Le couple s’exécuta et s’assit, non sans un regard à la perruche de la part de Yeva. À la fois elle aimait les animaux, et pourtant depuis peu elle n’appréciait plus trop les oiseaux. Enfin, l’animal n’avait rien fait pour mériter son animosité et elle n’en laissa donc rien paraître. « Vous avez l’avantage et l’inconvénient de connaître le pièce par coeur. S’il y a eu des faux pas, un oeil externe comme le nôtre ne les a pas remarqués. »

« Remarqué, peut-être pas en effet. » elle commença à ouvrir la petite boîte pour en sortir du tabacs et son porte-cigarette. « Mais des fois quelques petites erreur de la part des comédiens peuvent se ressentir, même inconsciemment, à travers des impressions uniquement. » elle se pencha en arrière pour récupérer sa boîte d'allumette « Cela ne vous dérange pas ? » fit-elle en aparté en désignant sa cigarette.

Svetlana se leva pour ouvrir la petite lucarne de sa loge et alluma sa cigarette qu'elle tint au bout de la tige en bois noire. « Parfait alors. » sourit-elle après avoir expiré un peu de fumée. Elle se rassit sur son fauteuil et demanda, l'air curieuse et toujours aussi souriante : « Alors, parlez-moi un peu de vous deux les amoureux, vous venez souvent au théâtre ? »

Au moins, la pièce ne finirait pas complètement enfumée. Voilà qui rassurait quelque peu Yeva. Elle fut par contre complètement prise de court par la question suivante de la jeune femme. « Les amoureux »? Ce n’était pas un rendez-vous galant: ils étaient mariés! De son côté, Pavel avait l'air plutôt amusé et répondit du tac au tac: « Moins souvent qu’au ballet, mais on nous a fait comprendre que cette pièce était un incontournable. »

Elle expira de la fumée en tournant la tête. « En effet oui, là bas c'est l'inverse, enfin en Europe en général je dirai. La théâtre y a bien plus de succès que le ballet. » Elle replaça son regard sur les mariés « Le compromis entre le théâtre et le ballet devrait vous plaire alors, avez-vous déjà été à l'opéra ? » Lorsqu'elle recevait dans sa loge Sveta se devait d'être professionnelle et de se rapprocher de ses invités tout en faisant un peu de publicité, c'était bon pour les affaires.

« il est certain que l'opéra nécessite une certaine érudition des langues pour l'apprécier à sa juste valeur. Contrairement au théâtre il est très difficile d'en traduire les paroles et cela serait même considéré comme un affront. » Elle changea de jambe dans son croisement et continua « Alors dites moi, comment vous êtes vous rencontré ? »

« Oh je vois, navrée, j'ai cette vilaine tendance à m'intéresser un peu trop à la vie des autres. Vous savez... » Elle fit une pause pour tirer sur sa cigarette « ... contrairement à ce la plupart des gens pensent, et bien malgré toute la diversité de notre métier la vie des autres continue de nous paraître plus palpitante que la nôtre. »

La proposition de l’actrice alluma une très nette lueur d’intérêt dans les yeux de Yeva. « Volontiers. » Elle se doutait que Pavel était tout aussi curieux, même s’il ne le montrait pas aussi ouvertement. Et pour cause: même après quelques années à habiter Moscou, elle pouvait se permettre de passer pour une provinciale fascinée par la ville, alors que pour lui c’était hors de question. Elle gagnait à être sous-estimée, lui devait faire attention à sa réputation.

Elle éteignit sa cigarette et la posa sur le rebord d'un cendrier à côté duquel elle abandonna également son porte-cigarette. « Très bien allons y alors, j'en profiterai peut-être pour vous présenter les autres comédiens. Vous avez de la chance, aujourd'hui vous êtes les seuls invités en coulisse, nous pourrons donc prendre notre temps. »

La jeune comédienne sorti de sa loge et se dirigea vers la loge d'en face « Et bien d'habitude il y a quatre ou cinq personnes qui visitent les coulisses lors des grandes représentations, dans ce genre de cas nous sommes contraints d'écourter les entretiens pour pouvoir pour pouvoir satisfaire tout le monde. Mais je dois vous avouez que je préfère le cas présent, où il n'y a qu'un personne, accompagnée ou non, c'est plus convivial et il n'y a pas le stress du temps. »