Une fête, mais pas n’importe quelle fête ; c’était un gros doigt d’honneur adressé aux miliciens et anti-zootropes. Un gros doigt d’honneur assez massif pour dresser un chapiteau au milieu de la campagne, et le rendre un lieu d’extravagance pour une nuit. La fête avait été décidée du jour au lendemain, et partagée de bouche à oreille de chat. On ne pourra pas démasquer tous les taupes ni ne les empêcher de venir, qu’ils disaient, mais on pourra au moins empêcher les explosions surprises. Et puis il y aura des gardes postés ici et là. Plus là-bas qu’ici à vrai dire vu que, vous imaginez bien, que ce ne sont que de pauvres mortels qui ne sauront résister à l’appel de Bacchus (ni à celui de la beauté brute).

Pour une fête organisée à la dernière minute, il y’avait eu plus de monde que prévu. On avait pourtant compté les froussards en moins – qui craindront trop une embuscade pour oser se ramener – ainsi que les trop-méfiants qui croiront à un éventuel piège de la milice. C’est vrai qu’il y’avait de quoi, c’est une idée absolument folle. Mais continuer à se terrer avec les vers jusqu’à se faire ronger par eux ? Nan, suffit. Il est temps de prendre la clef des champs, de les mettre en feu et de revenir avec les cendres (qu’on ira ensuite disperser à la plage où reposent nos amants et nos enfants, avec nos mains pleines de cloques et de terre). Allez, soyons fous ! Encore plus fous qu’ils ne le sont – je sais, ça va être dur de réussir à faire mieux.

Les cœurs de lions rugissaient et chantaient, flirtaient, buvaient, riaient surtout. Ils dansaient dans leur chapiteau de gloire ou sur leurs voitures d’infortunes, certains et certaines moins habillés que d'autres ; il y avait donc plein de voitures garées un peu n’importe comment tout autour. Et ils étaient tous des bêtes ce soir, pas de distinction, pas de noms. Les humains portaient des masques d’animaux (voir des têtes pour certains), même les zootropes portaient des masques d’animaux ! Et ceux qui pensent que c’est un pléonasme, sont bien tristes.