Elle se mut dans la pièce très aisément, aucun doute, elle était dans son élément. « Les costumes utilisés récemment sont ceux plus proche de la porte. Celle-ci mène sur les côtés de la scène via une pièce cachée les décors ou un grand rideau. » Svetlana se frottait l'oeil droit feignant le retrait d'une poussière puis retrouva son sourire tant apprécié par le public.

Une pièce cachée? De mieux en mieux, on n'était pas loin des passages secrets! Bon, d'accord, on en était un peu loin: l'endroit était organisé pour être pragmatique, pas mystique, mais bon on pouvait rêver. « Cette porte n'a pas intérêt à grincer au mauvais moment, j'imagine. » En parlant de pensent à pragmatique, justement.

Sveta s'adossa contre un mur pour discuter. « Ah vrai dire peu importe, en général le bruit des spectateurs en plus de l'éventuelle musique et le jeu des comédiens on ne l'entends presque pas, d'autant qu'elle ne se situe pas dans la partie du théâtre qui réverbère le son. » Elle sourit d'un air taquin cette fois ci « C'est d'ailleurs pour ça que vous n'entendez pas les artistes discuter en coulisse juste avant leur entrée. »

« Et heureusement d'ailleurs ! » fit-elle en continuant sur le même ton. « Malheureusement je n'ai pas le droit de vous amener plus loin, il faut bien que certains secrets restent comme tel n'est-ce pas ? » La vérité était qu'elle n'avait plus la motivation de rester dans le théâtre, elle avait envie de bouger un peu, mais pas forcément d'expulser les mariés du théâtre. Elle commençait à réellement apprécier leur compagnie.

« On dit qu'un magicien ne révèle jamais ses secrets, merci d'avoir soulevé un coin du voile. » Elle aurait bien poussé l'exploration plus loin, ceci dit, mais elle se rendait bien compte que c'était déjà une chance d'avoir pu jeter un oeil jusque dans cette pièce. Et elle était sincèrement reconnaissante à la jeune actrice d'avoir pris le temps de leur faire visiter.

Se redressant de son mur Svetlana passa une main dans ses cheveux et désigna du menton la sortie. « Me permettrez-vous d'aller chercher mes affaires et de vous raccompagner jusque la sortie ? » Après tout s'il ne restait dans le théâtre que le personnel d'entretien et le directeur elle devait aussi libérer sa loge.

« Bien évidemment. » Ils auraient pu trouver la sortie eux-mêmes, bien sûr, mais la perspective de pouvoir discuter encore un peu avec la jeune femme était séduisante. Et puisque Isaak dormait de toute façon à cette heure-ci (du moins, sa mère l'espérait), il n'y avait personne qui attendait spécialement leur retour.

Quelques minutes après le retour de Svetlana dans sa loge elle en ressortit son sac sous l'épaule et la cage de mirage, recouverte du tissu brun, dans son autre main. Mirage était étrangement calme, Sveta supposa qu'elle dormait et tenait donc la cage avec très grande précaution « Me revoilà ! Merci de m'avoir attendu. Avez-vous besoin d'appeler une voiture pour rentrer ? Il y a un téléphone réservé aux artistes non loin si vous en ressentez le besoin. »

« Puis-je vous délester? » Toujours serviable. De son côté, Yeva s’étonnait que la cage fasse partie des affaires que l’actrice avait été chercher. N’était-ce pas plus simple de ne pas devoir la déplacer? Et elle voyait mal l’utilité que l’oiseau pouvait avoir dans une loge. « Merci pour votre proposition, mais la voiture attend près de la sortie. Est-ce que nous pouvons vous déposer quelque part? »

« Vous avez ma parole. » Son ton avait une solennité humoristique, mais il ferait attention à ne pas secouer l’habitante emplumée de la cage. Yeva hésita un moment à insister pour la voiture au cas où la jeune femme avait décliné par politesse, puis se ravisa: ils s’étaient sans doute déjà assez imposés dans sa soirée. Elle en profita donc plutôt pour satisfaire sa curiosité sur un autre sujet: « Votre oiseau vous suit partout où vous allez? »

« Merci. » Devait-elle répondre à la question par un mensonge ? Après tout les évènements récents lui ont prouvé que les animaux n'étaient pas bien plus aimés ici qu'à Paris. Tant pis, elle était prête à en assumer les conséquences « Oui, Mirage vient avec moi à chaque représentation, elle me rappelle tout le mal que je me suis donnée pour en arriver là et elle m'empêche d'avoir le trac. » fit-elle, souriante.

Svetlana fouillait dans son sac à main lorsqu'elle répondit en riant « Oh elle n'a pas l'air de s'en plaindre, enfin pas que je sache. » La main qui sortait du sac munie d'une clé éclaira son visage d'une légère lueur victorieuse et elle entâma la fermeture de sa loge.

« Elle aurait tort de se plaindre: elle voit plus de pays que la plupart de ses congénères domestiques. » « Domestique », un joli mot pour dire « captif », même dans une cage dorée. Impossible de vraiment s’envoler: la perruche pouvait tout au plus voleter d’un bout à l’autre de sa cage.

« C'est également ce que je me dis en effet. » il arrivèrent enfin à la sortie du théâtre devant laquelle attendait une voiture, sûrement celle dont parlait Yeva précédemment. Elle fit une gracieuse révérence au couple « Et bien très chers il me semble qu'il soit temps de nous séparer, j'ai été ravie de passer cette soirée en votre compagnie. »

Une fois à l’extérieur, Pavel rendit la cage à la jeune femme et répondit en leur nom à tous les deux en s’inclinant à son tour: « Tout le plaisir a été pour nous, merci pour le temps que vous nous avez accordé. Nous espérons bientôt vous admirer sur scène une nouvelle fois. »