber l'arc dans un sens puis un autre jusqu'à trouver le côté qui la satisfait.
"Tiens, essaye toi de me dire comment est la courbure."
Rien de mieux pour apprendre que la pratique.

Leif écoute calmement tout du long et prend délicatement le bout de bois. Concentré sur sa tâche, il décale ses pieds pour être en position de tir et passe une main douce sur la courbure, testant plusieurs positions. Ses sens sont ouverts, en quête d'une aide, mais le Huldufólk reste silencieux ; il doit se débrouiller seul sur la question. Ou pas, vu qu'il a l'expertise d'Ina. Se reposer sur un être humain après autant de temps lui donne un coup de nostalgie mais il doit rester concentrer. "Je dirais cette courbure. Le haut de la branche tourne vers moi naturellement, la courber de l'autre sens donnerait une tension inutile."

Ina acquiesce donc devant la réponse de Leif.
"Maintenant, il faut tailler l'intérieur de ton arc de façon symétrique et affiner légèrement les extrémités."

Leif prend une chaise pour s'asseoir et être plus stable de ses mains. Il a l'habitude de sculpter le bois et ses mouvements sont précis, quoique hésitants dans la marche à suivre. Mais il est assidu et patient.

Ina surveille Leif, n'intervenant que si la performance de l'arc était en péril. Ils sont loin d'avoir fini, ils doivent aussi préparer des flèches.
Est-ce qu'il a des plumes quelque part, se demande Ina en regardant aux alentours.

"Si tu cherches les autres matériaux..." lui dit Leif en captant son regard. "... j'ai mis de côté des nerfs de cerf, de sanglier et de lapin pour la corde. Je ne savais pas lesquels seraient mieux. Et j'ai entassé les plumes de Puffífl dans le coin là-bas." Il pointe un sac dans un angle et ses yeux se posent à nouveau dans le tas de branches. "Et on pourrait voir de recycler ça pour les flèches. Crois-tu que ça ira ?"

Pour Ina, un fil de pêche aurait suffit mais Leif a trouvé du nerf d'animaux, soit. La métisse va donc observer les nerfs. Celui de lapin est d'office éliminé car trop court. Il en faut un léger, le moins élastique possible et stable. Elle teste donc le bœuf et le sanglier tout en vérifiant que Leif ne mange trop le bois de son futur-arc.

Après quelques autres coups de couteau, Leif observe son oeuvre avec un air dubitatif. "Ai-je assez taillé ?" demande-t-il à Ina.

"Vérifions avec le nerf."
Le nerf de sanglier sert donc de corde, après l'avoir attaché, il ne reste plus qu'à vérifier que l'arc se tende bien et équitablement. Une fois cela fait Ina proposa de tailler légèrement là où la flèche et l'arc entreront en contact. Ensuite, elle apprend à Leif à faire des flèches avec ou sans pointe en os. Le reste de la journée s'enfuit si vite qu'ils ne voient pas la nuit tomber.

Des os, il en a suffisamment de côté, et de plusieurs animaux, pour faire un nombre conséquent de flèches. Alors qu'il pose le paquet dans un coin, Leif remarque les premières étoiles sont de sortie. "Tu ne peux pas rentrer au Camp ce soir. J'ai des couvertures en plus de mon sac de couchage... mais ça sent le cheval." Il se gratte la tête d'un air gêné. Tellement habitué à l'odeur qu'il ne s'en rappelle que lorsque les gens du Camp grimacent.

Ina se retient de demander la dernière fois que les couvertures ont été lavées si elles sentent ainsi, ce n'est pas vraiment le comportement qu'on attendrait d'un hôte.
"Tant pis, préparons le lit. Qu'est-ce que tu manges au matin ? si tu manges."
Il y a des gens qui ne mangent pas du tout le matin, à la grande incompréhension d'Ina qui a jeûner toute la nuit.

"Ce qu'il y a." répond Leif avec pragmatisme. Il se lève pour vérifier les fontes à nourriture. "Viande et poisson séchés. Quelques fruits. Des racines. Et le Camp m'a donné du pain et du riz." Il referme consciencieusement les sacs en se relevant et en ouvre un autre pour en sortir des vêtements propres. "Si tu veux te changer pour la nuit. Je vais vérifier une dernière fois les alentours." Et il sort avec le macareux qui le suit comme un petit chien.

"Ça m'a l'air très bon. D'accord, à tout à l'heure."
Ina attend donc que la porte se ferme pour commencer à sortir des vêtements plus confortables de son sac : un simple pyjama de couleur verte.

Dehors, Leif relâche ses épaules tendues avec un soupir soulagé. Interagir autant de temps avec un autre humain était à la fois agréable et très stressant, surtout quand ce comparse posait des questions sur ses croyances. Krákagrár hennit joyeusement en le voyant et Leif n'hésite pas à entourer son encolure de ses bras et se coller contre son chanfrein, respirant son odeur accueillante. Il va rentrer en sentant encore plus le cheval, qu'importe. Toujours mieux que les crottes de Puffífl ; il le surveille du coin de l'oeil, ce fripon. Avec un dernier câlin, Leif se détache du cheval pour reprendre sa ronde. RAS. Il remonte plus serein.

Ina s'est déjà couchée et est en passe de dormir. Quand il n'y a pas de danger, il n'y a pas de raison de rester éveillé. Elle a suffisamment de conscience pour dire à Leif un dernier bonne nuit avant de sombrer.

"Bonne nuit." souffle aussi Leif en revenant se fourrer dans son sac de couchage, Puffífl lové contre son ventre. Ils sont réveillés le lendemain matin par les effluves horribles du macareux qui empestent dans la cabane surélevée. "Crétin de Puffífl !" siffle en islandais Leif en se levant d'un bond pour sortir l'animal qui a l'audace de s'envoler en caquetant vers la mer. Le nez retroussé, Leif ronchonne en nettoyant les dégâts avant de préparer la table du petit déjeuner.

Dès que Leif se lève, Ina fait de même. Elle était réveillée depuis quelques minutes mais n'osait pas bouger avant que son hôte ne soit éveillé (une manie à elle). Elle plisse tout de même le nez devant l'odeur... "musqué".
"Salut, bien dormi ?"

"Oui. La nuit a été calme... avant que ce crétin ne s'oublie." grommelle Leif en finissant de poser le petit déjeuner sur la table en bois brut. "Si nous sortons d'ici une heure, il sera vers huit heures une fois sur la rivière."