"Presque." répondit gentiment Mikhaïl en prenant délicatement la couronne. "Regarde : il faut plus serré ici tout en restant doux, pour ne pas casser les tiges. Raïetchka a mis longtemps à réussir cette partie alors que Tsilia peut en faire tout ce qu'elle veut ; ce sont mes soeurs." Il lui rendit la couronne arrangée. "Réessaye. Ce n'est qu'avec de l'entraînement que tu vas y arriver. Et ta couronne est plus jolie que la première que j'ai faite !"

"Tu t'en sors très bien." Mikhaïl était impressionné de sa concentration et de sa minutie. Il n'était pas habitué à voir d'autres garçons ne pas être la proie à l'impatience. "Mes frères n'ont jamais réussi à tresser une couronne de ce style et voilà que tu arrives du premier coup ! Et toi, Motya ?" Il se dirigea vers le plus jeune pour vérifier son avancée et l'aiguiller au mieux.

Patya était flatté, mais si le Père Micha voyait ses exploits scolaires, il ne tiendrait pas le même discours ! Motya ne sursauta pas, cette fois ; il commençait à comprendre pourquoi son aîné semblait si confiant. Il n'approuvait pas pour autant, mais du haut de ses sept ans, il comprenait. En revanche, côté couronne, ce n'était pas ça du tout. Les travaux manuels, ce n'était vraiment pas son truc. Il préférait de loin avoir à apprendre de longs textes par cœur. Mmh, fit-il, mal à l'aise.

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Motya et Patya s'appliquaient tandis que les deux autres enfants demandaient des conseils à leur tout. Patya finit par prendre le coup de main. Sa couronne n'était pas aussi belle que celle du prêtre, mais il était très content de lui. Par conséquent, il délaissa quelques instants son ouvrage pour encourager son frère. C'est bien, disait-il sans toucher la couronne de Motya. Ça prend forme !

D'accoooord ! répondirent-ils en chœurs. Ils se répartirent les couronnes et les emportèrent délicatement dans leurs petites mains. Patya souriait jusqu'aux oreilles. Ses problèmes existentiels s'étaient envolés pour quelques heures et il profitait de cette journée comme de n'importe quelle autre avant l'incident. Un rayon de soleil vint parfaire le tableau en faisant miroiter les champs humides comme un étangs plein d'algues.

Patya admirait l'église comme si elle venait tout juste d'être érigée. L'édifice, tel le phœnix, commençait une nouvelle vie. Il avait hâte d'être au lendemain pour écouter ce que le Père Micha avait à leur enseigner. Les enfants saluèrent joyeusement le prêtre et s'égayèrent dans les rues du village, apprenant la nouvelle à tous ceux qu'ils croisaient.
L'heure du déjeuner approchant, Patya entraîna Motya en direction de la ferme familiale. Leur mère n'allait pas tarder à les appeler.

Micha regarda depuis le pas de la porte de l'église les enfants s'éparpiller aux quatre coins du village. Un doux sourire ornait ses lèvres. Puis il sembla se réveiller d'un long songe bienheureux en un frisson décidé et remonta ses manches. Toute le reste de la journée, il ne chôma pas. Il répara sommairement le banc cassé, dépoussiéra l'ensemble de l'édifice, jusqu'au moindre recoin, refit la décoration et prépara avec grand soin les objets de culte pour le lendemain. Rentré chez lui, il choisit sa plus belle soutane qu'il repassa et s'installa sur le lit spartiate pour reprendre son sermon avant de dormir sereinement. L'avenir en cette bourgade s'annonçait radieux.

Alors que l'église se vidait peu à peu dans une piété générale, Mikhaïl remarqua Patya dans les quelques personnes qui s'attardaient encore dans l'édifice. Il s'avança vers le petit groupe en souriant. "Bonjour, Patya. Motya." Il tendit une main vers le père. "Enchanté de vous connaître. Je tenais à féliciter une nouvelle fois vos fils pour l'aide apporter dans la décoration de l'église."

Ah ça, on a parlé que de ça hier soir à la maison ! répond Mikhaïl en serrant chaleureusement la main du prêtre. Il frotte affectueusement la tête de ses fils et se présente, ainsi que ses cinq autres enfants. On attend ma femme, Nadejda. Elle est enceinte, mais elle voulait absolument venir vous souhaiter la bienvenue dès aujourd'hui. On n'a pas pu la convaincre de rester à la maison, ajoute Pyotr avec un petit sourire entendu.

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